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vendredi 6 décembre 2024

L'ÉNIGME BASQUE EN 1936 PAR FRANCOIS DUHOURCAU (deuxième partie)

 

L'ÉNIGME BASQUE EN 1936 PAR FRANÇOIS DUHOURCAU.


François Duhourcau, né le 5 février 1883 et mort le 3 mars 1951, à Bayonne, est un romancier, essayiste et historien français, lauréat du Grand prix du roman de l'Académie française en 1925.




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FRANCOIS DUHOURCAU



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Mercure de France, le 1er mai 1936 :


"... Le Basque — disent leurs travaux — est bien l'ancien Ibère, mais, semble-t-il, l'Ibère japhétique du Caucase que l'on a trop négligé dans la famille à peau blanche. Enfant de l'Ibérie d'Asie Mineure, terre de peuplement de Tubal, l'un des fils de Japhet, précise la Bible, où coulaient l'Ebre et l'Araxe — aujourd'hui la Géorgie — pays fameux par ses richesses de toute nature, et minérales et végétales, contrée des premiers grands essaimages humains et des premiers essais de civilisation où furent trouvées les fondamentales notions de la culture, du dressage et du travail des métaux, lieu d'exil de Prométhée le Civilisateur que les dieux jaloux, selon le mythe grec, enchaînèrent sur une cime du Caucase pour le punir de ses trouvailles, Eldorado merveilleux dont l'Europe tient nombre d'arbres, de fleurs et de fruits...



Tout le monde connait la page célèbre d'Elisée Reclus, reprise par Barrès dans Du Sang :


Sans les enseignements qui nous furent donnés par les Asiatiques de ces contrées, sans les métiers qu'ils nous léguèrent, sans les plantes et les fruits qu'ils nous apprirent à cultiver, sans les amis et les aides qu'ils nous firent dans le monde animal, nous nous trouverions encore dans la barbarie la plus profonde.



C'est à cette hypothèse de plus en plus vraisemblable et féconde, que je voudrais apporter ma contribution par des preuves peut-être convaincantes. Elle rejoint les antiques témoignages de Strabon, Pline, Josèphe, Isidore de Séville, Dion Cassius et Stephanos de Byzance.



"C'est comme un flot subsistant des Ibères si mal connus que nous pouvons considérer les Basques d'aujourd'hui", fit nettement Jean Brunhes dans sa géographie humaine de la France. L'euskara a permis de déchiffrer les inscriptions ibères et étrusques, avec le Canadien Campbell et l'Italien Moglia. Le cheminement ce peuple migrateur en Espagne et en France paraît aujourd'hui reconstitué par la toponymie. "Ces aînés de l'Occident", comme dit Michelet dans une expression que les plus récents travaux ont justifiée, auraient abordé l'isthme pyrénéen par la Méditerranée. En Espagne, leurs points de débarquement semblent avoir été Ampurias et Tarragone (comme ceux des Grecs et des Romains plus tard) où l'on trouve des vestiges de leur installation mêlés à des constructions égéennes ; de là on les suit par la vallée de l'Ebre, fleuve auquel ils donnèrent leur nom ; et par Saltuba (c'est-à-dire Saragosse) et Calagorri (c'est-à-dire Calahorra) on arrive aux provinces basques où règne souverainement le très antique euskara.



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FONTAINE DES 3 TUYAUX CALAHORRA
RIOJA D'ANTAN



En France, ils semblent avoir abordé dans la baie de Collioure (Cou coliberri) où l'on croit les voir tirer leurs barques sur le sable de la conque, ainsi que le font encore les marins de ce pittoresque petit havre. On suit ensuite leurs traces à Elne qui fut Illiberri, avant de tenir son nom moderne d'Hélène, mère de l'empereur Constantin, puis sur une autre butte, voisine de Perpignan, à la très antique Ruscilio qui devait donner son nom à tout le pays, et qui est aujourd'hui Castel-Roussillon. Enfin, on les retrouve dans toutes les Pyrénées et à leurs abords. Auch fut d'abord Illiberri encore, c'est-à-dire Ville Neuve, capitale de la tribu des Ausci. Et Bezera (Béziers), Ordus (Ort), Oranus (Hérault), Elusa (Eauze), Iluro (Oloron) sont des noms ibères, comme, paraît-il encore, Carcasso, Tolosa et Burdigala. Puisque c'est le passionné celtisant M. Hubert qui nous l'assure, on peut le croire.



Et Martres-Tolosane, vieille cité romaine, sise sur la Garonne en amont de Toulouse, s'appela d'abord Calagorri, comme Saint-Bertrand-de-Comminges et le Colahorra des bords de l'Ebre.



Bigorra (Bigorre) est un nom basque, de Ibaï gorra, rivières d'en haut, rivières hautes, rivières d'amont, ce qu'est en effet, la Bigorre, château d'eau où se forme le faisceau de nos belles rivières des Pyrénées occidentales, voire centrales, et Behearnam (Béarn), de behera, est encore un nom basque qui signifie terres d'en bas, ce qu'est, en effet, le Béarn, terres alluviales où s'épanouit le bouquet des Gaves et des Luys, terres de pénéplaine issues des profondes matrices montagnardes d'Aspe, d'Ossau et de Lavedan.



Si bien que Bigorre et Béarn veulent dire, avant comme après 1791, Hautes et Basses Pyrénées !... C'est ainsi qu'on peut être conservateur en se croyant révolutionnaire, comme, par compensation, révolutionnaire en se croyant conservateur. Ce qui n'étonnera point les esprits avertis de la complexité des choses humaines et de l'inconséquence à peu près constante qui préside à leur cours.



La Bigorre possède le Bastan, vallée de Barèges, ainsi qu'il existe aussi en Navarre espagnole, au coeur le plus pur de l'Euskal-Herria.



Le Lavedan, dont Lourdes est la capitale, est un nom basque, "le pays des sapins", Labedaa, de abe, sapin, en langue euskarienne. Certains voient dans Garona (Garonne) ibar ona, la bonne vallée, ce qu'elle est manifestement de sa source à son embouchure. Je lis même avec surprise, malgré ma foi basquisante bien assurée, je lis dans le récent et fort volume d'Isabelle Sandy sur son cher comté de Foix que le patois d'Ariège est de fonds basque pour certains de ses mots dont le latin ni l'espagnol ne donnent raison. Par exemple, abet, sapin de l'euskarien abe déjà vu en Bigorre pour le pays de Lavedan, tels encore cadiéra, chaise, bargo, corde, esquiello, clochette, marra, bélier, qui proviennent des mots basques respectifs khadira, barga, esquila et marroa. Que des mots basques, et si usuels, subsistent dans la langue populaire des pays pyrénéens qui ne sont plus eskualdunac, cela indique évidemment une imprégnation par l'installation, et, pour parler comme les spécialistes, un substrat ibère originel. C'est la base foncière de nos races pyrénéennes. Tout Pyrénéen, en un mot, est un peu Basque dans son tréfonds. Il y a dans ces découvertes, me semble-t-il, matière à réflexion pour les savants basquisants, et les autres. Dans la toponymie comme dans les dialectes, tant en Espagne, Italie et autres lieux qu'en France, il pourrait y avoir de profondes découvertes à faire à l'aide de l'euskara et d'une bonne idée conductrice. Pour parler net, on peut s'étonner que tout linguiste n'apprenne point l'euskara au même titre que le sanskrit.



Les Indo-Iraniens vinrent ensuite réduite ce flot ibère ; par l'Est d'abord, les Ligures, race préceltique, c'est-à-dire Celtes d'avant-garde, de "premier ban", assure Camille Jullian, puis les Grecs et les Romains ; les Celtes enfin, par le Nord, si bien qu'après avoir déferlé jusqu'à Nantes qui serait d'origine ibère, selon le celtisant M. Hubert, et par voie maritime jusqu'en Irlande à laquelle ils donnèrent son premier nom d'Erin (l'Hibernie romaine), nos aïeux caucasiens furent ramenés, comme en un territoire de refuge et suprême réduit, sur leur centre d'expansion initial : les Pyrénées et leurs abords. Les sept Provinces basques demeurent la citadelle de la fidélité à cette race aventureuse et civilisatrice des premiers âges du Monde Occidental.



En Espagne, ou plutôt dans la péninsule ibérique, on trouve les Ibères s'étendant jusqu'à la belle Grenade qu'ils fondèrent. Les ruines d'Elvira (Illiberri) dans l'heureuse véga, aux portes de la cité hispano-arabe, en témoignent encore. Sans oublier Sagunta ni Numantia, célèbres dans l'Histoire par leur farouche résistance aux Carthaginois et aux Romains. En Lusitanie, Setubal, au sud de Lisbonne, perpétue leur plantation extrême face au grand large des flots atlantiques. Le lusitanien Viriathe, le plus redoutable ennemi des Romains avec Annibal et Mithridate, là-bas, dans le Pont, au seuil de l'Ibérie caucasienne précisément.



Le titre, retenu par l'Histoire, à la singularité ethnique des Ibères en Extrême-Occident date de la conquête romaine. On le put voir encore, ce parchemin de marbre jauni, dans l'église de Hasparren (Labourd) qui a pris la place de l'ancien temple païen. Les habitants de la Novempopulanie pyrénéenne remercient le questeur Verus, maître du pays, qu'ils ont expressément mandaté à cet effet, d'avoir obtenu d'Auguste, à son retour de Rome, de les séparer des Gaulois. En signe d'allégresse, ils ont élevé un autel au génie du pays. La pierre de Hasparren est l'épigramme votive de cet autel païen du particularisme ibère. Les Neuf Peuples avaient d'ailleurs refusé de lutter à côté des Gaulois contre les Romains conquérants. Ces Ibères, déjà séparatistes, délimitent leur pays à ce qui est aujourd'hui encore et à c qui fut, sous l'Ancien Régime, Pays Basque, Béarn et Gascogne au nom fort significatif. Ils rejettent de leur communauté, ces Ibères rigoureux, ce qui est encore aujourd'hui, comme ce le fut sous l'Ancien Régime, l'Aquitaine ou, par corruption, la Guyenne, c'est-à-dire le pays des eaux, le pays, trop celtisé à leurs yeux, des belles rivières Garonne inférieure et Gironde, Dordogne, Isle et Lot, Leyre et bassin d'Arcachon.



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LA NOVEMPOPULANIE VERS 600



En résumé, tel un astre possède son noyau et des zones d'atmosphère de densité décroissante, l'antique Ibérie française possède aujourd'hui encore, à la fois différentes et apparentées, les Provinces basques d'abord, les Pyrénées ensuite, puis Gascogne et Languedoc, enfin Guyenne."



A suivre...





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