LE CHÂTEAU D'ARCANGUES EN 1932.
Le château d'Arcangues, situé sur la commune d'Arcangues, dans le département des Pyrénées-Atlantiques, fait l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques depuis le 2 avril 1980.
Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin N° 9 de la Société des Sciences, Arts et Lettres de
Bayonne, le 1er janvier 1932, sous la plume de Pierre d'Arcangues :
"Le Château d'Arcangues.
... La terre d’Arcangues, sise dans la province du Labourd, en pays basque, est une seigneurie. Les seigneurs d’Arcangues ont été de tout temps possesseurs de la dîme. Ils présentaient à la cure du village et étaient patrons de l’église paroissiale, dans laquelle ils ont à ce titre, une place spéciale du côté de l’Evangile et leur tombeau. Dans une enquête du 2 Juillet 1784 il est dit que ces privilèges leur ont été concédés parce qu’un de leurs ancêtres fit bâtir l’église sur un terrain qui lui appartenait.
EGLISE D'ARCANGUES PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les textes les plus anciens concernant ma famille datent de 1150. Ceux qui s’échelonnent sur les deux siècles suivants sont constitués par des chartes transcrites dans le cartulaire de la Cathédrale de Bayonne connu sous le nom du Livre d’Or, aujourd’huy conservé aux Archives Départementales des Basses-Pyrénées à Pau. Ces textes ne sont pas assez nombreux et assez suivis pour établir la filiation de la famille, entre 1150 et 1500, mais ils prouvent du moins son existence dès le début du XIIe siècle.
En revanche à partir de 1500, je peux, preuves en mains, établir notre filiation directe. Je donne dans mon prochain livre les photographies des pièces justificatives. A partir de cette date, cinq d’Arcangues occupèrent successivement la charge de Procureur du Roy au Bailliage du Labourd. Pierre Yturbide publia, peu de temps avant sa mort, une étude sur les procureurs du Roy dans le Bulletin de la Société des Sciences, lettres, arts et études régionales de Bayonne, étude dans laquelle il est longuement parlé d’eux.
Ne craignez rien, je n’entreprendrai pas de vous retracer toutes leurs existences, qui furent paisibles, du moins pour la plupart, et coulèrent des jours heureux sous les chênes d’Arcangues, en un temps où — j’ai retrouvé quelques-uns de leurs livres de comptes, on payait, il y a quelque cent ans, tout un salon en damas rouge six cents francs et une pèlerine en chinchilla cent cinquante, — oui, Madame, je dis bien cent cinquante, j’ai la facture du fourreur.
L’un d’eux pourtant dut traverser quelques moments plus mouvementés. C’est Laurent d’Arcangues, qui fut procureur du Roy de 1614 à 1643. C’était l’époque des grands procès de sorcellerie dans le pays basque. Il eut à intervenir à Saint-Jean-de-Luz, sans succès d’ailleurs, et ne réussit pas à empêcher la foule des pêcheurs de brûler vive une juive portugaise, une certaine Catherine de Fernandez, accusée d’avoir au moment de la communion retiré l’hostie de sa bouche pour la cacher dans son mouchoir. La foule, dit le procès verbal, envahit l’église et, malgré tous les efforts des autorités, la femme fut entraînée sur la place et brûlée, les pêcheurs de St-Jean prétendant, qu’ils ne pourraient plus prier Dieu, en mer, s’ils laissaient impunie l’injure qui Lui avait été faite. C’était en somme vouloir assimiler la justice de Dieu à celle des hommes ... j’aime à espérer dans notre propre intérêt qu’elle lui est supérieure !
CHÂTEAU ARCANGUES - ARRANGOITZE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Ce même Laurent joua un rôle important dans la lutte suscitée par la rivalité des seigneurs de Saint-Pée et ceux d’Urtubie, au moment des troubles de Chourio. A ce moment, le château d’Arcangues, rapportent les chroniqueurs, fut saccagé et pillé. Laurent d’Arcangues fut attaqué, ainsi que les autres officiers du bailliage à Ustaritz. Ils durent, pour sauver leur vie, passer la Nive à la nage et se réfugier à Bayonne. Tout cela pour avoir voulu maintenir l’ordre public.
Pour passer brièvement sur la généalogie de la famille ce qui n’intéresse personne excepté moi ... et encore pas très souvent, je me bornerai à citer les aînés des d’Arcangues depuis 1560, en mentionnant les alliances qu’ils contractèrent. Il est curieux de remarquer qu’ils épousèrent toujours des femmes de famille basque.
C’est Ogier d’Arcangues qui en 1516 épousa Jeanne de Haitze ; Sanche son fils, qui épousa la fille de la maison noble de Curutcheta à Ayherre, domaine encore en ma possession aujourd’huy ; Pierre qui en 1548 épousa Marie de Harismendy ; Jean qui épousa en 1582 Jeanne d’EIissagaray ; Jean, son fils, qui épousa Isabeau d’Armendaritz. Isabeau d’Armendaritz ! Peut-on imaginer un plus beau nom pour une héroïne de roman ? Elle devait être jolie ... elle ne pouvait pas ne pas l’être avec un nom comme celui-là. On se la représente avec des longues robes en velours à godets, des manches à crevés, des boucles retenues par des rangs de perles et un grand col rigide de dentelles ... Je me souviens, enfant, d’être un peu tombé amoureux d’elle, rien qu’en lisant le dimanche son nom gravé dans la chapelle où nous avons notre tombeau ... Ah ! si j’apprenais jamais qu’elle était laide, ce serait une bien grande déception, ou plutôt, c’est plus simple, je ne le croirais pas.
CHÂTEAU ARCANGUES - ARRANGOITZE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Mais quittons, hélas ! Isabeau d’Armendaritz, et continuons.
Jean d’Arcangues en 1643 épousa Gratianne de Berhondo. Pierre, son fils, épousa en 1682 Dominica de Garro, une ancêtre du baron de Garro, le dernier de cette illustre famille qui s’éteignit il y a quelques années à peine, dans son château de Mendionde. Gaspard qui en 1718 épousa Jeanne de Sauvestre.
Ce Gaspard avait un frère qui s’appelait Gaspard. C’est extraordinaire de voir combien on manquait d’imagination pour les noms de baptême à cette époque. Ils s’appelaient tous Pierre, Jean, Jean, Pierre ou Gaspard. Je ne parle pas des premiers d’Arcangues, car eux avaient fait preuve de plus d’originalité, entre 1100 et 1200. L’un se nommait Arbela, un autre Sancos et un autre Ogier.
Pour en revenir aux deux Gaspards (cela a l’air d’un titre de roman à la Ponson du Terrail) je possède sur eux un document curieux. C’est en 1722 la présentation à la cure d’Arcangues, de Gaspard curé d’Arcangues par son frère Gaspard d’Arcangues, seigneur du lieu. Laissons ces Gaspard qui nous donnent le vertige, mais non sans avoir admiré auparavant comment ils pouvaient démêler leur courrier et ... continuons.
En 1719 Michel épousa Rose d’Aragorry. Nicolas-François-Xavier, son fils, épousa en 1788 Marie-Baptiste Betbeder dont le frère fut Maire de Bayonne. J’ai de cet ancêtre un portrait que l’on dit être de Goya. Le portrait est très bien ; le modèle est très laid. A l’heure qu’il est je préfère cela que si c’était le contraire. Michel-Louis, son fils, épousa en 1820 Rose-Candide Labat. J’ai aussi un beau portrait de lui et cette fois, le modèle est beau, ainsi tout le monde est content. Ce Michel-Louis, mon bisaïeul, commanda la garde d’honneur basque qui en 1815 fut envoyée à Bordeaux auprès de la Duchesse d’Angoulême et fut, dit-on, très remarqué par Son Altesse Royale à un gala (il y en avait déjà) au grand théâtre de Bordeaux. Il fut conseiller général des Basses-Pyrénées et remplit les fonctions de maire d’Arcangues pendant quarante-cinq ans ... c’est un bail !
Ce devait être, ce Michel-Louis, un homme de méthode, car il commença par avoir quatre fils à deux ans de distance, puis quatre filles, les trois premières à deux ans de distance. Pour la quatrième, il se fit, si j’ose dire, tirer un peu plus l’oreille, car elle mit six ans à venir au monde. Ayant ainsi donné le jour au quadrille complet il s’arrêta satisfait. Il avait lieu de l’être, car ses huit enfants étaient tous fort bien : les femmes qui devinrent Mme de Langourian, la baronne de Cardenau et mesdames de Lasa étaient réputées pour leur beauté.
Puis ce fut mon grand-père Alexis d’Arcangues, conseiller général des Basses-Pyrénées, maire de Villefranque puis d’Arcangues, marié à Micaëla de Ugarte et enfin mon père qui mourut en 1915 et que j’eus la douleur de ne pas revoir, car j’étais au front.
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