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mercredi 11 décembre 2024

UNE ENQUÊTE SUR L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE EN 1833 AU PAYS BASQUE (première partie)

L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE AU PAYS BASQUE EN 1833.


Après la loi Guizot du 28 juin 1833, une vaste enquête est lancée, en France, durant l'automne 1833, afin de connaître l'état de l'enseignement primaire.




pays basque enseignement primaire 1833
CARTE BASSES-PYRENEES 1826






Voici ce que rapporta à ce sujet M. Hourmat dans le Bulletin du Musée Basque N° 24 en 1964 :



"Etude.

L'Enseignement Primaire dans le Pays Basque d'après l'enquête de 1833.



La loi du 28 juin 1833 représente une très importante étape dans l'histoire du développement de l'enseignement primaire en France : elle a créé, a-t-on écrit, une espèce de charte de l'enseignement primaire. Que cette loi sanctionne et régularise des mesures prises antérieurement, c'est ce qu'il convient de rappeler pour corriger certaines perspectives injustement défavorables aux hommes de la Restauration. Mais la loi Guizot de 1833 a également innové ; en particulier "elle créait pour la première fois, un budget de l'instruction publique".



pays basque enseignement primaire 1833
FRANCOIS GUIZOT


Un acte législatif d'une telle importance ne pouvait guère s'improviser. Il fut préparé par une série d'enquêtes officielles. Dès le 10 mai 1831, une circulaire du ministre Montalivet, adressée aux Recteurs des Académies, prévoyait la constitution "des tableaux présentant la situation de l'instruction primaire dans toutes les communes de France". C'était une des mesures destinées, en ces premières années de la Monarchie de Juillet, à assurer le développement de cette instruction primaire, "dette de l'Etat". Un immense effort d'information précéda et suivit l'œuvre du législateur. Un important registre des Archives Nationales rassemble les résultats des inspections faites dans le département des Basses-Pyrénées, au cours des mois d'octobre, novembre et décembre 1833. A ces dates, les inspecteurs pouvaient déjà se rendre compte de la bonne volonté des municipalités à appliquer la loi de juin.



L'enquête de 1833 permet ainsi de dresser un tableau d'ensemble de l'instruction primaire en France au début de la Monarchie de Juillet. Lorrain, recteur de l'Académie de Lyon, devait rassembler dans un livre, "les traits les plus caractéristiques, significatifs, véridiques" des rapports établis par les inspecteurs. De cette œuvre de synthèse et d'échantillonnage, se dégageait "un tableau de détresse" de l'enseignement primaire dans les campagnes de France, en particulier dans celles du Midi, entre Loire et Pyrénées. Mais encore ne saurions-nous nous satisfaire d'un choix d'exemples "éloquents", pour connaître avec précision l'état de l'instruction primaire dans la partie basque du département des Basses-Pyrénées. Le registre des rapports d'inspection permet quelques recherches statistiques.



L'enquête de 1833 exigeait de la part des inspecteurs désignés, un très important travail d'information : les trente-quatre questions posées permettaient de préciser :


a) les conditions de logement et de traitement des instituteurs (questions 1 à 4) ;


b) l'âge, le sexe, la religion, le nombre des écoliers, ainsi que la durée moyenne de leur scolarité (questions 6à 10) ;


c) l'état de l'enseignement : méthode, matériel, matières enseignées (questions 11 à 20) ;


d) l'état civil, la fortune, l'instruction, le caractère de l'instituteur ainsi que ses rapports avec les parents, le maire, le desservant (questions 21 à 34).



Des réponses précises et circonstanciées nous donneraient un tableau remarquablement complet de l'instruction primaire des garçons : la loi Guizot ignorait les écoles de filles ; cependant les inspecteurs devaient se préoccuper de l'important problème de la fréquentation par les élèves "mâles" ou "des deux sexes" des écoles de villages.



En 1833 le "corps" des inspecteurs primaires n'existait pas. 490 fonctionnaires bénévoles, exerçant pour la plupart des professions libérales, se livrèrent dans les villes et dans les campagnes à une visite consciencieuse des écoles. Comment s'informèrent-ils ? Décrivant les lieux tels qu'ils les voyaient, ils devaient, pour répondre à certaines questions, s'informer auprès des municipalités, des maires et des curés, ou desservants : leurs témoignages ne sauraient être acceptés sans esprit critique. La "visite" de l'inspecteur était annoncée. Ces inspections ne furent pas de toute facilité et de tout repos pour ceux à qui elles se trouvaient confiées. La mauvaise saison rendait les chemins de villages et les sentiers de hameaux à peu près impraticables. Ce qu'en disaient les inspecteurs en tournée dans le Pays Basque, confirmait l'état d'abandon dans lequel se trouvaient les chemins vicinaux au début de la Monarchie de Juillet. En montagne, la situation devenait périlleuse, par suite du "débordement des torrents" — en particulier, dans ces "montagnes horribles" qui entourent Sainte-Engrâce. Dans le canton de Saint-Jean-Pied-de-Port, "le franchissement des montagnes" était aussi "pénible, dangereux", et le débordement de quelques ruisseaux, dans les environs de Mauléon, interrompit la tournée d'inspection.



Faite dans des conditions parfois difficiles, l'enquête devait nécessairement porter la marque de la personnalité de l'inspecteur. Montlezun, "professeur de belles-lettres", fut chargé de l'inspection des écoles de l'arrondissement de Mauléon ; Pasteur, maître de pension à Saint-Palais, de celles de l'arrondissement de Bayonne. Nous pouvons regretter certaines réponses hâtives de ce dernier, aux questions posées ; par contre, Montlezun, dans de précieux commentaires, révèle des préoccupations d'enseignant, de pédagogue : celles de l'auteur d'une "Théorie de la lecture, ou l'art de lire en peu de jours", brochure de 25 pages, imprimée par Lamaignère en 1828, vendue à Cambo chez M. Fagalde, à Hasparren chez les Demoiselles Choribit et à Bayonne chez l'imprimeur. Montlezun l'avait dédiée à Monsieur le Comte Garat "comme un témoignage de l'admiration de l'auteur et de sa reconnaissance infinie". Montlezun y dénonçait l'absurdité des anciennes dénomination et épellation ("bé" "esse" "hache"), l'opposition qui en résultait, entre prononciation et orthographe et la division des mots en syllabes conventionnelles et complexes et proposait une "réforme" de l'apprentissage de la lecture, substituant la "syllabe naturelle" à la syllabe artificielle. Ne nous étonnons pas dès lors, de l'intérêt porté par l'inspecteur Montlezun aux méthodes d'enseignement, au matériel scolaire utilisé dans les écoles de villages qu'il "visite", et des conseils pédagogiques qu'il dispense aux maîtres d'école.



Les deux arrondissements de Bayonne et de Mauléon recouvrent à peu de chose près les pays de Labourd, de Soule, de Basse-Navarre. Mais nous retiendrons ici les limites linguistiques. Les rapports d'inspection n'apportent que de trop rares indications sur les contacts linguistiques basque-gascon (gascon de Bayonne et du Bas-Adour, gascon béarnais). Cependant, l'enquête de 1833 permet parfois de préciser le tracé de la frontière linguistique. Dans le canton de Bayonne Nord-Ouest, "le gascon est l'idiome que l'on parle à Anglet, et les enfants n'y parlent point français". A Biarritz, "on parle le gascon comme à Anglet".



Dans le Bas-Adour, canton de Bayonne Nord-Est, "le langage populaire des quatre communes rurales : Lahonce, Mouguerre, Saint-Pierre-d'Irube, Urcuit, est un idiome tout à fait étranger à notre langue", c'est le basque. Trois communes sur cinq, du canton de Labastide-Clairence sont basques : Ayherre, Briscous, Isturitz ; par contre dans le canton de Bidache, "l'idiome gascon" l'emporte dans six communes, sur sept "visitées", et "le vulgaire ignore le français" ; la frontière linguistique passe au nord de la commune de Bardos. Rien n'est dit de la frontière souletine orientale. Mais à Esquiule, canton de Sainte-Marie (Oloron) "le catéchisme est en basque". Ainsi les limites géographiques de notre étude seront celles là mêmes qu'un récent article de M. René Lafon a fixées comme frontière linguistique du basque et du gascon. Dans le cadre de notre analyse, elle présente un vif intérêt : les inspecteurs soulignent la difficulté que représente l'emploi du basque pour l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Certes si "le vulgaire parle le gascon", la difficulté est grande, mais l'étrangeté de "l'idiome basque", l'aggrave.



Montlezun recommandait aux instituteurs souletins de "parler français" ; lui-même ne s'informait que difficilement dans certains cantons comme celui de Tardets, où il ne rencontra "que quatre maires capables de comprendre le français".



Le registre de l'enquête et la liste des communes, publiée dans l'Annuaire administratif, judiciaire et industriel, du département des Basses-Pyrénées pour l'an 1833 (Pau. E. Vignancour, éditeur), nous permettent de dresser la carte scolaire du Pays Basque en 1833.



pays basque enseignement primaire 1833
ANNUAIRE ADMINISTRATIF JUDICIAIRE ET INDUSTRIEL
DU DEPARTEMENT DES BASSES-PYRENEES



A. — Arrondissement de Bayonne.


Canton de Bayonne Nord-Est : ont été "visitées" les écoles de Lahonce, Mouguerre, Saint-Pierre-d'Irube, Urcuit.


Canton de Bayonne Nord-Ouest : l'école d'Arcangues ; mais l'instituteur y exerce "pour Arcangues et Bassussary". Bassussary, petit village de 332 habitants n'a pas d'école.


Canton de Bidache : à Bardos, trois écoles sont inspectées dont une, au moins, de hameau. Les 2 500 habitants de la commune fournissaient une abondante population scolaire.


Canton d'Espelette : à Ainouhe, Cambo, Espelette (2 écoles), Itsatsou, Louhossoa, Sare, Souraïde. Le chef-lieu de canton (1 400 h.) est mieux pourvu que le gros village de Sare (2 000 h.) et qu'Itsatsou (1 500 h.).


Canton de Hasparren : 4 écoles sont visitées à Hasparren, (5 400 h.), 2 à Mendionde (1 600 h.), une à Bonloc, Saint-Esteben, Macaye, Méharin, Saint-Martin.


Canton de Labastide-Clairence : 2 écoles sont inspectées à Ayherre (1 500 h.), une à Briscous, et à Isturitz.


Canton de Saint-Jean-de-Luz : une seule école est visitée dans le chef-lieu de canton (2 860 h.) ! une seule, également à Urrugne qui a 3 000 h. Par contre, Ciboure (1 700 h.) a deux écoles, ainsi que Guéthary (qui n'a pourtant que 450 h.) ; Ascain, Bidart, Biriatou, Hendaye sont pourvus d'une école. Serres, commune de 130 h., n'a pas d'instituteur.


Canton d'Ustaritz : Saint-Pée, la commune la plus populeuse du canton, a 3 écoles, mais le chef-lieu (1.950 h.) n'a qu'une école primaire (de garçons), comme les communes de Ahetze, Arbonne, Jatxou, Larresore, Villefranque. Halsou, la commune la moins peuplée du canton (320 h.), n'a pas de  maître d'école."



A suivre...



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