LE COMITÉ RÉVOLUTIONNAIRE DE BAYONNE EN 1794.
A partir d'octobre 1793, le Comité Révolutionnaire sévit à Bayonne, en Labourd.
Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin N° 3 de janvier 1929 de la Société des Sciences, Lettres,
Arts et Etudes Régionales de Bayonne, sous la plume de René Cuzacq :
"... La réaction thermidorienne et la fin du Comité révolutionnaire (27 Juillet 1794 - 26 Octobre 1795).
Mais voici qu'arrive Thermidor. Au même moment, Pinet et Cavaignac remplacent le timide Muller par Moncey, et l'armée des Pyrénées occidentales commandée par le nouveau Général, passe à l'offensive à l'heure même où le 27 Juillet 1794 Robespierre succombe à Paris. Trois jours auparavant, le 6 Thermidor, l'attaque générale avait commencé, après les préludes d'assaut du 22 Messidor. L'aile droite française emportait Fontarabie le 14 Thermidor, puis Saint-Sébastien le 17, qui ne fut guère défendue par ses alcades songeant à un Etat indépendant du Guipuzcoa (Août 1794). Mais l'aile gauche resta accrochée à la hauteur de Roncevaux et ne put guère progresser en direction de Pampelune. Pinet suit l'armée victorieuse. Les Basques espagnols réunissent à Guétaria leur junte et songent à proclamer leur indépendance. Mais le Représentant en mission, s'effarouche à la seule idée de cet Etat tampon entre la France et l'Espagne, centre d'attraction rêvé pour les Basques-Français. Son réalisme montagnard rêve d'annexions plus profitables ; il fait écrouer à Saint-Jean-de-Luz et à Bayonne les chefs de la Junte du Guipuzcoa. Mais aussi le Conventionnel dans ce pays hostile et avant tout catholique, vit dans la hantise de "vêpres siciliennes". Il pille les églises, persécute les nobles et les prêtres, fait dresser la guillotine à Saint-Sébastien, s'attire le surnom de "nouvel Attila" par le général espagnol, en un mot se crée une réputation de terreur qui lui sera durement reprochée par la suite.
Mais il doit partir ainsi que Cavaignac. Dès le 26 Thermidor, la Convention rappelle tous les députés en mission depuis plus de 6 mois ; déjà la réaction thermidorienne déroule ses conséquences. Le 7 Septembre 1794, Pinet à Elizondo signe son dernier arrêté connu ; le 16, il est encore à Saint-Sébastien, en compagnie de Delcher et Baudot qui viennent d'arriver. Puis, à la fin de Septembre, il quitte définitivement ces régions où son proconsulat tragique aura duré un peu moins d'un an.
De nouveaux députés y prennent sa succession, très fréquemment renouvelés depuis que la Convention thermidorienne a imposé ses méthodes. Dès le début d'Août 1794, le Comité du Salut Public désigne — le 29 Thermidor — Garrau, Baudot et Delcher, députés montagnards pour être envoyés à l'armée des Pyrénées occidentales. Le 2 Janvier 1795 — 13 Nivôse an III — Chaudron-Rousseau remplace Garrau ; en Mars 1795, Bô et Piqué (des Hautes-Pyrénées) succèdent à Delcher et Baudot (11 Mars-21 Ventôse) ; Paganel les rejoint presque aussitôt (28 Ventôse). En Mai 1795, Meillan, le député Girondin de Bayonne proscrit au 2 Juin 1793, arrive à son tour, chargé surtout de préparer les négociations avec l'Espagne.
Mais surtout Monestier (de la Lozère) et Izoard furent les principaux agents de la réaction thermidorienne, très mal connue d'ailleurs.
Monestier (de la Lozère) apparaît dès le 14 Octobre 1794 à Saint-Sever dans les Landes ; il est à Tarbes le 1er Novembre 1794, à Pau le 4 Décembre, à Orthez le 19 ; mais on ne trouve aucune trace explicite de son passage à Bayonne que le 7 Février 1795.
De même, en Mars 1795, apparaît à son tour Izoard, qui semblerait avoir remplacé Monestier. En mars 1795, Izoard est dans notre ville ; en Mai, nous le trouvons à Tarbes ; puis nous saisissons son passage à Pau une dernière fois le 7 juin.
Le 11 mars 1795 — 21 Ventôse an III —, le représentant Izoard réorganise définitivement tous les corps constitués du district d'Ustaritz ; le 7 Juin 1795 — 19 Prairial An III — il supprime toutes les Sociétés populaires des Basses-Pyrénées.
Qu'est devenu le Comité révolutionnaire de Bayonne, durant cette période où la réaction qui suit Thermidor développe sournoisement ses effets avant de se produire sans crainte au grand jour ? Nous le perdons maintenant de vue de la manière la plus complète, tout comme nous saisissons mal l'état de l'opinion bayonnaise en 1795.
La loi du 7 Fructidor an II — 24 Août 1794 — laisse subsister les Comités révolutionnaires de communes dépassant 8 000 habitants comme c'est le cas pour Bayonne ; mais leurs membres seront changés par moitié tous les trois mois ; ils devront envoyer de suite le tableau des reclus au Comité de sûreté générale renouvelé et lui déférer immédiatement les motifs de toute arrestation nouvelle.
Effectivement, en Octobre 1794, nous pouvons encore noter la trace de six membres du Comité de pluviôse an II : les citoyens Destibeaux, Dithurbide, Danglade, Bouché, Doyhambère, Dollabaratz ; mais il y a à côté d'eux les citoyens Jauretche et Poylo jeune qui sont des nouveaux venus, ce qui semble bien indiquer un premier remaniement du Comité révolutionnaire de Bayonne.
Puis la loi du 1er Ventôse an III supprime dans le délai d'un mois, à la date du 1er Germinal an III, les Comités des communes dont la population n'atteint pas 50 000 habitants. Si, par extraordinaire, l'agonie du second Comité révolutionnaire de Bayonne s'est prolongée au delà du 11 Mars 1795 et de la réorganisation des autorités du district, le 21 mars 1795 — 1er Germinal an III est venu presque aussitôt mettre un terme final à son impuissance maintenant complète.
Nous ignorons de même si les vengeances thermidoriennes, suscitées par les rancunes de l'opinion bayonnaise, vinrent atteindre certains de ses membres. Toujours est-il que dès le 1er Janvier 1795 — 12 Nivôse an III —, 215 signatures de la Société populaire dénonçaient maintenant à Paris Pinet aîné et Cavaignac, rendus spécialement responsables de la mort par la misère et le désespoir, de 1 600 des Basques déportés en Mars 1794. Le 20 Germinal an III — 9 avril 1795 —, Paris donnait l'ordre de désarmer tous ceux ayant participé aux "horreurs" de la "tyrannie" qui précéda le 9 Thermidor an II. C'était la conséquence d'un dernier sursaut jacobin, l'essai de "journée" du 12 Germinal an III — 1er Avril 1795, qui vint à point pour accroître encore la poussée anti jacobine et permettre à Tallien de venger les injures faite aux Cabarrus. Celui-ci, le 29 Germinal, lit à la Convention un rapport sur les excès commis aux alentours de Bayonne et dans le Guipuzcoa : "Et la France fut menacée... de n'avoir conquis que des déserts".
JEAN-LAMBERT TALLIEN |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire