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lundi 15 avril 2024

LA DÉLIMITATION DU TERRITOIRE FRANÇAIS SUR LA LIGNE DES PYRÉNÉES EN 1832

LA LIMITE DE LA FRONTIÈRE AU PAYS BASQUE EN 1832.


Dans l'Histoire, plusieurs traités ont été signés entre la France et l'Espagne, au sujet de la frontière entre les deux parties du Pays Basque, Nord et Sud.



pays basque autrefois frontière carte traité
CARTE DU PAYS BASQUE ET DE LA NAVARRE 1742
PAYS BASQUE D'ANTAN




Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Temps, le 26 juillet 1832 :



"Délimitation du territoire Français sur la ligne des Pyrénées. 



Les Pyrénées élèvent des frontières naturelles entre la France et l’Espagne. Sur ces montagnes la ligne de séparation des deux pays paraît facile à tracer ; elle est déterminée par le versant des eaux ; à la seule inspection de la carte chacun pourrait la reconnaître.



Mais des intérêts particuliers qui s’enchaînent et se compliquent depuis l'an 1035 ont rendu la détermination des frontières assez difficile en droit, particulièrement sur la ligne qui sépare la basse Navarre, devenue française en 1512, et la haute Navarre, qui resta à cette époque soumise au sceptre de Jean d’Albret.



Le chapitre de Roncevaux, dont les propriétés s’étendent depuis Madrid jusqu’aux Aldudes, à une lieue de Saint-Jean-Pied-de-Port, devint en 1553 partie intéressée dans les querelles qui s’élevèrent dès lors entre les pasteurs des deux versants.



L’espèce de guerre qui commença entre les habitants de la vallée de Baigorry et ceux du Val-Carlos et du Val-d'Erro avait pour motif le droit de compascuité qui avait été établi par des contrats volontaires entre les communes, appelés faceries, dès l’année 1443, en même temps que l'impôt sur les porcs errants, appelé le quint royal, était devenu dans toute l’étendue des Aldudes la propriété de la vallée de Baigorry. Le titre XIX du for de la haute Navarre, considéré comme loi fondamentale dans le pays, ne compte pas les bois et les montagnes des Aldudes au nombre des possessions de l’Espagne, et jamais, jusqu’à ce jour, les gouvernements n'ont pu établir une délimitation contraire à l’intérêt des populations sans exciter chaque année une protestation armée de la part des habitants dépouillés par les traités du droit de pâture et de charbonnage.



pays basque autrefois frontière carte traité basse-navarre
BLASON DES ALDUDES BASSE-NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Un fait remarquable, c’est qu’après avoir fait de vaines tentatives, renouvelées pendant trois cents ans, pour tracer une limite favorable à l’Espagne, le pays est encore réellement possédé par la France.



C’est que les traités ont toujours été discutés par l'autorité locale en Espagne, et par des délégués de la cour en France : et ces traités ainsi conclus n’étaient pas reconnus par des pasteurs pour qui le droit c’est le besoin, et qui n’entendent pas grossir l’épargne des monastères aux dépens de leur existence. Si le chapitre de Roncevaux et le vice-roi de Navarre avaient traité avec la commune de Baigorry et le gouvernement de la province, des concessions mutuelles eussent été faites, et les contrats eussent été solides. Les capitulations royales de San-Lorenzo, signées le 25 septembre 1614, à la suite de conférences où chaque partie avait le vif désir de resserrer l’alliance des deux pays, sont le seul traité qui ait été respecté. Et en effet, c’était le seul qui reconnût à nos pasteurs le droit de pâture sur le territoire contesté. Il conservait même leurs habitations construites dans les vallées de Roncevaux et d’Erro.




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CARTE FRONTIERE FRANCE ESPAGNE 1642



En 1658, néanmoins, le maréchal de Grammont, gouverneur de la basse Navarre, donna l’ordre d’informer sur les infractions que les Français reprochaient aux Espagnols. Le magistrat charge de cette information fit un appel à la bonne foi pastorale : il la retrouva chez les anciens de ces vallées ; un vieux pasteur de 81 ans, bien qu'attaché au service du chapitre de Roncevaux, vint avec plusieurs compatriotes déposer que les Espagnols avaient les premiers violé les capitulations, toutes favorables qu’elles étaient à leurs intérêts. Dans la suite, les vassaux du chapitre se sont toujours montrés plus disposés à enfreindre les traités qu’à convenir ainsi de leurs torts ; il est même remarquable que dans tous les temps l’agression armée a commencé du côté des Espagnols. 



De 1614 à 1717, c'est-à-dire pendant plus d’un siècle la paix régla entre les frontaliers, et surtout après l'information dont nous venons de parler. A cette dernière époque en 1717, une convention nouvelle fut conclue. La cour d'Espagne ne l'a pas, dit-on, ratifiée ; elle rendait à perpétuité l'usage des Aldudes commun aux deux nations, et reconnaissait aux habitants le droit commun de couper du bois pour leurs besoins, ainsi que cela s'était toujours pratiquée, en ajoutant quelques dispositions dans l’intérêt de la conservation des forêts.



En 1769 et 1770, après 62 ans de paix et de reconnaissance tacite des droits mutuels des deux nations, comme l’exploitation des mines de cuivre de Baigorry avait donné une véritable valeur aux forêts jusque là sans utilité, si ce n'est pour le chauffage des habitants et pour la construction de leurs cabanes, comme en même temps les Espagnols avaient établi des forges royales sur le versant méridional et avaient expulsé à main armée les pasteurs français des forêts et des pâturages voisins, le ministère français provoqua un nouveau traité de délimitation : M. de Grandpré et M. de la Torre furent nommés commissaires et chargés de régler les intérêts français et les intérêts espagnols de la vallée.





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CARTE DES ALDUDES 1769
SOURCE BNF



Après douze ans de délibérations, ou plutôt de temporisations de la part de l’Espagne, ces commissaires furent remplacés par M. le comte d’Ornano pour la France, et par don Ventura-Caro pour l’Espagne.



Le 27 août 1786, ces deux négociateurs signèrent un traité connu depuis sous le nom de traité d'Ornano.



M. le comte d'Ornano a laissé dans le pays basque français des souvenirs peu favorables à sa mémoire. On montre encore à Saint-Jean-Pied-de-Port la maison où se tinrent les conférences, comme on pourrait montrer celle d'un homme célèbre par un crime.



La ligne de délimitation que traça le traité de 1786 dépose en effet de la partialité des négociateurs, et trois ans après, le comte d’Ornano, sollicitant pour sa belle-sœur et ses nièces un supplément à l’indemnité de 21 000 fr. déjà accordée par l’Espagne à cette famille qui avait été dépossédée des forges d'Orbaicetta, rappelait au ministre espagnol que sa commission pour la démarcation des limites n’avait pas souffert de son alliance avec la maison dépouillée par l’Espagne.



Il obtint une nouvelle indemnité de 43 000 fr. C’était au moment où il venait d’être de nouveau nommé commissaire pour la délimitation, contre laquelle les communes n’avaient cessé de réclamer. Les réclamations lui avaient d’abord été présentées avant même la signature du traité. Mais pour toute réponse le comte d’Ornano avait fait arrêter quatre habitants de la vallée de Baigorry, juras ou indics des communautés, les avait fait conduire et retenir prisonniers à la citadelle de Saint-Jean-Pied-de-Port, et ne les avait rendus à la liberté qu’après le 27 août 1786, pour les obliger à assister à la pose des bornes sur la frontière.



Après cette exécution tercée du traité, les communes, appuyées par le gouvernement de la province, portèrent leurs réclamations au ministère. M. de Vergennes lit surseoir à son exécution réelle, mais ce ne fut que sous le ministère de M. de Montmorin que les réclamations furent ouvertement accueillies ; on chargea M. de Brienne de négocier avec la cour de Madrid ; celui-ci devint ministre, et c'est alors que, pour la seconde fois, le comte d’Ornano fut chargé de cette négociation. Quelques mois après il se trouva forcé de donner sa démission. Le pays avait réclamé contre sa nomination, et le ministère avait eu connaissance de la lettre que nous avons citée.



Le traité d'Ornano ne fut donc pas exécuté, il ne fut même pas enregistré au parlement ni reconnu par la France. Mais la guerre ayant détruit les usines de Baigorry, et pendant sept ans le pays ayant sans cesse été livré aux invasions de l’ennemi, on ne pensa plus à la délimitation du territoire.



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CARTE DES FORTS A FRONTIERE FRANCE ESPAGNE 1793
ENTRE FONTARRABIE ET SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT



Le traité de Bâle (juillet 1796) a réglé par son article 7 que des commissaires seraient nommés pour établir les frontières d’après le versant des eaux.



Le traité de Paris 1814, § 7, art. 3, a dit : "Du côté des Pyrénées les frontières restent telles qu’elles étaient avant le 1er janvier 1792, et il sera de suite nommé une commission mixte de la part des deux puissances pour en fixer la démarcation finale."



Les commissaires français seuls ont été nommés. Pendant toute la restauration, l'autorité départementale parait avoir eu pour la cour de Madrid et pour le chapitre de Roncevaux la même partialité que le comte d’Ornano. De nombreuses rixes eurent lieu, l’anarchie la plus complète régna dans le territoire contesté. Les Baïgorriens ont continué à jouir du droit de compascuité dans toutes les Aldudes. Chaque année l'assassinat de quelques gardiens, le vol de quelques troupeaux, l’incendie de quelques bordes ou métairies, ont suffisamment établi que les populations des deux versants ne reconnaissaient aucun traité de paix.



En 1830, une dernière note diplomatique a dû être remise au cabinet de Madrid, tendant à faire établir définitivement la ligne frontière, sans égard au traité d’Ornano.



Il y a donc là une question d’humanité : douze mille Français n'ont d’autres subsistances que celles qu’ils se procurent par la jouissance du droit de pâture.



Il y a une question de droit naturel ; chaque vallée semble devoir jouir en entier du versant qu’elle occupe.



Il y a une question de droit acquis, c’est celle que nous avons surtout éclaircie en rapportant l’histoire des traités, et nous avons, ce nous semble, constaté qu’il n'en existe réellement aucun qui mérite d’être respecté.



Il y a enfin pour la France une grave question de défense militaire, car il n’est pas indifférent de laisser à l’ennemi l’entrée étroite d’un col de montagne pour arriver en France, ou la vaste étendue de frontières que le comte d'Ornano a livrée dans l’intérieur de la vallée française.



Le ministère sera-t-il moins habile et moins ardent que celui de M. de Polignac, qui réclamait la solution de toutes ces questions de la cour de Madrid, et qui semblait croire son honneur engagé à conquérir sur le chapitre de Roncevaux un territoire usurpé ?"







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