RENAU D'ELISSAGARAY D'ARMENDARITS.
Bernard Renau d'Eliçagaray, né le 2 février 1652 à Armendarits (Basse-Navarre, Basses-Pyrénées) et mort le 30 septembre 1719 à Pougues-les-Eaux (Nièvre), est un ingénieur et officier de marine, à l'époque de Louis XIV.
AFFICHE PASTORALE RENAU D'ELISSAGARAY |
Voici ce que rapporta à son sujet le bulletin N° 10 de la Société des Sciences, Lettres et Arts de
Bayonne, le 1er juillet 1932 :
"Un Basque illustre.
Renau d'Elissagaray 1652-1719.
... M. de Seignelay voulant avoir à la marine un ingénieur "qui ait en même temps connaissance du service de la mer et de celui de la terre" jette les yeux sur Renau et l’envoie dans les Flandres rejoindre M. de Vauban afin qu’il se perfectionne dans l’art des fortifications. Renan va passer trois années près de Vauban jalonnant nos frontières du Nord et du Nord-Est de places fortes et de citadelles. Ces années passées près de M. de Vauban sont certainement les meilleures que vivra Renau. Il est traité en égal et en ami par le grand homme. Mais voilà que poussé par le marquis de Louvois, le roi décide d’envahir le Palatinat, de détruire, de piller cette belle province. Le commandement de l’armée est confié au Dauphin.
PORTRAIT DE LOUIS-FERDINAND DE FRANCE LE DAUPHIN PAR ANNE-BAPTISTE NIVELON |
L’ennemi se retranche dans ses forteresses. M. de Vauban est appelé ainsi que son brillant second Renau. Tout d’abord Philippsbourg est pris au début de Novembre, mais le roi ayant exigé que Vauban ne s’exposât pas trop, le travail le plus périlleux incombe à Renau. Il se tient 19 jours dans la tranchée, en première ligne, faisant l’admiration de tous. Blessé à la jambe, il reste courageusement à son poste, et participe avec éclat à la prise de Manheim et de Frankendal. Il est toujours à son aise au milieu du danger, sur terre comme sur mer. C’est un amphibie. Une fois de plus il va le prouver. Seignelay le rappelle à Versailles où il ose tenir tête à M. de Louvois, et déclare tout net au roi que la France est en état d’affronter sur mer l’Angleterre et la Hollande réunies. Il suffit pour cela de construire des vaisseaux plus importants, de modifier les évolutions navales, les signaux. Pour convaincre Sa Majesté il construit une petite flottille de cuivre et la fait manœuvrer sur le grand canal, tout comme il y a quelques années. Puis, il part pour Brest, et là se met à i’œuvre. Les chantiers vivent aussi intensément qu’autrefois ceux de Rochefort, et le petit Basque construit le Soleil-Royal ; c’est le plus magnifique, le plus somptueux des navires de haut-rang, et aussi le plus rapide, le plus meurtrier, avec ses 106 bouches à feu. En passant à Paris il a publié une "Théorie de la manœuvre des vaisseaux" où il applique la géométrie à la manœuvre et à la situation de la voile par rapport au vent et à la route. Immédiatement la polémique s’élève, M. Huyghens nie l’une des propositions fondamentales de l’ouvrage. Le Père Malebranche, le marquis de l’Hôpital et Jean Bernoulli s’en mêlent, prennent parti pour Renau qui, finalement, a gain de cause. On a suivi les conseils de Petit-Renau, Tourville reçoit l’ordre de chercher l’ennemi et de le combattre là où il se trouve, même dans la Tamise. Il quitte Brest le 23 Juin 1690 à la tête de 70 vaisseaux de ligne, 5 frégates, 18 brûlots, 15 galères. L’amiral monte le Soleil-Royal ; Renau est à son bord. Le 2 Juillet près de l’Ile de Wight les éclaireurs trouvent la flotte ennemie et le 10 Juillet le combat est engagé à hauteur du cap Bevezier ou de Beachey-Head. Dès la pointe du jour, les ennemis approchent. Tourville rassemble sa flotte. A 9 heures du matin les Anglo-Hollandais commencent un grand feu d’artillerie. On les laisse d’abord venir, puis jusqu’à 5 heures 1 /2 de l’après-midi on leur décharge des bordées de coups de canon sans interruption. Les Hollandais tiennent bon, mais les Anglais commandés par l’amiral Hébert fléchissent. Bientôt la victoire est à nous. L’ennemi a perdu 17 vaisseaux et si le calme plat n’avait gêné la manœuvre son désastre eût été complet. Tous ces renseignements nous sont fournis par Renau lui-même, qui n’a pas bougé du pont du Soleil-Royal, mais il tait sa bravoure et c’est Tourville qui écrit dans son rapport à Seignelay : "Le Petit Renau a eu la basque de son justaucorps emportée d’un coup de canon, qui lui a passé entre les jambes en ce temps qu’il dressait un plan ; il a de l’esprit, de la capacité, et beaucoup de valeur, et est d’un bon conseil."
VICTOIRE DE BEVEZIERS 1690 |
Malgré tous ces brillants états de service, Renau n’est toujours qu’ingénieur des armées de terre ; aussi le premier enseigne venu peut-il lui donner des ordres et a droit de préséance sur lui. Pour mettre fin à cette situation fâcheuse Seignelay propose au roi de donner à son protégé une commission de capitaine de vaisseau avec un ordre, pour avoir entrée délibérative dans les Conseils de la marine, une place d’inspecteur général de la flotte, l’autorisation d’enseigner aux officiers toutes les nouvelles méthodes qu’il a mises en pratique, et d’accompagner tous ces honneurs d’une pension de 12 000 livres. Malheureusement, M. de Seignelay tombe malade et la mort emporte rapidement le jeune ministre avant que le roi n’ait signé les brevets de Renau.
Pierre-Louis Phélipeaux, comte de Pontchartrain, prend le portefeuille de la marine. Le nouveau ministre est un homme de robe et jusqu’à présent il n’a eu que des rapports assez lointains avec la flotte. Il ne connaît pas Renau. Celui-ci ne se fait pas présenter et se refuse à attendre dans l’antichambre encombrée de solliciteurs l’audience du nouveau maître. Sans rien réclamer des honneurs qu’on lui a promis, il s’éloigne doucement, modestement, sans regret, pour retourner près de M. de Vauban auprès duquel il se sent si bien. Il n’y reste pas longtemps.
Si le ministre ignore Renau, si ses collègues jaloux de sa science, préfèrent le laisser oublier, le souverain remarque son absence et réclame son plan de campagne pour 1691. On fait chercher Petit-Renau qui déclare en toute simplicité, et sans aucune acrimonie, que, n’ayant pas eu ses brevets il ne croyait pas appartenir à la marine. Aussitôt Pontchartrain lui octroie tout ce qu’a promis son prédécesseur, et Louis XIV, en personne, daigne dire à Bernard d’Elissagaray qu’il tient essentiellement à ses services sur mer sans que pour cela il abandonne sa carrière d’ingénieur. Pour le lui prouver, il lui confie le secret du siège de Mons et l’y emmène avec sa suite. Après 9 jours de tranchée ouverte, la ville est prise. Le roi rentre en triomphe à Versailles. Renau prend la poste pour gagner Brest où il va, obéissant à un ordre du souverain daté du 5 Septembre 1691, instruire les officiers. Ceux-ci acceptent fort mal ce petit bonhomme qui leur tombe du ciel pour les envoyer à l’école. Ces vieux loups de mer, tous issus de bonne maison, ne vont pas se laisser manœuvrer par ce gringalet roturier. Et pourtant, son enseignement n’a aucune morgue, il est tout simple avec ses élèves, il les traite en amis. Qu’importe ! Ces messieurs prennent la plume et écrivent à la cour pour faire leurs remontrances. La réponse ne se fait pas attendre. Messieurs de St-Pierre et des Adrets, pourtant liés avec Renau, mais signataires de la pétition, sont cassés de leur grade, puis condamnés à un an de forteresse dans le château de Brest. Petit-Renau est désespéré ; il court se jeter aux pieds du monarque, implorer la grâce des deux officiers. Elle lui est refusée, car il faut un exemple. Tout ce que peut faire notre ami sera, dans l’avenir, de rendre les plus grands services aux deux insoumis. Le 1er Avril 1629, Renau est au Havre où il assiste aux essais d’une nouvelle frégate, la Serpente. Pendant tout le printemps la guerre gronde dans les Flandres. Le maréchal de Luxembourg harcèle les troupes de Guillaume d’Orange et vient mettre le siège devant Namur. Le roi se dérange suivi de toute sa cour. M. Renau est près de lui et Louis XIV l’entretient des travaux du siège, plus même que M. de Vauban trop absorbé. La ville va tomber d’un moment à l’autre, et sa chute coïncidera avec la défaite sur mer des Anglais par M. de Tourville qui a reçu l’ordre de les attaquer sans retard. L’entrain et l’allégresse sont à leur comble quand, le 30 Mai, au lieu du succès escompté on apprend l’épouvantable désastre de la Hogue. Tout espoir sur mer semble perdu. Mais si le splendide Soleil-Royal, le Conquérant, l'Admirable et d’autres vaisseaux encore, ne sont plus qu’un peu de cendre noire sur le sable d’or d’une plage normande, 20 navires ont pu s’échapper et se sont réfugiés à St-Malo où ils courent le plus grand risque d’être attaqués. Le roi dépêche Renau qui, aussitôt arrivé dans la vieille cité des corsaires, prend toutes les dispositions nécessaires peur sauvegarder cette escadre. Il est infatigable, parcourant sans cesse la côte de la Hogue à St-Brieux. Il fortifie Cancale qui, au bout de la vaste baie sablonneuse du Mont-St-Michel, serait particulièrement désignée pour un débarquement ennemi, puis retourne à Cherbourg en Octobre faire sauter les carcasses des navires qui encombrent l’entrée du port.
1692 BATAILLE DE LA HOUGUE |
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