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samedi 30 mars 2024

MUSIQUE À HENDAYE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN SEPTEMBRE 1927

MUSIQUE À HENDAYE EN 1927.


Dans les années 1920, il existe une vie musicale intense en Province, et en particulier dans le Pays Basque Nord.




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VUE GENERALE DE HENDAYE 1927
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet l'hebdomadaire Le Menestrel, le 16 septembre 1927, sous la plume 

de Gustave Samazeuilh :



"Le Mouvement Musical en Province.

Hendaye. — Ramuntcho en plein air. 



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RAMUNTCHO PIECE EN 5 ACTES DE G. PIERNE


— Il avait plu à torrents dans la nuit. Le temps était resté menaçant, avec de fréquentes ondées, toute la matinée. Les nuages bas, l'atmosphère pesante légitimaient encore bien des craintes, quand l'heure sonna de gagner le Parc des Sports d'Hendaye, où l'Association des Mutilés donnait à son profit et à celui du monument de Pierre Loti, une représentation en plein air de Ramuntcho. Le lieu choisi, à vrai dire, paraissait peu heureux, car il ne donne aucune idée du caractère si spécial de ce pays de mer et de montagnes, de la poésie presqu'italienne du lumineux estuaire de la Bidassoa, tels qu'on peut les apprécier, par exemple des hauteurs voisines de Belcenia, qui servirent naguère de cadre à des manifestations de ce genre.



La scène en planches, un peu étroite, était cependant assez adroitement reliée au contrefort verdoyant d'une colline sur la crête de laquelle, en grande tenue, un excellent gendarme faisait inlassablement les cent pas, visiblement occupé à déjouer les ruses des amateurs, toujours nombreux, de spectacles gratuits. Entre la scène et l'assistance étaient installés deux pianos de renfort et un orchestre, hélas ! à l'effectif absolument insuffisant, mais comptant, parmi ses membres, quelques instrumentistes parisiens excellents, dont le mérite ne fut pas mince, je vous assure, — le nez dans leurs pupitres — de résister à la tentation de céder aux suggestions inattendues d'un chef occasionnel appartenant, selon le programme, aux "grands théâtres de Paris", mais fâcheusement inférieur à sa tâche, et dérouté par les rythmes impairs si fréquents dans la musique de danse basque ! Sachons gré à ces habiles praticiens d'être tout de même parvenus, dans ces conditions, à ne pas trahir gravement la partition parfumée par laquelle M. Gabriel Pierné a su si artistement, si finement, évoquer l'atmosphère pittoresque de l'action, en utilisant des thèmes puisés directement au folklore local, ou recueillis par Charles Bordes au cours de sa mission d'études au pays euskarien. Je ne veux ici que rappeler aux habitués des grands concerts, qui les connaissent mieux, j'aime à le croire, que le chef d'orchestre d'Hendaye, l'allègre vivacité de l'Ouverture, l'amusante pulsation rythmique des fandangos, que les fifres du cru n'exécutèrent malheureusement qu'en partie, — le charme pénétrant du Prélude du Jardin de Gracieuse, de celui du Couvent d'Amezqueta, avec le souvenir des anciens cantiques, — la verve communicative, enfin, de la Rapsodie basque, où revit toute la griserie ensoleillée que vous savez.



Vous n'avez pas oublié non plus, je pense, les cinq actes exagérément copieux, mais touchants et évocateurs que Pierre Loti tira lui-même de Ramuntcho et que son ami André Antoine représenta en 1908 à l'Odéon, avec une vivante mise en scène et des interprètes jeunes et ardents, dont plusieurs, tels Mlle Sylvie, MM. Alexandre, Vargas, Grétillat sont devenus, depuis, notoires dans leurs emplois respectifs... La distribution d'Hendaye ne possédait pas, sans doute, la même valeur annonciatrice. Mais elle avait l'originalité et l'avantage réel, dans une oeuvre de cet ordre, de faire un large appel à l'élément local, et de le juxtaposer sans disparates à un élément professionnel, qui semblait lui-même, ou directement issu, ou fortement imprégné du terroir basque. Je n'en veux pour preuve que la sincérité d'accent du Ramuntcho de M. Rolland Berges, la touchante simplicité de la Gachucha de Mlle Julienne Hell, la gaieté insouciante de l'Arrochkoa de M. Tichadel, la douce bonhomie du curé d'Echézar, sous les traits de M. Victor Bachelet... Les tableaux populaires du Jeu de Pelote, de la Cidrerie surtout, sont bien réglés, malgré l'étroitesse du plateau, et étonnamment vivifiés surtout par la présence de cette figuration ardente, sensible des gens du pays trouvant naturellement l'inflexion juste et le geste qui porte, prirent un accent tout nouveau, et une signification qu'on ne leur avait guère soupçonnés à l'Odéon... Une fois de plus se trouvèrent vérifiées, dans un cadre plus restreint, les pénétrantes considérations que M. Paul Bertrand émettait ici même récemment sur l'art populaire, à propos de la Fête des Vignerons de Vevey... Et je ne veux pas oublier ni l'entraînante allure des chansons lancées à plein gosier, avec force points d'orgue par le vaillant ténor Cazenave, un enfant du pays, ni les bonnes intentions manifestes de l'à-propos inaugural en vers de M. Guison Andia, qui expliquait le but charitable poursuivi par les organisateurs.



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FÊTE DES VIGNERONS VEVEY SUISSE 1905



Mais les plus beaux moments du spectacle furent assurément les derniers. Progressivement, en effet, au cours de la représentation, qui avec les longs entr'actes nécessités par la pose des décors, ne dure guère moins de cinq heures, le ciel s'était rasséréné. Après avoir déjà baigné de sa griserie chantante les scènes populaires de Ramuntcho le soleil disparaissait maintenant derrière la muraille dentelée du Jaizquibel. La douce caresse de ses suprêmes rayons, le consentement silencieux des êtres et des choses : tout concourait pour donner un accent plus émouvant, une portée plus lointaine à la scène de l'agonie de Frandita, mère de Ramuntcho, où Mlle Paule Avril fit preuve, d'ailleurs, de dons d'expression sensible qui lui font grand honneur...



Enfin ce fut le tableau final du couvent d'Amezqueta, la mort foudroyante de Gracieuse, fidèle à ses voeux et revenue aux pieds de la Vierge après le départ de son bien-aimé, tandis que la communauté est en prières, et que tinte au loin la cloche de l'Angelus. La lune s'était levée, et éclairait la scène de sa diaphane lueur. Dans l'azur infiniment pur perçait déjà le scintillement des premières étoiles. Remplaçant l'orchestre qui avait dû, vu l'heure avancée, regagner le casino de Biarritz pour la représentation du soir, un des deux pianos, pourtant bien timidement tenu, égrenait les dernières notes de la partition de M. Pierné... Là-haut, sur la crête de la colline, le factionnaire en uniforme, débonnaire ou lassé, avait disparu. Se découpant sur le ciel, apparaissaient l'un après l'autre des groupes de paysans basques, tête nue, leurs instruments de travail à la main, suivant dans une immobilité absolue, mais avec une attention profonde, ce spectacle où revivait la fierté de leur race, et peut-être, pour quelqu'un d'entre eux, un souvenir personnel. Quel décor, fût-il signé d'un de nos peintres les plus réputés, quelle mise en scène minutieusement réglée, quelle impression de tréteaux auraient jamais égalé cette minute là ?



Il était près de neuf heures. La foule s'écoulait hâtivement, pressée d'assister aux réjouissances diverses : fandangos populaires, feux d'artifice sur la Bidassoa, annoncées pour la fin de la soirée. Organisateurs, interprètes et notabilités locales se dirigèrent vers le banquet de l'hôtel Euskualduna, où l'on devait, paraît-il, nommer les membres d'honneur du Comité du monument Pierre Loti à Hendaye, en la présence de son fils, M. Samuel Viaud,— et fêter aussi, je pense, la réussite d'une première tentative qui, il faut le souhaiter, sera renouvelée l'an prochain à Hendaye dans un cadre mieux approprié, avec une publicité plus étendue, un orchestre complet et un chef — pourquoi pas, comme à Orange, celui des Concerts Colonne, et M. Pierné lui-même ? — capables de donner à la musique de Ramuntcho la place véritable dans un spectacle qui devrait, bien mieux qu'une certaine Maitena de fâcheuse mémoire, devenir une fête traditionnelle du pays.



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MAÏTENA A HENDAYE 1913
PAYS BASQUE D'ANTAN


Seuls un poète et un musicien amis préférèrent, au sortir de cette longue représentation, terminée de façon si émouvante, poursuivre loin de la foule, leur rêverie au bord de la mer, et regagner ensuite, par la côte sinueuse, ces abruptes falaises du Socoa contre lesquelles déferlent sourdement les lourdes volutes des vagues. Ils évoquèrent ensemble le souvenir de Charles Bordes, qui situa en ce lieu le premier acte de son drame lyrique hélas inachevé les Trois Vagues, où revit aussi de façon saisissante l'âme basque, et dont l'admirable poème et les esquisses de la partition sont déposés depuis peu à la bibliothèque de l'Opéra. Puis ils songèrent à la beauté d'oeuvres futures où la grande voix de la nature prêterait à celle des hommes son puissant concours, son prolongement mystérieux et profond, — sans souci des multiples difficultés de réalisation et des possibilités restreintes de l'acoustique musicale en plein air. Mais "la nuit seule entendit leurs paroles", et leurs chimères s'évanouirent au vent du large..."







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