LE LAIT AU PAYS BASQUE EN 1918.
Pendant la première Guerre Mondiale, il y a un grand problème d'approvisionnement en laitage pour les habitants du Pays Basque.
Voici ce que rapporta à ce sujet La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, le 10 mars
1918, sous la plume de son Directeur, Louis-Etienne Seitz :
"Questions économiques et sociales.
Laissez-nous le lait.
Le lait est depuis longtemps tellement rare que beaucoup de ménages s'en passent et que, malgré la taxe de 35 centimes imposée, la cherté de cet aliment ne connaît plus de limites à Biarritz et à Bayonne.
La crise du lait est tellement générale qu’il a fallu, dans toute la France, interdire d’en servir sous quelque forme que ce soit dans les restaurants, crémeries ou cafés, à partir de 9 heures du matin et que, d’autre part, le ministre du ravitaillement a dû interdire dans une large mesure la consommation et par conséquent la fabrication des fromages.
C’est en pleine crise, alors que des malades, des blessés militaires, alors que des bébés, espoir de la Patrie épuisée par la guerre, manquent parfois de ce lait, qui est pour eux la santé et la vie, qu’on a eu l’idée au moins malencontreuse de fonder une nouvelle fromagerie à nos portes, dans le plus riche domaine du village d'Arcangues.
Là, des personnes que leur haute situation mondaine et leur fortune ne semblaient pas devoir désigner pour un tel commerce ont créé un établissement qui, actuellement, pour la fabrication des fromages, récolte chaque jour 200 litres de lait dans les fermes de Bassussarry, Arbonne, Ahetze. On va prendre ce lait à domicile ; on le paie 35 centimes et si le paysan qui le cédait jusqu’à présent à 15. 20 ou 25 centimes aux laitières de Biarritz ou de Bayonne, est heureux de l’aubaine, les laitières ne peuvent plus lutter contre la concurrence. Non seulement ces 200 litres — qui deviendront bientôt 300 ou 400 si l’on n’y veille — manquent déjà pour le ravitaillement de la population, mais l’on a mis le producteur laitier en appétit ; il augmente ses prix pour le lait fourni aux intermédiaires et il va devenir tout à fait impossible d’avoir au prix de la taxe ni même à un prix approchant, mais supérieur, le lait de nos ménages.
LAITIERES PAYS BASQUE D'ANTAN |
Sans doute, toutes ces conséquences n’ont-elles pas été envisagées par les personnes qui s’occupent de la transformation du lait en fromages et beurre. La genèse de cette affaire est facile à concevoir. Le domaine d’Arcangues avait une laiterie qui, dès avant la guerre, fournissait à un certain nombre de villas de Biarritz un lait de choix en bouteilles, à 50 centimes le litre. La quantité produite, jointe à ce prix rémunérateur permettait d’assurer le transport chez les clients de Biarritz. Vient l’époque critique de la guerre ; fourrages et tous autres frais augmentent ; la quantité de lait susceptible d’être vendue diminue très sensiblement ; la taxe intervient là-dessus, interdisant de vendre plus de 35 centimes le litre ; la livraison à domicile devient trop onéreuse ; l’exploitation est déficitaire et l’on cesse la livraison du lait du domaine. Mais que faire de ce lait ? On établit, pour l’utiliser, une beurrerie et une fromagerie ; la nouvelle affaire semble intéressante ; on la développe et cela fait une occupation à des personnes qui ne veulent pas rester désœuvrées et croient peut-être se rendre utiles à la collectivité. Et alors, non content de disposer du lait de son propre domaine pour le convertir en succédanés, on va plus loin, on achète le lait des voisins, de proche en proche et... l’on aggrave la pénible crise du lait.
C’est comme ces fabricants qui employaient des tonnes de lait pour en extraire un produit solide appelé, dans le monde du commerce la galalithe, et dont on fait de menus objets et notamment des boutons. Quelque intéressante que soit leur industrie, elle a été récemment interdite à cause de la nécessité de conserver le lait à la consommation.
Il suffira, sans doute, d’appeler l’attention des propriétaires du domaine d’Arcangues sur le grave préjudice qu’ils portent à l’alimentation publique pour qu’ils ne persévèrent pas dans leur exploitation tant que durera la crise du lait. Il ne sera alors nullement besoin d’appeler sur leur initiative la vigilance des autorités.
CHÂTEAU ARCANGUES - ARRANGOITZE UNE ALLEE DE CHÊNES PAYS BASQUE D'ANTAN |
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