LES BASQUES DU "QUINTOA".
Le Pays Quint est un territoire situé en zone frontalière franco-espagnole, au sud de la vallée des Aldudes en Pays Basque, appartenant à l'Espagne, mais administré par la France.
UREPEL PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce qu'en rapporte un article du journal Le Paris Soir, dans son édition du 7 octobre 1933,
sous la plume de Gaston Bénac :
"Les sans-patrie Pyrénéens.
A Quintoa, à cheval sur la frontière franco-espagnole, une centaine de Basques vivent en marge de toute nationalité.
St-Jean-Pied-de-Port, Octobre.
- Voulez-vous voir des Européens qui, vivant au cœur des Pyrénées, ne sont citoyens d'aucun pays, qui ne paient pas d'impôts, qui sont libres et absolument indépendants ?
Ainsi Jean Ybarnegaray, député basque, aussi ardent devant le fronton où, hier encore, il matchait l'Espagnol Eloy et Fernand Forgues, qu'il est fougueux et incisif à la tribune du Parlement, m'invitait à aller visiter, non des "heimatlos", à cheval sur la frontière, mais des paysans basques, que ne revendiquent ni la France ni l'Espagne.
Dans la haute vallée de la Nive.
La caravane, sous la conduite de Jean Ybarnegaray, et qui comprenait Alfred Eluère, Fernand Forgues, Henri Lartigue et les "locaux" Amédée Arcé et Cabillon, pelotaris réputés, et le signataire de ces lignes, quitta, à l'aube, Saint-Etienne-de-Baigorry, ses charmes, son pittoresque, pour remonter l'étroite et claire Nive-des-Aldudes, dans une vallée riante et très verte. Le hameau d'Urepel franchi, la route s'arrête brusquement, comme s'arrêtent tant de jolis chemins de montagne, tel celui de Biriatou, qui meurt sur le fronton, et celui de Saint-Engrace, qui prend fin — oh ! philosophie des choses — devant la porte du cimetière.
EGLISE STE ENGRACE -URDAX SANTA GRAZI PAYS BASQUE D'ANTAN |
A dos de mulet, nous escaladons des pentes assez abruptes, entre la forêt de Hayra et celle des Aldudes, laissant derrière nous Valcarlos, en direction de Roncevaux et de Burguete. Des roches énormes au-dessus de nos têtes s'enchâssent dans les derniers nids de verdure.
— Sommes-nous en France ou en Espagne, demandons-nous ?
— Dieu seul le sait, nous répond le local Cabillon. En effet, malgré la pointe hardie que le territoire français pique ici dans les terres espagnoles, la frontière est très mal délimitée, elle est très "floue", si l'on peut dire.
Les derniers pâturages très verts au sommet d'une vallée qui atteint ici 1 100 mètres, et voici tout un chapelet de fermes sur un territoire indéfini :
— Voici Quintoa, ses fermes accrochées à un sol sans drapeau, ses habitants sans patrie et sans impôts.
Eloignées de plusieurs centaines de mètres les unes des autres, ces dernières habitations des humains avant les pics et les pierres grises, au nombre d'une vingtaine, abritent une centaine de Basques qui ne parlent qu'une langue : le basque.
A peine avons-nous abordé le hameau de Quintoa qu'accourt une sorte de Quasimodo, alerte et bavard :
— C'est le chef du hameau, c'est lui, en l'absence de tout personnage officiel, qui prend en mains les intérêts de ses compatriotes, nous dit Fernand Forgues.
Et le citoyen Pailla - tel est son nom - de nous souhaiter la bienvenue et de nous parler de sa marotte, de son rêve, la route qui, venant des Aldudes passera par Quintoa pour atteindre la grand'route de Pampelune. Ce serait là, pour lui et ses camarades, un retour à la vie, à la civilisation.
LES ALDUDES - ALDUDE PAYS BASQUE D'ANTAN |
— Quelle erreur, leur dit Jean Ybarnegaray, vous êtes si bien ainsi, ignorés, indépendants, heureux.
Mais le Quasimodo basque, qui a pris plusieurs d'entre nous pour des ingénieurs des Ponts et Chaussées, continue à plaider sa cause avec ardeur.
J'interroge :
— Mais vers quels horizons dirigez-vous vos pensées, vers la France ou l'Espagne ?
On traduit la réponse de Pailla, elle est brève et combien curieuse :
— Nous allons à l'école et à l'église, qui sont en France, à Saint-Etienne-de-Baigorry ; le cimetière est en territoire espagnol, notre vie est loin des humains, entre le ciel et la pierre.
S'ils ne sont citoyens d'aucun pays, les habitants de Quintoa sentent leur cœur pencher vers la France. Plusieurs d'entre eux se sont fait naturaliser Français, et un jeune Quintoain, quoique sans patrie, vient de s'engager dans l'infanterie française.
—Et, pourtant, nous explique - Jean Ybarnegaray, leur territoire est, en général, considéré comme territoire espagnol sans que le gouvernement de Madrid ait un droit quelconque sur eux. Ce droit, ils le tiennent de décrets signés, paraît-il, par Louis-Philippe et Philippe II d'Espagne, décrets qui reconnaissent l'indépendance des Quintoains, basée sur la question si complexe des pâturages.
YBARNEGARAY PAYS BASQUE D'ANTAN |
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