LE TRAGIQUE DESTIN D'EUSKADI EN 1938.
La guerre civile espagnole, du 17 juillet 1936 au 1er avril 1939, contraint plusieurs centaines de milliers de Républicains et de Basques à l'exil dans le monde entier.
EXIL A HENDAYE SEPTEMBRE 1936 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Je vous ai parlé dans un article précédent de la seconde publication de Pierre Dumas, au sujet
des Basques dans la guerre civile espagnole.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Petite Gironde, le 27 août 1938, sous la plume de
Pierre Dumas :
"Le tragique destin d'Euskadi.
III. Les Basques devant la guerre civile.
Avant le fatal 18 juillet 1936, où donc en étaient les revendications d'autonomie des provinces d'Euskadi ?
Dans un article précédent, je me suis servi de l'irréfutable Larousse pour définir la position des Basques vis-à-vis de l'Espagne ; il me plaît, aujourd'hui, de m'appuyer sur des faits précis et sur des dates non moins irréfutables.
1° Le statut basque préparé et rédigé par le gouvernement républicain de Madrid avait été adopté par un plébiscite, le 5 novembre 1933, par 88 pour 100 des voix des trois provinces de Alava, Guipuzcoa et Biscaye ;
2° Depuis ce plébiscite, le statut dont j'ai le texte entre les mains était examiné et approuvé par les commissions compétentes des Cortès.
Ces deux premiers points étaient réglés et le vote définitif était donc certain, dès avant l'insurrection de Franco. Si, effectivement, le vote final n'a été émis qu'après le mouvement (octobre 1936), l'essentiel était fait avant : les Basques possédaient leur statut.
Ce n'est donc pas à la suite d'un marchandage honteux que les Basques se sont classés parmi les défenseurs du gouvernement de Madrid. Ils avaient obtenu, avant la révolution, à peu près toutes leurs revendications.
Voilà qui est clair et, en tout cas, étayé sur des dates.
Ici, je puis apporter mon témoignage direct. Le deuxième soir de l'insurrection, dont on ne savait encore ni l'origine, ni le but, l'ami qui m'emportait, la nuit, à travers les forêts sombres de Navarre, vers Pampelune, récapitulait les forces qu'il croyait devoir se grouper autour de Franco.
Moi, j'étais persuadé que les Basques de Bilbao et de Saint-Sébastien — à cause de leur catholicisme opprimé — se rangeraient contre Madrid, mais mon ami me réplique vivement : "Les nationalistes basques sont les pires ennemis de l'Etat espagnol". Et, voulant bien se souvenir du reportage que j'avais écrit trois ans plus tôt, il ajouta : "Vous verrez bientôt combien vous vous êtes trompé à leur sujet dans votre enquête. Il sont pires que les communistes et les anarchistes."
La nuit se fit plus noire pour mol, et je ne comprenais pas plus la situation que je ne voyais le paysage.
AFFICHE GUERRE CIVILE ESPAGNOLE |
Or, en arrivant à Pampelune, vers deux heures du matin, quel ne fut pas mon étonnement d’apercevoir parmi les trophées pris à l'"ennemi" une "bandera", un drapeau des nationalistes basques. On me le montrait avec orgueil, car vous n'ignorez pas que les victoires remportées par un frère sur son frère sont celles dont on s'enorgueillit le plus.
Mon étonnement allait croissant, car j'apprenais que, dès le 18 au soir, c'est-à-dire dès le premier soir de la révolution, le premier cercle politique qui avait été pillé par les requetes était le Cercle nationaliste, alors que les cafés socialistes ou républicains n'avaient subi ce sort que quelques heures après.
Mon ahurissement fut porté à son comble quand je demandai à accompagner des troupes sur les champs de bataille. Les premiers points vers lesquels on me dirigea ne furent ni le front de Madrid ni celui de Saragosse, mais bien les vallées conduisant vers Irun, Saint-Sébastien ou Bilbao : Vera, San Antonio, Allegria.
Les confrères de droite qui m'accompagnaient alors peuvent comme moi affirmer, après avoir visité les secteurs de Burgos, de Saragosse, de Logroño, d'une part, et les secteurs du front basque d'autre part, que l'effort principal du général Mola — alors seul maître des opérations — se porta contre les nationalistes de Guipuzcoa.
Il est donc établi par ces faits que ce sont les troupes des généraux insurgés qui ont pris l'offensive. Nous verrons tout à l'heure leurs raisons. Examinons ce que, pendant ces premières attaques, faisaient les nationalistes de Bilbao.
Depuis l'avènement du "Frente popular" en Espagne, les nationalistes basques avaient désapprouvé à peu près tous les actes de ce gouvernement, aussi bien la destitution du président de la République que la persécution religieuse tolérée dans tout le pays. Sur ce point, ils avaient d'ailleurs ostensiblement voté avec la droite.
Mais si les Basques critiquaient le gouvernement de Madrid, s'ils le combattaient par leurs votes et leur propagande, ils continuaient cependant à le regarder comme le gouvernement légal. A plusieurs reprises, ils manifestèrent leur sentiment à ce propos, et refusèrent, pendant les mois précédant le soulèvement, de prêter la main aux amis de Franco.
Le 18 juillet, les Basques sont donc également hostiles à l'action antireligieuse des gouvernementaux de Madrid et à l’action séditieuse des amis de Franco. Apparemment, le conflit eût pu se développer sans eux, qui seraient demeurés neutres. Ils comprennent parfaitement, d'ailleurs, leur position, puisque leurs députés et leurs chefs, tout en réprimant dans leurs provinces les gestes révolutionnaires des rouges, incitent les militaires à ne pas donner leur appui à la guerre civile.
Mais la neutralité était-elle possible en Espagne, au soir du 18 juillet ?
AFFICHE GUERRE CIVILE ESPAGNOLE |
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