Libellés

lundi 8 avril 2024

LE PROCÈS D'UNE BAYONNAISE CÉLÈBRE : MADEMOISELLE DE MONTANSIER EN 1790 (deuxième partie)

 

MADEMOISELLE DE MONTANSIER DE BAYONNE.


Marguerite Brunet, dite Mademoiselle Montansier, née à Bayonne le 19 décembre 1730 et morte à Paris le 13 juillet 1820, est une comédienne et directrice de théâtre française.





pays basque 8 mars femmes labourd bayonne revolution française justice
MLLE DE MONTANSIER 1790
Par Artist not identified — User scan of * Londré, Felicia Hardison (1991). The History of World Theatre: From the English Restoration to the Present, p. 186. New York: Continuum. ISBN 9780826404855. Reproduced from an original at the Théâtre du Palais-Royal., Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=13864923


Tous les 8 mars, à l'occasion de la journée internationale des femmes (le 8 mars est devenu la 

journée internationale des femmes suite à une décision du congrès des femmes socialistes, à 

Copenhague en 1910), je vous propose de découvrir ou de redécouvrir le portrait de femmes 

remarquables du Pays Basque, comme les femmes Républicaines emprisonnées à la prison de 

Saturraran (entre 1937 et 1946), Catalina de ErausoMadeleine de JaureguiberryMarga 

d'AndurainMargot Duhalde, les soeurs FeilletMaria Luixa Erdozio, les revendications 

féminines du Labourd en 1789 et Irène Némirovsky.



Voici aujourd'hui la comédienne et directrice de théâtre Mademoiselle de Montansier.




Voici ce que rapporta à son sujet l'hebdomadaire Le Monde artiste, le 20 septembre 1903, sous la 

plume de Martial Teneo :


"Les "Petits papiers" de l'Histoire.


Procès de la Montansier.



... Une singularité que je relève dans l'interrogatoire officiel de la Montansier, c'est qu'elle aurait déclaré n'avoir que quarante-cinq ans en 1793, alors qu'elle en avait réellement soixante-trois. Coquetterie de femme ? Défi à ses accusateurs, à cause d'un reste de beauté ? Nul ne saurait le dire. Je penche à croire qu'elle voulut se rajeunir pour ne point paraître ridicule aux côtés de Neuville. Quoi qu'il en soit, on verra par la suite qu'elle fournit elle-même un autre âge, flottant celui-là : "cinquante et tant d'années" dans une requête expédiée à la Commission populaire.



Le 24 Nivôse de l'an 2, la Montansier qui avait fait publier un Mémoire justificatif écrivait à un membre de la Commune :


"Tes momens, sont prétieux, Citoïen, je n'en abuserai pas.


Tu as reçu un exemplaire de mon Mémoire, tu as vu que j'y réponds aux calomnies suggérées au Père Duchesne. C'est d'après ces calomnies que j'ai été interrogé.

1° Sur les moïens avec lesquels j'ai fait bâtir le Spectacle de la rue de la Loi.

2° Sur mes prétendues liaisons avec Dumourier.

3° Sur mon voyage dans la Belgique.


J'ai répondu d'avance dans mon Mémoire, et je n'ai dit que la vérité.


La vérité que j'ai ditte est confirmée par l'examen de mes Papiers contenus dans un carton remis aux Administrateurs de la Police, lors de la levée des scellés posés dans mon domicile.


Ces administrateurs n'y ont trouvé que des livres de compte relatifs aux Apointemens des comédiens et à des frais de voyage de Bruxelles.


Des mémoires adressés au Conseil exécutif, pour en obtenir des indemnités, a raison des pertes que ce voyage m'a fait éprouver.


Enfin, une correspondance qui, bien loin de m'accuser, atteste mon civisme.


Cependant, sur Raport, mon affaire a été envoyée au Comité de Sûreté Générale. Je m'attendais à être rendue sur le champ a la Liberté et a une entreprise immense, a laquelle est attachée la fortune de plusieurs Citoyens irréprochables»


Mais les représentans du Peuple sont justes, et ma cause est en sûreté dans leurs mains. Je crains seulement les lenteurs et les malheurs qui peuvent en résulter, pour les bailleurs de fonds, les créanciers, les fournisseurs, et pour cinq cents artistes, a la veille d'être confondus avec moi dans une ruine commune.


Je ne te demande donc qu'un promt examen, et tu éprouveras, j'en suis sure, le besoin de secourir l'innocence opprimée.

Salut et fraternité.

Montansier. 

De la petite Force."



La pauvre directrice qui avait pleuré sur Marie-Antoinette comme sur Danton qu'elle avait aimé, n'était pas encore au bout de ses peines, et tandis que les jours les plus noirs de la Révolution se déroulaient au dehors, elle finissait par croire que sa geôle allait se transformer en tombeau.



Toutefois, elle manoeuvra de façon à provoquer de la part des nombreux comédiens qu'elle avait laissés derrière elle, une pétition qui, sous des dehors d'indépendance morale, tendait à défendre et sa personne et celle de Neuville.



Voici cette pièce curieuse dans son intégralité :


"Les citoyens artistes des Théâtres national et de La montagne, aux citoyens représentans du Peuple Formant Le comité de surveillance et sûreté Générale.

Liberté, République, Convention, ou la mort. 

Braves Montagnards.


"Quatre Cent Dix Sans Culottes Artistes du Théâtre National La pluspart Pères de famille, dont L'Existance est unie à celle de douze cent citoyens que leurs talents font vivre, viennent avec confiance Réclamer des Dignes montagnards formant Le comité de Sureté Générale, L'intérêt paternel qu'ils portent à toutes les classes du Peuple français. La détention de nos Directeurs Noeuville et Montansier nous froisse entre L'honneur de tenir nos engagements avec eux, et notre Existence qui se trouve compromise si leur captivité se prolonge.


Abandonnés à nous-mêmes, Discrédités par L'incarcération de nos Entrepreneurs, nous avons cependant constament consacrés une Partie de nos faibles recettes aux Dépenses énormes qu'exigent La Représentation des grands ouvrages Révolutionnaires. L'autre a été scrupuleusement partagée entre les ouvriers, et cette Portion d'artistes dont la modicité des honnoraires ne peut Laisser supporter le moindre Délai. La majeure Partie de la Troupe est en arrière de Cinq mois D'appointements ; et ce qui ajoute Encore à sa situation Déplorable, c'est L'incertitude de son sort avenir. Ce que L'on appelle en Terme de Théâtre année Comédienne Expire dans peu de jours. A cette époque tous les engagements Des artistes se renouvellent et c'est L'instant ou ceux qui ne sont pas placés D'avance dans les Spectacles des Departemens cherchent et trouvent de L'Employ jusqu'au Premier floréal, ce terme expiré, on est Exposé à rester toute L'année sans aucune Place.


Pleins de Respect, et de confiance pour les mesures Révolutionnaires, et Bien loin de Rien Préjuger des motifs de L'arrestation de Noeuville et Montansier, nous ne venons pas vous Demander leur Grâce. Innocents, nous nous Réjouirons de La justice qui leur sera Rendue ; coupables, nous maudirons en eux les ennemis De la chose Publique. Nous vous prions seulement, Citoyens, D'ordonner le prompt Examen de leur affaire, Puisque le Sort Présent et avenir De Douze cent sans culottes en Dépend.


Nous ne vous rappellerons Point Braves montagnards Le Patriotisme de notre Théâtre ; il fut un Devoir trop cher à nos coeurs pour nous faire un mérite de L'avoir rempli. Pénétrés des obligations de notre Etat en connaissant L'importance Du poste ou la République nous a Placés. Nous y consacrerons nos Talents à Propager, sans relâche les Principes Révolutionnaires : et jurons unanimement de mourir s'il le faut Pour la République en Deffandant les Loix que vous Decrettés pour son Bonheur.


Vive la République une et indivisible, Vive la montagne.

Les commissaires nommés par la troupe."

(Ici seize signatures, dont quelques-unes illisibles. J'y relève ; L. C. Lacave, Vulville, Armand Verteuil, Laborie, Bonnet-Bonneville, Gallet, Armand Royat, Amiel, Lamotte, Platel, Poissien et Linhard.)



Cette pétition était accompagnée de la pièce suivante formant un document de la plus haute valeur, en ce sens qu'on y trouve les titres de certains ouvrages qui ne furent jamais représentés :


"Etat des Pièces Révolutionnaires et Patriotes représentées par les Artistes Réunis des Théâtres National et de la Montagne depuis le 15 août vieux stile :

La Constitution à Constinople, Comédie ; La fête Civique, Divertissement Patriotique ; Brutus, Tragedie ; La journée de Marathon, Drame ; La mort de César, Tragédie ; Selico, Opéra ; La fête des nègres, Divertissement Révolutionnaire ; Les montagnards, Comédie Patriotique ; La Première Réquisition, Comédie Patriotique ; Les Prêtres et les Rois, Pièce Révolutionnaire ; La Parfaite Égalité, Comédie Révolutionnaire ; Manlius Torquatus, Tragédie Révolutionnaire ; La Mort de Marat, Drame Patriotique ; Alisbelle, Opera Patriotique.

Le Départ des Volontaires ; Mutius Sevole, Tragédie ; La Réquisition ; La Plume de l'ange Gabriel ; L'heureuse Décade ; L'omelette ; Encore un curé ; Le Congé du Volontaire ; Au Retour ; La Prise de Toulon ; Le campagnard Révolutionnaire ; La gazette de Campagne ; Le Petit Savoyard.


L'Administration, outre les Représentations ordonnées par un Decret, Par et Pour Le Peuple, en a donné Deux en Réjouissance de L'acceptation de la Constitution Républicaine, Deux en Rejouissance de La Destruction des traîtres de la Vendée, et les artistes du Théâtre National sont les seuls qui ayent donné une Représentation en Réjouissance de la Conspiration Découverte.


Pièces à l'étude :

Wenzel ou le magistrat Du Peuple, opéra ; Le Divorce Par amour, Comédie ; Le Siège de Grandville, Ballet National ; Marat aux champs Élisés, Comédie ; La Prise de Toulon ; La Journée du 10 août ; Le faux Patriote ; Ils sont Libres enfin ; L'envoyé du Saint Père."



Le Comité de Salut Public répondit à la pétition des artistes de l'ancien théâtre Montansier par un envoi d'assignats destinés à les tirer momentanément de la gêne, mais l'ancienne amie des Barnave et des Vergniaud de fut point relâchée. Les hommes de la Montagne n'abandonnaient point facilement leur proie. Il allait être démontré cependant que la Montansier n'était pas la grande coupable que l'on disait. Le Comité de la Sureté générale continuant à s'occuper de l'affaire dressait enfin l'inventaire suivant, à la décharge des directeurs inculpés :


"Du 1er Ventose an 2, enregistré sous le N° 32. 


Inventaire des Papiers trouvés chés La Citoyenne Montensier et Neuville, Directeurs du Théâtre de la Loi, et du Jardin de la Révolution, cy-devant Palais-Royal et déposés au Comité de Sûreté Générale, au bureau du timbre.


1er Carton. — Un Carton contenant diverses. Lettres écrites au Ministre des affaires étrangères, relativement à sa demande, d'être autorisé à envoyer La troupe de Comédiens à Bruxelles, pour y jouer des pièces patriotiques.

Autres relatives aux débats avec Les Directeurs de la Salle de Spectacle de cette ville, 

Plusieurs ordres de la Municipalité pour les Représentations de par et pour Le Peuple.

Plusieurs Décrets de la Convention en faveur de la Montensier et de sa troupe, pour Le dévoûment patriotique qu'ils ont montré, en fournissant argent et hommes pour Le service des frontières.


2 — Autre Carton ne contenant que des pièces de Théâtre, dont plusieures au rebus. Rien d'incivique.


3 — Autre ne contenant que des Lettres de Change acquittées.


4 — Autre contenant La Correspondance des pensionnaires du Théâtre, rien autre que des affaires d'intérêt.


5 — Autres Pièces de théâtre et quelques autres particulières. Rien d'incivique."



Puisque "rien d'incivique" ne pesait sur la réputation de la Montansier et de son associé Neuville, comment se faisait-il donc que les portes de la prison ne s'ouvraient pas devant eux ? C'est que jusqu'à l'heure de mourir, Hébert et Chaumette travaillaient ; dans l'ombre à amener la chute définitive de leurs victimes. C'est que les jours se faisaient de plus en plus menaçants et que Robespierre, dans la tourmente, perdait pied.




pays basque 8 mars femmes labourd bayonne revolution française justice
PIERRE-GASPARD CHAUMETTE
Par D’après François Bonneville — Cette image provient de la bibliothèque en ligne Gallica sous l'identifiant ARK btv1b84122472/f1, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=772898


Tous ceux qui avaient fait école d'accusateurs pouvaient dans leurs élèves des accusateurs plus violents encore. La cohésion n'existant plus parmi les membres du Comité de Salut public, il arriva que des inquiétudes personnelles et très graves empêchèrent chacun de juger sainement les choses et que les détenus, à quelque rang qu'ils appartinssent, furent longtemps abandonnés, confondus dans l'ensemble énorme de suspects dont les prisons étaient peuplées."



A suivre...




Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 5 500 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire