LE CHÂTEAU D'ARCANGUES EN 1932.
Le château d'Arcangues, situé sur la commune d'Arcangues, dans le département des Pyrénées-Atlantiques, fait l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques depuis le 2 avril 1980.
Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin N° 9 de la Société des Sciences, Arts et Lettres de
Bayonne, le 1er janvier 1932, sous la plume de Pierre d'Arcangues :
"Le Château d'Arcangues.
... Si j’ai cru pouvoir ouvrir cette parenthèse, c’est que tant de bruits fantaisistes ont couru et courent encore dans le pays sur ce sujet, que j’ai pensé être autorisé à entrer dans quelques explications.
C’est de ce Simon d’Aragorry dont j’ai un beau portrait à Arcangues, que date la parenté de notre famille avec de nombreuses familles espagnoles. Je veux, au passage, souligner un fait curieux, c’est que de par notre parenté avec les Castanos, ducs de Baïlen, si la sœur du capitaine-général Castanos, premier duc de Baïlen, n’avait pas eu d'enfants, c’est moi qui pourrais porter aujourd’hui ce titre. Je dis "qui pourrais" le porter, car si c’est un titre très honorifique pour un espagnol, il est absolument impossible à porter pour un français ; car il rappelle douloureusement une capitulation trop fameuse. C’est comme si un français portait le titre de duc de Waterloo !
CHÂTEAU ARCANGUES - ARRANGOITZE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Je m’aperçois — c’est bien ce que je craignais, —- que j’ai l’air de faire le panégyrique de ma propre famille... et c’est odieux. J’ai cherché attentivement dans mes papiers pour essayer de découvrir quelque chose qui créât une diversion. J’ai feuilleté mes documents, essayant de trouver un de mes ancêtres qui aurait été un peu aventurier, un peu assassin, un peu faux monnayeur. Cela eût apporté une note certainement appréciable. Je m’excuse — je n’ai pas trouvé. Ils devaient au fond, voyez-vous, manquer un peu d’originalité !
Le château d’Arcangues, lui, à travers les générations qui s’y succédaient, poursuivait son existence paisible entre la vallée de la Nive qu’il contemple au nord et la chaîne des Pyrénées qui, à l’extrémité des vallonnements Sud allonge une barrière harmonieuse couronnée de nuages. Des chênes séculaires lui faisaient un nid de verdure. Ils étaient sa plus belle parure. Ils le sont encore.
Le temps passa.
La révolution arriva moins terrible dans le pays basque que dans le reste de la France. Rose d’Arcangues fut cependant emprisonnée mais échappa miraculeusement à la guillotine. La famille n’émigra pas et fut internée à Agen. C’est peut-être pour cela que le château ne changea pas de propriétaire.
1813 vint réveiller la vieille gentilhommière qui devint par sa situation géographique un point stratégique important au moment des batailles de la Nive. Le Duc de Wellington y établit son quartier général et devint l’hôte de mon trisaïeul. J’ai encore tous les meubles qui composaient la chambre dans laquelle habita "le Lord" comme on l’appela toujours dans le pays basque et je garde précieusement dans les archives la correspondance qui fut échangée par la suite entre mon arrière grand-père et les autorités anglaises, notamment avec le général Colville à l’occasion des déprédations causées par les soldats de l’armée anglaise, au château, dans les bois et dans le village. On peut voir encore sur la rampe des belles galeries de l’église d’Arcangues des entailles profondes. Elles furent faites par les couperets des soldats anglais qui se servaient de cette rampe pour y partager la viande que l’on distribuait à la troupe.
INTERIEUR EGLISE ARCANGUES PAYS BASQUE D'ANTAN |
Mais le temps estompe les choses et c’est fort bien ainsi. Les anglais qui abîmèrent les galeries de l’église, les espagnols qui brûlèrent le premier château, sont revenus chez nous avec des intentions bien moins belliqueuses. Nous les accueillons et nous les aimons. Nous faisons bien. Si leur mémoire à eux aussi était trop implacable, le souvenir de la guerre que fit Napoléon à l’Espagne empêcherait que nous puissions jamais y mettre les pieds.
Je ne dirai pas que tout s’oublie ; ce n’est pas vrai ; mais tout s’efface et même se confond un peu. Et c’est ainsi que j’assistai, au mois de Mai de l’année présente à Madrid, à une chose bien amusante. Le deux Mai est une grande fête en Espagne, comme tout le monde sait ; c’est l’anniversaire du jour où elle s’est délivrée de l’invasion française. Cette fête est toujours célébrée solennellement à Madrid par une messe et une revue militaire ; j’étais justement là, de retour d’Andalousie et je m’amusais à regarder défiler les troupes. Eh bien, savez-vous au son de quelle marche passaient fièrement les fantassins, la garde, les hussards de Pavie et ceux de la Princesse ? aux accents de Sambre-et-Meuse, tout simplement... C’est un peu comme si le 14 juillet nos troupes défilaient au son de "Wacht am Rhein". Je le fis remarquer à un espagnol de mes amis qui étaient avec moi. Il en resta confondu ; il n’y avait prêté aucune attention et nous en rîmes longtemps ensemble, en allant prendre un verre pour oublier le deux Mai.
TABLEAU DOS DE MAYO DE F GOYA |
A propos du séjour de Wellington au château d’Arcangues, une anecdote.
Mon trisaïeul avait un valet de chambre qui jouait du violon, — le saxophone n’était pas encore en faveur. Un jour ce violon disparut. Le valet de chambre vint se plaindre à son maître et accusa de ce larcin les soldats anglais cantonnés au château. Mon arrière grand-père s’en ouvrit aussitôt au duc de Wellington, avec qui il entretenait les meilleures relations.
Celui-ci ne parut pas attacher une grande importance à cette réclamation mais quelques instants plus tard il dit à son hôte :
"Monsieur d’Arcangues, vous avez de bien beaux arbres dans votre parc ; allons faire un tour dans votre bois et montrez-moi celui que vous estimez être le plus beau".
CHÂTEAU ARCANGUES - ARRANGOITZE UNE ALLEE DE CHÊNES PAYS BASQUE D'ANTAN |
Ils sortirent et mon trisaïeul lui désigna un de ces vieux chênes aux allures nobles, qui sont la gloire du pays basque.
Wellington changeant alors de ton donna l’ordre de rassembler immédiatement toutes les troupes cantonnées dans le village. Lorsque les soldats furent rassemblés il révéla le vol du violon et découvrit le coupable. Puis, froidement, il ordonna que celui-ci fût pendu à l’arbre qui venait d’être désigné. Mon arrière grand-père atterré, n’ayant jamais supposé que ce mince événement entraînerait une telle punition, supplia Wellington de lui accorder la grâce de cet homme.
"Nous n’avons, — lui répondit le Lord, — qu’une seule discipline dans l’armée anglaise ; cet homme va être pendu".
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