IMPRESSIONS D'UN DÉBUTANT SUR LES PLAGES BASQUES EN 1930.
Dans les années 1930, la Côte Basque est à la mode, pour la "jet set" , au même titre que Deauville ou Cannes.
PLAGE DU PORT-VIEUX BIARRITZ 1930 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta A. Hérisson-Laroche, dans le quotidien Comoedia, le 9 septembre 1930 :
"Impressions d'un débutant sur les plages basques.
J'en suis encore tout étourdi, chante-t-on au féminin dans la Manon de Massenet. Les causes sont différentes, mais, en ce qui me concerne, le résultat reste le même.
On m'avait dit, au départ de Deauville : "Ici, c'est très bien, peut-être un peu trop parisien. Là-bas, vous verrez combien l'atmosphère change. Vous allez être pris, saisi et retourné, dès votre arrivée. Seulement, gardez-vous de freiner en quoi que ce soit. Du courage, jeune homme. Imitez l'apprenti nageur : plongez sans réfléchir, d'un seul coup. Vous avez l'autorisation de serrer un brin les mâchoires, mais c'est tout. Deux jours après, si vous suivez mes conseils, vous m'en direz des nouvelles."
J'ai suivi, j'ai plongé, j'ai bu et rebu. Et maintenant que, le stylo à la main, je désire vous confier mes impressions, il me semble que, dans ma pauvre tête, pensées, vocables et ponctuation, en un mot tout le stock de l'homme honnête, titubent affreusement. Il faudrait avoir à sa portée la lyre d'un Ponchon pour traduire parfaitement l'état exceptionnel de mon cerveau.
Tant pis ! Vous m'excuserez, n'est-ce pas, de me présenter à vous en un tel débraillé intellectuel. Je n'oserais jamais en temps normal. Mais, puisqu'il le fallait !
Remarquez avec moi que mon lucide (le veinard) conseiller n'avait pas tort. Il avait même raison. Décidément, je suis encore loin d'aller mieux. J'ai une envie folle d'arrêter ces divagations qui me font honte, et, cependant, quelque chose me pousse à aller de l'avant.
Ma lourde tête s'est affalée sur mon papier. J'ai dormi un peu, rêvé probablement. Le pouls paraît meilleur. Alors, allons-y.
Récapitulons. A ma descente du train, deux compagnons, qui étaient initiés eux, m'ont happé d'un mouvement énergique. Avant même de prononcer une parole, ils contemplèrent longuement mon veston, mes guêtres, mon teint de pierrot mal débarbouillé. Ils semblaient me considérer des pieds à la tête avec une stupeur ironique. J'étais atrocement gêné. C'est alors que mes yeux se portèrent d'instinct et à leur tour sur ceux qui avaient bien voulu consentir à se faire mes guides bénévoles. Portaient-ils des maillots, des pyjamas ou de simples culottes de sport ? Je ne peux pas le démêler exactement. Ils étaient fort peu vêtus et des échancrures, savamment ménagées, laissaient apparaître de vastes îlots d'une peau dont l'éclat mat rappelait étrangement le bronze des pendules et des vieilles statues.
Mais notre dialogue muet ne pouvait s'éterniser. Nous rompîmes enfin nos ahurissements mutuels. Et j'appris, alors que ce Biarritz, dont j'avais hâte de connaître tous les charmes, s'enrichissait de cinq plages, aux caractéristiques différentes. Je n'eus pas le loisir de demander de nouvelles précisions, car déjà la plus agile des torpédos nous emportait à vive allure pour nous déposer bientôt sur une plage immense, longue de plusieurs kilomètres. Des dunes et des pins à perte de vue. Une lumière éblouissante que je supportais avec peine.
— Demain, vous serez adapté, mon cher, reprirent alors les deux jeunes gens d'un commun accord et puis, après-demain, vous ne pourrez plus vous en passer. Voyez cette étendue qui se poursuit jusqu'à La Barre, c'est la Chambre d'Amour.
CHAMBRE D'AMOUR ANGLET 1929 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Vous souriez ? Vous avez raison d'ailleurs, car une jolie légende s'attache à ces paysages. Mais, actuellement, nous avons mieux à faire qu'à écouter des contes bleus. Il nous faut d'urgence poursuivre votre initiation.
Tout le monde tint parole, initiateurs et initié. Il est certain que je peux maintenant me parer de ce titre envié. Je suis un initié. En moins d'une journée, j'ai percé les mille mystères du bain de mer et du bain de soleil. Ma pauvre peau rebelle se hausse peu à peu à la gloire brune des résidents basques. Je sais aussi bien qu'un habitué chevronné de notre station que s'il convient, le matin, de confier ses pieds et son torse aux flots courroucés de la plage d'Amour, il est tout aussi nécessaire de jouir du soleil aux abords du Miramar pour plonger une heure après sous les vagues vibrantes qui se chevauchent devant les deux casinos. Mon expérience, qui fut complète, me conduisit, après un court repos à l'anglaise et une rapide digestion, sur cette plage grandiose de la Côte des Basques où, face aux monts espagnols, toutes les nations de la terre oublient leurs difficultés et leurs divergences dans un coin d'Océan particulièrement accueillant.
CÔTE DES BASQUES BIARRITZ 1930 PAYS BASQUE D'ANTAN |
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