LE CARDINAL BAYONNAIS CHARLES LAVIGERIE PAR FRANCIS JAMMES EN MAI 1927 (première partie)
LE CARDINAL LAVIGERIE PAR FRANCIS JAMMES EN 1927.
Charles Lavigerie, né le 31 octobre 1825 à Huire à Saint-Esprit (ancienne commune des Landes) et mort le 26 novembre 1892 à Alger (Algérie), est un prêtre français, missionnaire en Afrique du Nord et cardinal en 1882.
PORTRAIT DU CARDINAL LAVIGERIE PAR LEON BONNAT 1888
Voici ce que rapporta le quotidien La Croix, le 1er mai 1927, sous la plume de Francis Jammes :
La Collection "Les Grands Coeurs", qui compte grouper, dans un ensemble de portraits moraux, les plus généreuses figures de l'humanité, commence sa première série de publications par un Lavigerie de M. Francis Jammes, oeuvre de vérité plus passionnante que toutes les fictions. Nous sommes heureux d'en donner un chapitre inédit, les pages dans lesquelles nous sont contées l'enfance et les années de Séminaire du grand cardinal africain :
LIVRE LAVIGERIE PAR FRANCIS JAMMES
Charles Lavigerie fut confié tout jeune aux maîtres de Saint-Léon de Bayonne, dont l'un, M. l'abbé Dassance, discerna et confirma la vocation naissante de son élève qui en fit part à sa famille. Après sa première Communion, préparée par M. Franchistéguy, il fut présenté à Mgr Lacroix, évêque de Bayonne, qu'il assura de son désir de devenir prêtre et paysan. On l'envoya au Petit Séminaire de Larressore.
Larressore ! Une flûte s'élève à laquelle répond le tintement de clarines, comme de doigts posés tour à tour sur les notes du silence. Virgile ! Le lait des torrents capricieux coule dans la prairie. Voici la rose des vents de cette pépinière spirituelle, où, en 1939, âgé de 14 ans, entre Charles Lavigerie.
SEMINAIRE DE LARRESSORE PAYS BASQUE D'ANTAN
Au Nord-Ouest. Ustaritz, dont le seul nom dit les bergers encore, le rire de la Nive, la demeure pacifique où, revenu de la Havane, de l'Argentine ou du Mexique, le Basque fait fourbir sa cuisine et sa chaîne de montre ; au Nord-Est, Hasparren, pastorale et négociante, avare, sensuelle et janséniste, peuplée aussi de revenants d'Amérique durcis comme les cuirs qu'ils tannèrent ; au Sud-Est, le massif d'Ursuya dont chaque village, à ses pieds ou sur ses flancs, n'est qu'un iris dans la verdeur ombreuse ; au Sud, Cambo, posée telle qu'une aiglonne blanche sur sa colline de cailloux roulés, Cambo dont l'aile distribue les brises bienfaisantes que 50 ans plus tard viendra respirer le lion fatigué ; au Sud encore, Itxassou dont fut curé en 1607 celui qui devait être l'abbé de Saint-Cyran, Itxassou qui proteste contre un tel desservant de toutes ses gorges qui ruissellent sous le collier des sources qui s'grène au long des noires parfois polies ; au Sud-Ouest, Espelette, enfouie tellement dans les jardins qu'elle ne s'en distingue pas, contrebandière et chevrière à l'affut, glissant une oeillade brillante comme une lame du côté de Dancharinea.
Tel était le cadre, élargi sur quelque 10 kilomètres du Petit Séminaire de Larressore. Là régnait la plus pure innocence de petits garçons tels qu'il en est encore dans un pays cependant infesté d'ondines si ardentes qu'une légende veut que, pour en rompre le charme damnable, il faille, après être confessé et communié, affronter sur un frêle esquif la vague de lait, la vague de sang, la vague de larmes, d'un lac magique et furieux.
Au doux collège ne parvenait point l'écho de ces nymphes perverses dont on dit qu'elles viennent, au clair de lune, se substituer aux simples mortelles qui dansent auprès des frontons. Mais le fronton de Larressore ne connaissait d'autres ébats que ceux des écoliers qui, durant les récréations, jouaient à la pelote sous les yeux de la Vierge, de leurs anges gardiens et de prêtres. Nul doute que Charles Lavigerie ne se soit volontiers dépensé à ce sport traditionnel où triomphent la force et la prompte riposte. Il devait renvoyer d'autres balles, déployer une vigueur plus soutenue au cours d'une existence héroïque où le jeu même se trouvait engagé du salut du monde, entre son équipe de Pères Blancs et les plus noirs démons de France, d'Asie et d'Afrique. Au Petit Séminaire de Larressore, comme à celui d'Ustaritz, qui le remplace maintenant, j'emprunte cette formule familière aux pilotaris : "Je lui porte un défi."
CARDINAL LAVIGERIE PAYS BASQUE D'ANTAN
Et c'est bien un défi que Lavigerie, en lui lançant son gant d'osier, devait jeter au prince de ce monde.
Le Larressore de 1839 ne devait pas différer beaucoup d'avec celui qu'a chanté l'un de ses anciens élèves dont la demeure conserve des souvenirs qu'il tient de son père et qui, certainement, services fleuris ou meubles, gardent la note vive des jardins de Louis-Philippe.
CARDINAL LAVIGERIE
PAYS BASQUE D'ANTAN
La discipline était un peu rude, mais toute mêlée de détails qui amusent follement les petits garçons en soulignant les défauts de leurs maîtres ou de leurs camarades. Tel professeur de musique, un laïque, parce qu'il avait accepté un gâteau d'une vieille dame, s'était vu refuser l'absolution par un doctrinaire qui en tenait pour Saint-Cyran ; tel serviteur, kleptomane pour les saucisses, n'avait pu, certain jour, en distraire une seule d'un pot où, pour l'humilier, on les avait liées ensemble. Toutes choses qui laissent impassibles nos âmes blasées, mais qui déridaient au bon vieux temps les grands et les petits. Il suffit aux oiseaux de quelques gouttes d'eau pour qu'ils s'enivrent de leurs propres chants. Le jeune Lavigne marquait de la véhémence. Un incident dont on parle encore dut égayer fort le collège. On rapporte qu'avant d'emboucher la clarinette dont il prenait des leçons, le futur cardinal l'envoya, un jeudi, à la tête de son instructeur. Voilà qui n'était point dans le ton d'un joueur de flûte. Mais aux violents appartient le royaume du ciel quand, à la fin, ils luttent contre eux-mêmes. Et je crois vraiment que, dans la vie d'apôtres tels que Saint Paul et Lavigerie, en butte à des haines déchaînées, la patience échappe malgré elle : leurs coeurs sont comme leurs escarcelles qui éclatent en présence de la charité."
A suivre...
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
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