UN CONGRÈS INTERNATIONAL DE THALASSOTHÉRAPIE À BIARRITZ EN AVRIL 1903.
Le 3ème Congrès de Thalassothérapie de Biarritz, en avril 1903, est un événement marquant dans l'histoire de la Thalassothérapie.
BIARRITZ 1903 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Cette réunion, à Biarritz, a rassemblé des experts et des professionnels de la santé pour discuter des effets bénéfiques de la cure marine sur la santé, en particulier en ce qui concerne la tuberculose.
Voici ce que rapporta à ce sujet La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, le 24 avril
1903 :
"Discours prononcé â l’inauguration du IIIe Congrès de Thalassothérapie de Biarritz par Albert Robin.
PHOTO D'ALBERT ROBIN PAR ALPHONSE LIEBERT |
Messieurs,
Après huit années de sommeil, les Congrès de Thalassothérapie, fondés en 1894 par Verneuil, et dont les premières sessions ont été tenues à Boulogne-sur-Mer et à Ostende, se réveillent sur vos plages lumineuses, en face de l’Océan resplendissant, dans cette ville de Biarritz qui porte fièrement autour de ses armes, cette orgueilleuse devise dont elle justifie tous les termes :
Aura, sidus, mare me adjuvant.
J’ai pour moi les vents et les astres et la mer.
ARMOIRIES DE BIARRITZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
En inaugurant les travaux du Congrès renaissant, je tiens à remercier d’abord, au nom du Comité d’organisation, M. Chaumié, Ministre de l’Instruction Publique, qui a bien voulu accepter la présidence d'honneur du Congrès et qui s’est fait représenter par M. de Saint-Arroman, dont vous venez d’entendre la parole autorisée.
M. le Ministre de l’Intérieur, Président du Conseil, a délégué aussi M. le Dr Armaingaud qui fut, en France, le promoteur ardent de la lutte anti-tuberculeuse et dont vous saluerez avec moi la généreuse initiative, trop oubliée peut-être par ceux qui l’ont suivi, sans le dépasser, dans son œuvre de solidarité sociale, de science et d’humanité. Dans cette lutte, M. le Dr Armaingaud a été véritablement le précurseur ; il a commencé seul, sans autres appuis que sa conviction et son énergie. Rien ne l’a découragé dans son apostolat, ni les obstacles, ni l’indifférence des autres, ni même les injustices dont il a été l’objet. Il a doté la France d’institutions modèles, et donné aux philanthropes une leçon de choses qui a entraîné les bonnes volontés et déterminé l’élan de tous les peuples civilisés. Applaudissons le Dr Armaingaud, Messieurs, et rendons-lui au nom de ceux dont il a racheté la vie, le juste et reconnaissant hommage qu’ont omis de lui décerner les Congrès de Londres et de Berlin.
DR ANTOINE-ARTHUR ARMAINGAUD |
Nous prierons ensuite les deux délégués ministériels de transmettre le témoignage de notre gratitude au Gouvernement de la République et aux Ministres qu’ils représentent.
Je remercie aussi M. le Maire et les Conseils élus de la Ville de Biarritz, qui nous donnent, en leur belle cité, une hospitalité dont nous apprécions tous la cordiale sympathie.
Nous exprimons encore toute notre gratitude à l’Académie de Médecine qui a accueilli si favorablement notre invitation ; aux Facultés de Médecine de Bordeaux, de Lille et de Toulouse qui sont représentées par MM. les professeurs Arnozan, Lemoine, Lambret, Carlier, Garrigou dont la chaire d'hydrologie vient d’être titularisée par M. le Ministre de l’Instruction Publique ;
Au Conseil Municipal de Paris que représentent M. Ambroise Rendu, président de la Ve Commission, le Dr Chérot et M. Rozier ;
A l’Administration de l’Assistance Publique, représentée par M. le Dr Camino ;
Aux Gouvernements étrangers, qui nous ont envoyé des délégués, parmi lesquels le professeur Winternitz (de Vienne), Oscar Liebreich (de Berlin), Lorthioir (de Bruxelles, B. Guizy (d’Athènes), qui honorent grandement notre Congrès et à qui nous sommes heureux de souhaiter la bienvenue, au nom de la France, ainsi qu’aux délégués des des Sociétés savantes françaises et étrangères, MM. les Drs Casse, Président de l’Académie de Médecine de Bruxelles ; Alexandre de Poehl (de St-Pétersbourg) ; Hiller (de Stockholm) ; H. Keller (de Rheinfelden), et tant d’autres savants éminents de tous les pays dont je regrette que le temps ne me permette pas de vous citer les noms respectés.
Enfin, nous devons une mention spéciale de reconnaissance à la "Biarritz-Association", dont l’appel a réveillé notre Congrès ; au Corps médical de Biarritz, qui a si largement contribué à son succès ; à nos dévoués secrétaires, M. le Dr Lobit (de Biarritz),et M. le Dr Georges Baudouin (de Paris), qui ont assumé la tâche difficile de l’organisation du Congrès, et qui s’en sont acquittés si brillamment et d’une manière si agréable pour nous, parce qu’ils n’ont ménagé ni leur intelligence, ni leur dévouement.
II.
Messieurs, les conditions hygiéniques qui entretiennent la santé, modifient les prédispositions héréditaires encore latentes ou transforment des opportunités morbides, constituent des ressources aussi précieuses et plus faciles à mettre en œuvre que les innombrables remèdes dont s’enorgueillit la matière médicale aux flancs des bocaux pharmaceutiques.
Quand, suivant la forte expression de Michelet, l’homme est usé par le séjour des villes, par la vie des foules, par la rude terre qu’il aime tant, c’est la mer complaisante qui l’accueille sur ses rivages et dans son sein pour lui rendre sa sève et ses forces défaillantes. Elle transforme la nature. Elle est le formidable creuset où s’élaborent les premières vies encore indécises, où du chaos des principes immédiats naît la matière organisée, où l’air des continents se purifie et redevient comme vivant sous la battue des vagues.
L’air marin ! Plus dense, plus constant dans sa température, assaini par les vents et par les flots, chargé d’électricité et d’ozone, saturé d’un embrun salé et iodé, baigné de lumière, il stimule toutes les fonctions organiques, l’appétit, la digestion, l’assimilation et les divers actes chimiques de la nutrition élémentaire. La respiration y puise des éléments plus purs et plus réparateurs. Il régularise l'hématose et les rénovations moléculaires.
Les bains de mer accroissent aussi ce double mouvement d’assimilation et de désassimilation qui constitue la nutrition, cette primordiale manifestation de la vie. Ils contribuent a la combustion des résidus de l’activité organique qui, au lieu de stagner en nous et d’engendrer, par leur rétention, des troubles fonctionnels préparateurs de maladies, se solubilisent sous leur influence et deviennent ainsi d’une élimination plus facile.
L’air de la mer et la balnéation marine, ces puissants modificateurs des échanges organiques, sont donc des moyens de reconstitution, de recorporation, comme disaient les Anciens, qui pensaient justement qu’en activant la rénovation des tissus, on pouvait modifier les tempéraments héréditaires ou acquis et laver, pour ainsi dire, les tares morbides latentes encloses en l’organisme humain.
Mais cette exagération de vitalité que la mer imprime aux êtres qui l'approchent, doit faire écarter d’elle ceux qui souffrent déjà de cette forme d’usure que la tradition populaire désigne du nom de consomption, c’est-à-dire ceux qui sont inaptes à réparer leurs pertes, parce qu’ils brûlent, plus qu’ils n’assimilent. Ceux-là, il faut les apaiser ; il faut éteindre le feu qui les brûle et non propager l’incendie au souffle ardent de la mer.
III
Dès les temps hippocratiques, l’observation médicale avait déjà fixé les grandes indications du séjour sur le littoral, mais leur application demeurait entourée de constantes difficultés.
En effet, les conditions de ce séjour sont influencées par d’innombrables particularités locales, entr’autres par des conditions topographiques qui peuvent changer en agent sédatif le climat marin d’essence stimulante. Fonssagrives disait avec raison qu’une station maritime sédative ne possède pas cette propriété parce qu’elle est au bord de la mer, mais quoiqu’elle soit au bord de la mer.
D’un autre côté, il n’est pas toujours aisé de définir, par les seules ressources de la clinique ordinaire, ce qui, dans les maladies, ressortit à la stimulation et à la sédation, car ce sont là des manières d’être qui dépendent au moins autant de l’individualité du malade que de la nature de l’affection dont il est atteint. Il n’y a pas de maladie qui impose partout et en tout temps le même sens aux activités organiques, et, par conséquent, les règles les mieux établies pour leur traitement fonctionnel comportent toujours de multiples exceptions.
Mais l’incertitude qui résulte de cette sorte d’instabilité de la médication et de l’élément morbide qui doivent nous servir de guide, cette incertitude, dis-je, peut être singulièrement éclairée par la chimie pathologique et par la connaissance qu’elle nous donne des dérangements fonctionnels de la nutrition, puisqu’elle nous permet, en quelque sorte, de traduire en chiffres l’activité vitale, et de la mesurer dans son ensemble et dans tous ses modes organiques.
Connaître, d’une part, l’action d’une médication sur les échanges élémentaires ; d’autre part, les variations de ces échanges chez tel individu, dans telle affection déterminée ; puis opposer ensuite avec exactitude la médication aux troubles fonctionnels de sens inverse, voilà une méthode thérapeutique dont la valeur n’a plus à être démontrée.
Qu’on l’applique à la médication marine, et l’on verra les obscurités se dissiper, et les apparentes contradictions de la clinique trouveront un terrain d’entente.
Prenons l’exemple de la chlorose et des anémies. Ce ne sont pas des entités morbides, comme on l’enseigne officiellement à tort : ce sont des apparences d’entité, des ensembles symptomatiques, des aboutissants morbides auxquels on arrive par des chemins divergents, puisqu’on peut être chlorotique ou anémique par oxydation et destruction globulaire exagérées, par oxydation et rénovation globulaire insuffisantes ou par déminéralisation du plasma sanguin qui devient impropre à la conservation et à la formation des globules rouges du sang.
La même médication ne saurait convenir indistinctement aux anémiques de chacun de ces groupes.
Le fer, qui accroît les oxydations, nuira aux chloroses par excès de destruction ; il sera inutile dans les chloroses plasmatiques tant que l’équilibre marin du plasma ne sera pas reconstitué ; il ne trouvera son véritable emploi que dans celles où les échanges sont insuffisants.
Les arsenicaux, ces merveilleux modérateurs de la nutrition, n’auront d’influence que sur les chloroses dans lesquelles les réactions chimiques de la vie sont en hausse. Ils ne modifieront pas les anémies par déminéralisation ou plasmatiques et seront contre-indiqués dans celles où la nutrition est fléchissante.
En présence d’une chlorotique, il faut donc fixer d’abord le sens des variations chimiques de ses échanges organiques, au lieu de procéder dans son traitement par essais inutiles ou néfastes, et l’on pourra prescrire aussitôt la médication nécessaire avec une précision que la clinique ratifiera toujours.
Ainsi, c’est une notion classique que la médication marine donne d’excellents résultats chez nombre d’anémiques, mais que certains d’entre eux échappent à son action qui tend plutôt alors à les aggraver, sans qu’on ait établi, jusqu’à présent, le motif de cette différence.
Mais si l'on sait que la médication marine est stimulante des échanges et réminéralisatrice, tout s’éclaire. Nous lui confierons les anémies avec oxydations insuffisantes et les chloroses plasmatiques, et nous écarterons d’elle les cas où l’anémie est la conséquence d’actes vitaux exaspérés, car elle ne pourrait qu’accentuer la déchéance.
Ainsi, l'on porte une certitude inconnue jusqu’ici dans dans l’adaptation de cette médication marine à la cure de l’anémie.
Il en est de même pour la tuberculose.
Si la mer est indiquée dans la plupart des tuberculoses locales, elle ne semble favorable qu’à une minorité de phtisiques. Aujourd’hui , nous savons pourquoi. C’est parce que chez le plus grand nombre des phtisiques, il y a exagération des échanges respiratoires traduisant une suractivité des réactions chimiques désassimilatrices et destructives de l’organisme. L’examen des échanges nutritifs distinguera sûrement cette minorité phtisique de privilégiés justiciables de tel climat marin, et ceux-ci seront assurés par avance, de retirer bénéfice d’une cure instituée avec un maximum de probabilité.
Pour ces phtisiques là, la cure à l’air libre, si énergiquement défendue par le docteur Lalesque (d’Arcachon), se fera dans le grand Sanatorium de la nature, dans l’air pur du ciel marin, avec l’espace infini pour horizon. Et ce Sanatorium de nos côtes de France, tout vibrant de gaîté, de vie et d’espérance, est autrement salutaire que les murailles de pierre si vantées, édifiées à coups de millions et dont les Ligues triomphent si bruyamment, mais où les malades ne guérissent pas mieux que dans l’atmosphère sédative et reconstituante de certaines de nos plages.
IV
Aux indications thérapeutiques que l’organicisme du dernier siècle avait fondées sur la connaissance de la lésion anatomique qui, pour lui, représentait toute la maladie ; à celles que l’observation si minutieuse des anciens appuyait sur le tempérament ou sur les réactions apparentes de l’individu malade, la chimie de la nutrition ajoute donc celles plus intimes encore qui s’adressent aux éléments morbides considérés indépendamment de l’affection dont ils ne sont qu'une des conséquences ou un des actes.
Alors, l’obscure notion du tempérament, le mot vague d’idiosyncrasie avec lequel les théoriciens masquaient — sous un vocable origine du grec — leur ignorance du pourquoi des aptitudes individuelles, tout cela devient lumineux et définissable comme une opération mathématique. Le chiffre et la réaction chimique remplacent ou complètent le vieux "coup d’œil médical", et apportent à l’antique observation clinique leur précision et leur inflexibilité.
En ce qui concerne la médication marine, à peine la voie commence-t-elle à être dessinée, mais on en voit nettement la direction. A vous, Messieurs, il appartient de la poursuivre, en apportant le concours de votre expérience et de vos travaux.
Vous devez mettre au point les données simplement esquissées déjà pour les anémies et la tuberculose ; puis, mettre d’autres états morbides à l’étude, afin de déterminer les indications et les contre-indications de leur traitement ; enfin, réaliser, dans la mesure du possible, la spécialisation thérapeutique des grands groupes de stations marines et même des principales d’entre elles.
Nos Congrès sont destinés à discuter et à enregistrer les résultats acquis. Ceux de Boulogne-sur-Mer et d’Ostende ont provoqué de solides communications sur le traitement des tuberculoses externes et du rachitisme. L’inépuisable sujet de la phtisie pulmonaire a été abordé par des hommes éclairés et rompus aux difficultés de la pratique, mais sans que l’accord définitif se soit fait sur la plupart des questions proposées.
HÔTEL REA L BOULOGNE-SUR-MER 1894 |
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