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mardi 5 mars 2024

UNE ÉTUDE SUR LE PAYS BASQUE EN 1860 (première partie)

LE PAYS BASQUE EN 1860.


Depuis très longtemps, de nombreuses études ont eu lieu sur le Pays Basque.




pays basque autrefois peuple langue histoire
LIVRE ESSAI SUR LA NUMISMATIQUE IBERIENNE
DE P.A. BOUDARD


Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Presse, le 5 novembre 1860 :



"Bulletin des Sciences Historiques. VII.

P.A. Boudard, Numismatique Ibérienne.

Beziers, 1859, un volume in-4° avec 39 planches (Paris. Rollin).



Dans le coin le plus éloigné de notre beau pays de France, là où l'extrémité des Pyrénées couvre de ses derniers contreforts le fond du golfe de Gascogne, à cheval sur les deux versants de la chaîne, et appartenant d'un côté à la France, de l'autre à l'Espagne, sans être espagnol ni français, habite un peuple singulier, profondément marqué d'un cachet d'originalité primitive, complètement séparé de ses voisins, français ou espagnols, par sa langue, par son caractère, par ses usages, par ses traditions, plus encore que par l'isolement de ses vallées et la nature difficile de ses montagnes. Tout le monde a nommé les Basques. Vigoureusement taillé dans sa médiocre stature, agile et nerveux comme les chamois de ses rochers, l'œil vif, le regard fier, la démarche assurée, doué d'une élégance naturelle qu'il doit en partie aux exercices du corps dont il fait son amusement habituel, en partie à son costume d'une simplicité pittoresque, le Basque ne ressemble à aucun des autres montagnards de l'Espagne ou de la France, et bien moins encore aux lourds paysans de nos campagnes. Tout en lui respire le gentiment de l'indépendance et de la valeur personnelle. Dans ses vallées natales, là ou le frottement de la civilisation étrangère n'a pas émoussé son caractère propre, le Basque a gardé les mœurs patriarcales des anciens âges. Il a ses usages, qui ont traversé les générations, il a ses croyances et ses légendes, il a sa poésie nationale, comme il a sa langue et son nom. Son véritable nom, son nom national, qu'il porte avec orgueil comme un noble héritage, ce n'est ni notre appellation française de Basques, ni le Vascongados espagnol, deux formes altérées dont l'usage remonte aux Romains (Vascones) : lui-même ne se nomme qu'Eskuaradun, Eskualdun ou Euskaldun, selon les dialectes, c'est-à-dire, littéralement : celui qui possède, qui parle l'eskuara (de duna, posséder). Eskuara est le nom de l'idiôme basque, comme Euskerria le nom du pays (de erria, pays, territoire. ) 



Aussi loin que nous pouvons remonter dans le passé, nous trouvons les Basques fixés dans les cantons qu'ils occupent encore aujourd'hui au sud des Pyrénées, jusqu'à l'Ébre supérieur. Les notions fournies par l'histoire ne commencent, d'ailleurs qu'au temps de la seconde guerre punique, lorsque les Romains (213 ans avant notre ère) vinrent pour la première fois combattre les Carthaginois en Espagne ; elles ne deviennent tout à fait précises qu'à l'époque d'Auguste, lorsque l'Hispanie complètement soumise reçut une organisation romaine. Quand vint la dissolution de l'empire, au commencement du cinquième siècle, les Vascons eurent à lutter contre les Suèves et les Visigoths, qui avaient envahi les provinces de l'Ebre ; et, cent trente ans plus tard, vers le milieu du sixième siècle, ils eurent à repousser l'attaque des Franks Mérovingiens, qui, maîtres de l'Aquitaine, voulaient porter leur domination au-delà des Pyrénées. Cette agression des Franks, par les événements qui la suivirent, marque dans l'histoire des Basques, et dans notre propre histoire territoriale, une époque mémorable. Entraînés par les représailles, les montagnards passèrent à leur tour les défilés pyrénéens, se répandirent dans les plaines de l'Adour, et inondèrent bientôt toute l'Aquitaine jusqu'à la Garonne. Grégoire de Tours met cette expédition en l'année 586. Refoulés bientôt après, les Basques durent se replier vers les montagnes ; mais, dans l'arrangement qui survint entre eux et les Mérovingiens, la possession d'une grande partie du pays compris entre l'Adour et les Pyrénées leur fut abandonnée, et ils en sont depuis lors restés les occupants. C'est à dater de cette cession qu'une portion de la population basque s'est trouvée comprise dans les limites de la France, — comprise nominalement, s'entend, car il est bien certain que, depuis une antiquité immémoriale, tout le Midi de ce qui est aujourd'hui la France eut pour habitants des populations de race euskarienne ; et c'est par cette affinité d'origine entre les Vascons du Sud et le fond de la population aquitanique qu'on s'explique comment la rapide irruption de 586 a pu laisser le nom de Gascogne (qui n'est qu'une prononciation franque ou gauloise du mot Vasconia) à tout le vaste bassin compris entre les Pyrénées et la Garonne. 




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ROYAUMES FRANCS 587




Toute l'histoire du peuple basque, jusqu'à la lin du moyen-âge, est dans sa lutte presque sans trêve pour défendre ou reconquérir son indépendance. Deux grands événements signalent le huitième siècle : l'invasion des musulmans et l'attaque de Charlemagne. Le flot musulman, qui venait d'envahir l'Espagne et de submerger la monarchie des Goths, vint se briser, en 713, contre les rochers de la Vasconie, — les monts Albaskèn, comme s'expriment les chroniqueurs arabes. On sait d'ailleurs que c'est dans la région montagneuse du nord-ouest de l'Espagne que se réfugièrent les débris de l'indépendance espagnole, et que se forma, entre le pays vascon et la Galice, le petit royaume des Asturies, où se conserva dans son ardeur militante le sentiment de la loi chrétienne contre l'Islam, de l'indépendance nationale contre l'étranger, et d'où est sortie enfin, reconstituée province à province, la splendide monarchie de Ferdinand-le-Catholique et de Charles-Quint. (On sait que le pays basque français se partage en trois cantons, le Soule, la Basse-Navarre et le Labourd, et qu'il forme aujourd'hui la moitié occidentale du département des Basses-Pyrénées.)



Les Basques partagèrent l'honneur de cette cause glorieuse, mais sans aliéner jamais, dans leur concours à la défense commune, à leur propre indépendance ni leur individualité nationale. Quand la principauté chrétienne des Asturies, absorbant de proche en proche les provinces environnantes, fut devenue le royaume de Léon, puis le royaume d'Oviédo, puis le royaume de Castille, puis le royaume des Espagnes, le peuple euskarien garda toujours son existence à part ; avec ses chefs électifs ou héréditaires, ses coutumes et sa constitution. Même quand il les eut pour protecteurs, il fut l'auxiliaire et l'allié des princes d'Asturie et de Castille, jamais leur sujet ; et lorsque, au seizième siècle, le développement politique des grands Etats ne lui permit plus de garder son isolement vis-à-vis de l'Espagne, il fut annexé à la couronne, mais non absorbé dans la monarchie. Il en a été de même vis-à-vis de la France. 


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ROLAND A RONCEVAUX
CHANT D'ALTABISCAR

A l'invasion de Charlemagne dans le pays basque, en 778, se rattache une des traditions que l'Euskarien garde avec le plus d'orgueil au fond de ses montagnes. Maître de la Catalogne jusqu'à l'Ebre, l'empereur voulait sans doute s'assurer également la possession des passes occidentales des Pyrénées ; les chroniques sont très vagues à ce sujet. Un seul souvenir s'est conservé de l'expédition, c'est celui du désastre dont elle fut suivie. L'armée impériale, après avoir démantelé Pampelune, avait déjà repassé les défilés de Roncevaux ; l'arrière-garde seule, commandée par le fameux Roland, le neveu de l'Empereur, était encore engagée dans ces gorges sauvages, lorsque les montagnards embusqués apparurent tout à coup à la crête des rochers en poussant leur terrible cri de guerre et accablèrent les soldats sous une grêle de traits et de pierres. Tous y périrent jusqu'au dernier ; Roland lui-même, l'invincible Roland tomba mortellement frappé dans ce combat sans gloire. Chose étrange ! ce nom de Roland, que l'histoire prononce à peine, est resté dans la mémoire des peuples comme une des renommées les plus vivantes du moyen âge. La poésie en a fait l'objet de ses chants, la légende l'a entouré de son auréole fantastique, et ces légendes, se sont répandues dans l'Europe entière. Les Pyrénées euskariennes en sont remplies ; le Pas-de-Roland, la Brèche-de-Roland en consacrent la tradition. Cette tradition s'est perpétuée dans un chant célèbre, connu dans les vallées basques sous le nom de Chant d'Altabiçar


"Un cri s'est élevé  

Du milieu des montagnes des Euskariens.  

Au col d'Ilbanéta un bruit retentit ;  

C'est le murmure sourd d'une année qui vient.  

Qu'ont-ils à faire dans nos montagnes, ces hommes du Nord ?...


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ROLAND A RONCEVAUX
PAYS BASQUE D'ANTAN

Puis, l'image de la destruction et le cri sauvage du triomphe : 


"Les rochers roulent et tombent, écrasant les soldats. 

Que d'os broyés ! quelle mer de sang !  

Fuyez ! fuyez !...  

Fuis, roi Carloman, avec tes plumes noires et ta cape rouge !  

Ton neveu, ton plus brave, ton chéri, Roland, est étendu mort là-bas...

Ils étaient des milliers, il n'y en 'a plus un !..."


chanson roland roncevaux pays basque charlemagne
LA CHANSON DE ROLAND RONCEVAUX
PAYS BASQUE D'ANTAN

Cette race singulière des Euskalduns, avec sa langue harmonieuse et sonore, mais difficile pour les étrangers, et qui diffère de toutes les langues connues, a dû fixer de bonne heure l'attention des historiens. Vainement aurait-on voulu remonter à ses origines ; nulle trace n'en est restée dans le souvenir des hommes. Cependant on a eu dès longtemps la pensée qu'elle avait dû former, dans les temps primitifs, la population aborigène de toute l'Hispanie. Cette idée était naturelle, car, de tous les peuples qui ont occupé ou possédé la Péninsule, depuis les Celtes jusqu'aux Arabes, il n'en est aucun dont on ne connaisse l'origine étrangère. Les Euskariens seuls, qu'on ne voit pas venir du dehors et qu'on ne sait à quelle tige rattacher, présentent tous les caractères d'une population- indigène. Le jésuite Mariana, dans son Histoire générale d'Espagne écrite à la fin du seizième siècle, le savant Oïhenart, dans sa précieuse Notice des deux Vasconies (1638), Larramendi, dans les prolégomènes de son Dictionnaire basque (1746), émettent l'opinion qu'à une époque antérieure aux souvenirs de l'histoire, la langue euskarienne avait été la langue commune de toute la Péninsule hispanique. Mais ce n'était là qu'une présomption, étayée tout au plus de quelques rares indices ; la philologie comparée, qui peut seule chercher et fournir des preuves scientifiques, n'existait pas encore. Après Larramendi, les efforts, ou pour mieux dire les divagations de plusieurs auteurs basques pour soutenir la même thèse, furent de nature à compromettre plutôt qu'à servir la cause qu'ils voulaient défendre. Un autre élément d'étude était né qui devait servir à éclairer ces questions d'origine, mais qui eut aussi à traverser ses premières phases d'incertitudes et d'hypothèses compromettantes : ce sont les médailles. Un grand nombre d'anciennes monnaies ont été trouvées dans toutes les parties de l'Espagne, mais surtout dans les provinces du nord et du nord-est, portant des légendes en caractères inconnus ; ces caractères, ces letras desconocidas, selon l'expression consacrée parmi les numismatistes espagnols, ont été depuis un siècle et plus l'objet d'un grand nombre de travaux et de systèmes, et là aussi le zèle a devancé la critique. C'est seulement de notre temps que cette étude de la numismatique ibérienne, aussi bien que l'étude purement linguistique qu'on ne peut plus en séparer, s'appuyant sur de meilleures données et sur une méthode d'investigation plus rigoureuse, sont entrées dans la seule voie qui les pourra conduire à de solides résultats. 




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PREMIERE GRAMMAIRE BASQUE
DU PERE MANUEL DE LARRAMENDI



Le premier qui, pour la philologie ibérienne, ait laissé des travaux véritablement marqués au coin de la bonne et saine critique, est M. Guillaume de Humboldt, le frère de l'illustre voyageur. En 1817, dans un travail inséré au 4e volume du Mithrïdates d'Adelung, cet universel et profond philologue avait exposé pour la première fois d'une manière vraiment analytique les principes fondamentaux de la grammaire basque ; quatre ans plus tard, en 1821, il écrivit (également en allemand) un Mémoire intitulé : Examen des recherches qui ont été faites sur les habitants primitifs de l'Espagne. Dans cet ouvrage, rempli d'aperçus neufs et de vues ingénieuses, M. de Humboldt prend pour base principale de son étude la comparaison analytique des dénominations géographiques, principe excellent dont personne avant lui n'avait fait une application aussi étendue, quoique l'esprit pénétrant de Leibnitz en eût, dès le dix-septième siècle, suggéré l'emploi comme un des meilleurs auxiliaires dans la recherche des origines. Il y a, en effet, dans les noms de lieux, particulièrement dans ceux que l'on peut regarder comme primitifs, parce qu'ils tiennent au sol, tels, par exemple, que les noms de rivières et de montagnes, une persistance qui serait presque incroyable si elle n'était démontrée par une multitude d'exemples. Les tribus se déplacent ou s'éteignent, les Etats se forment, les nations se civilisent, les villes s'élèvent, les pays et peuples prennent dans le cours des temps un nouvel aspect ; souvent les peuples mêmes se succèdent et se remplacent sur le même sol, expulsés par la force ou absorbés par la conquête : tout change, en un mot, les hommes et les choses, et dans ce mouvement perpétuel qui élève ou abaisse les Etats, qui crée ou détruit les empires, les noms donnés aux accidents du sol par les premiers occupants se perpétuent presque toujours à travers les siècles, et les révolutions, aisément reconnaissables malgré leurs altérations, parce que ce sont en général des mots simples, courts, toujours significatifs. On peut affirmer que, dans nombre de cas, la trace des migrations primitives, qui ont versé en Europe le trop plein des populations de l'Asie intérieure, se pourrait suivre à l'aide des traînées d'homonymies géographiques que les tribus laissèrent après elles sur les terres qui furent leurs stations successives." 



A suivre...




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