L'AFFAIRE DU DIOCÈSE DE BAYONNE EN 1891.
En 1891, le diocèse de Bayonne est composé de deux entités, la Basque et la Béarnaise.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien L'Univers, le 29 janvier 1891 :
"L'Affaire du diocèse de Bayonne.
Nous empruntons au Journal Officiel le compte rendu in extenso de la discussion qui a eu lieu dans la dernière séance de la Chambre au sujet de cette affaire.
... M. l'abbé Puyol a manqué gravement, en premier lieu, aux statuts de la congrégation de Saint-Louis qui lui interdisaient absolument de s'immiscer en aucune façon dans les affaires d'aucun diocèse ; il a, de plus, compromis son caractère d'une façon regrettable en prenant sur lui de déclarer au Vatican non pas seulement oralement, mais dans une lettre, qu'il avait l'assentiment du gouvernement français. (Exclamations à gauche.)
Messieurs, j'ai le regret d'être obligé de constater ces faits ; je le fais avec la mesure nécessaire, mais je ne peux pas les dissimuler à la Chambre. (Parlez ! parlez !)
M. l'abbé Puyol écrivit donc au Vatican que le gouvernement français serait heureux de voir clore cet incident par quelques récompenses accordées aux prêtres... (Rires ironiques à gauche)... qu'il serait "enchanté" — c'est le terme même dont il s'est servi — de cette solution.
M. Clémenceau. — Et l'ambassadeur ?
M. Gustave Rivet. — Alors, il n'y a qu'à retirer notre ambassadeur.
GUSTAVE RIVET |
M. le ministre. — Mon cher collègue, permettez-moi de vous dire, puisque vous me provoquez par une interruption, que notre ambassadeur a montré dans cette affaire toute la fermeté que nous pouvions attendre d'un représentant du gouvernement de la République.
M. Clémenceau. — Mais il ne vous a pas renseigné !
M. Maurice Faure. — On s'est passé de lui !
MAURICE-LOUIS FAURE |
M. le ministre. — Comment voulez-vous qu'après la déclaration du 10 août, suivant laquelle les appels étaient retirés, M. Lefebvre de Béhaine, qui d'ailleurs se trouvait en France en vertu d'un congé régulier (Interruptions et rires ironiques à gauche), pût soupçonner qu'un prêtre français, placé sous son autorité, qui avait le devoir de ne rien faire à Rome, je ne dirai pas contre l'ambassade, mais à l'insu de l'ambassade, eût prit sur lui d'aller déclarer au Vatican qu'il avait profité de ce voyage en France pour nouer d'une façon officieuse je ne sais quelle combinaison agréée, disait-il, par le gouvernement français ? C'était faux.
M. Boissy-d'Anglas. — Cela prouve que l'ambassadeur ne compte guère auprès du pape !
M. le ministre. — Il y a quelque chose de plus : parmi les quatre prêtres qui ont reçu ces distinctions dont on parlait tout à l'heure, il y en a un qui n'avait pas encore été déplacé par l'évêque. C'est l'abbé Hiriard, desservant de Béguios. On avait dit au Vatican qu'il s'agissait uniquement de récompenser la docilité avec laquelle les prêtres avaient retiré leur appel. L'explication manquait en fait en ce qui concerne le desservant de Béguios. Nous avons dû demander sur ce point des explications précises, et il a été constaté que la liste qui a été remise au Vatican contenait bien les noms de quatre prêtres qui s'étaient pourvus auprès de l'autorité ecclésiastique ; mais l'abbé Puyol a reconnu qu'il avait, "au dernier moment, de son autorité, et sans appeler l'attention du Vatican", substitué le nom de l'abbé Hiriard à celui d'un des autres prêtres. (Vives exclamations à gauche et au centre.)
M. Boissy d'Anglas. — Pourquoi le Vatican n'a-t-il pas demandé des renseignements à l'ambassadeur ?
M. le ministre. — Je considère qu'il est de mon devoir absolu d'établir les faits. (Très bien ! — Parlez !).
Je le fais avec le plus de clarté possible et je pense que ces exclamations ne s'adressent pas à la manière dont je remplis en ce moment mon devoir. (Non ! non ! — Parlez ! à gauche.)
M. l'abbé Puyol a donc avoué qu'il avait ainsi substitué un nom à un autre, et il a dit qu'il l'avait fait à la demande de quelques personnages du diocèse de Bayonne.
Voilà les faits, et je pense que la mesure dont je revendique — et je n'ai aucun mérite à le faire — toute la responsabilité, c'est-à-dire la révocation de l'abbé Puyol, est absolument et pleinement justifiée. (Assentiment à gauche.)
M. l'abbé Puyol a manqué à tous ses devoirs, non seulement aux devoirs spéciaux de sa charge, mais aussi aux devoirs d'un ecclésiastique français investi de la confiance du gouvernement de son pays.
Maintenant, il n'en reste pas moins que M. l'abbé Puyol, par la conduite qu'il a tenue et qui a été sévèrement appréciée partout, a placé le Saint-Siège dans une situation singulièrement difficile. Il est, en effet, trop évident que les distinctions accordées dans les conditions que je viens d'exposer devaient être présentées par les partis politiques comme ayant un tout autre caractère que celui que le Saint-Siège entendait leur donner ; que l'on ne manquerait pas de dire qu'il avait ainsi pris parti tout à la fois contre l'évêque et contre le gouvernement français, et que son intervention, dans de pareilles conditions, offrait une gravité singulière, qui ne pouvait certainement pas nous échapper.
Au surplus, les articles de journaux dont on a fait passer des extraits sous vos yeux, ceux de l'Eskualdunac et de la Semaine de Bayonne, articles violents, mauvais dans leur inspiration, ne pouvaient permettre à personne de se tromper sur le parti que l'on allait essayer de tirer de cet incident.
Nous avons dû appeler l'attention du Saint-Siège sur ce point, et nous l'avons fait avec toute la fermeté qui était nécessaire. (Très bien ! très bien à gauche.) Le Saint-Siège a reconnu qu'il avait été victime d'une véritable supercherie. (Exclamations à gauche.)
M. Charles Beauquier. — Il n'est donc pas infaillible !... (Rires et applaudissements sur quelques bancs à l'extrême gauche.)
CHARLES BEAUQUIER |
M. le ministre. — Le Saint-Siège a déclaré qu'en ce qui concerne tout au moins le curé de Béguios il avait été, je le répète, d'une véritable supercherie, qu'il regrettait son erreur — il m'a autorisé à le dire à cette tribune — et, en ce qui concerne les autres prêtres, il a déclaré avec toute l'énergie possible qu'il repoussait les commentaires inconvenants dont certains journaux avaient voulu entourer ses décisions ; qu'il avait entendu seulement, ne croyant en aucune façon blesser les susceptibilités ni les droits du gouvernement français, donner une marque de satisfaction aux prêtres qui avaient fait leur soumission à la fois au Saint-Siège, au gouvernement de leur pays et à leur évêque.
M. Hubbard. — Mais le pape maintient les distinctions qu'il leur a conférées !
GUSTAVE-ADOLPHE HUBBARD |
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