L'AFFAIRE DU DIOCÈSE DE BAYONNE EN 1891.
En 1891, le diocèse de Bayonne est composé de deux entités, la Basque et la Béarnaise.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien L'Univers, le 29 janvier 1891 :
"L'Affaire du diocèse de Bayonne.
Nous empruntons au Journal Officiel le compte rendu in extenso de la discussion qui a eu lieu dans la dernière séance de la Chambre au sujet de cette affaire.
... Au début de l'article, il est parlé — et ceci vous indique la modération générale dont l'article s'inspire — il est parlé, à propos de la suppression des traitements, "du brigandage du préfet Deffès". Et je lis à la fin cette phrase que j'abandonne à vos réflexions et à vos commentaires : "Dès lors, il doit se dire..." — c'est de l'auteur de la question qu'il s'agit — "... que sa question à M. Ribot est résolue par avance : par ces distinctions, le Saint-Siège a flétri le gouvernement des voleurs et rappelé aux puissants du jour ce commandement de Dieu : "Le bien d'autrui tu ne prendras." (Mouvements divers.)
La Chambre comprendra que le gouvernement ne pouvait rester indifférent ni aux distinctions accordées par le pape à des prêtres dont il avait supprimé le traitement, ni aux commentaires dont les entourait la presse religieuse. Le directeur de l'établissement de Saint-Louis des Français à Rome, M. l'abbé Puyol, s'était activement occupé de cette affaire ; il avait, dès le début, conduit toute cette négociation ; il l'a formellement reconnu lui-même dans une lettre adressée, si je ne me trompe, à M. le ministre des cultes ; il avait agi sans mandat, sans titre aucun, oubliant la réserve que lui imposait sa situation particulière.
M. le ministre des affaires étrangères a révoqué M. l'abbé Puyol ; il a bien fait. Cet acte de fermeté a été applaudi par la presse républicaine tout entière, sans distinction de nuances. Je ne lui ménage pas mon approbation ; je la lui donne tout entière. (Très bien ! très bien ! à gauche. — Rires ironiques à droite.)
Mais je croirais, et je réponds ainsi aux interruptions qui me viennent du côté droit de l'assemblée...
A droite. — Nous n'avons rien dit.
M. Louis Barthou... — je croirais, dis-je, faire injure à l'honorable ministre des affaires étrangères en l'en félicitant. M. le ministre a accompli son devoir, car c'est le premier devoir d'un gouvernement de frapper énergiquement les fonctionnaires qui le compromettent ou qui le desservent. (Très bien ! très bien ! à gauche et au centre.)
La question qui se pose est celle de savoir si cette mesure est suffisante.
La Chambre me permettra de lui dire que je ne le pense pas. En effet, malgré la révocation de l'abbé Puyol, un fait subsiste, un fait grave. Ce fait, le voici : le gouvernement de la République supprime le traitement des prêtres qui se mêlent à la lutte électorale, qui manifestent leur hostilité au gouvernement, et le Pape, au lendemain de cette mesure de légitime défense par décret spécial, accorde des distinctions honorifiques à ces prêtres.
Eh bien ! messieurs, vous penserez tous avec moi que ce fait doit être éclairci, qu'il faut s'expliquer sur ces distinctions honorifiques à raison des circonstances qui ont précédé et accompagné la remise de ces titres, et à raison aussi des commentaires de la presse cléricale dont j'ai voulu seulement porter quelques extraits à la tribune.
Et dès lors ma question se précise nettement. Je demande à M. le ministre des affaires étrangères s'il a obtenu du Pape les explications nécessaires (Interruptions à droite) ; je lui demande de les faire connaître à la Chambre, qui sans doute ne saurait y être indifférente, et au pays, qui en appréciera toute l'importance.
Je me permets de le dire en terminant, je crois pouvoir affirmer que l'incident du diocèse de Bayonne dépasse la portée d'un fait local, que le moment que nous traversons l'élève au rang d'une question d'ordre général.
Vous n'ignorez pas le retentissement qui s'est fait autour de certaines adhésions prétendues ou sincères au gouvernement de la République (Très bien ! très bien ! à gauche. Bruit à droite.)
On dit, on affirme que le Pape seconde et encourage ce mouvement. Or, j'ai l'honneur d'apporter ici un fait dont les apparences, d'une tout autre nature, sont au moins singulièrement fâcheuses.
Le gouvernement a-t-il cru de son devoir d'éclaircir cette contradiction ? Jamais, à mon sens, occasion pour lui ne fut meilleure de demander, sinon, d'exiger, des explications précises et formelles. Je veux croire que M. le ministre des affaires étrangères les a obtenues et j'exprime le souhait qu'il les apporte à cette tribune. (Vifs applaudissements à gauche.)
M. le président. — La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
ALEXANDRE RIBOT MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES 1891 |
M. Ribot, ministre des affaires étrangères.
Messieurs, le diocèse de Bayonne est un de ceux où, à l'occasion des dernières élections, une partie du clergé s'est jeté avec le plus d'imprudence et le plus de violence dans la lutte politique. Le diocèse n'avait pas à ce moment de titulaire ; lorsque M. Jauffret fut nommé évêque de Bayonne, il comprit qu'il était de son devoir de déplacer un certain nombre des ecclésiastiques qui avaient compromis leur caractère.
M. le ministre des cultes, à la suite de ces déplacements, a levé toutes les suspensions de traitement, sauf une seule.
Cet acte de l'autorité épiscopale devait mettre l'ordre et la paix dans le diocèse. Quelques personnes n'en furent point complètement satisfaites, et l'on persuada à quelques-uns des prêtres déplacés de se pourvoir canoniquement Rome contre le décision de leur évêque.
Dès que le gouvernement eut connaissance de cet appel, le ministre des affaires étrangères chargea notre ambassadeur auprès du Vatican, M. Lefebvre de Béhaine, d'adresser les observations qu'il convenait au Saint-Siège, et de lui représenter qu'en fait un pareil appel, s'il pouvait être accueilli, aurait une gravité exceptionnelle, et, en droit, que le gouvernement français n'admettait pas qu'une congrégation romaine pût s'interposer entre un évêque et les prêtres qui sont sous son autorité (Très bien ! très bien !), et particulièrement entre ces prêtres et un évêque qui préalablement s'était mis d'accord avec l'autorité civile. (Très bien ! au centre et à gauche.)
Comme l'a dit l'honorable M. Barthou, le Saint-Siège a eu la sagesse, que nous devons tous reconnaître, de faire un acte d'autorité et de dessaisit la Congrégation du concile, à qui ces pétitions avaient été adressées.
C'est à tort que, dans des explications données par certains journaux, on a dit qu'il y avait eu un simple transfert de la Congrégation du concile à la Congrégation des affaires ecclésiastiques extraordinaires.
Sur l'ordre personnel de Sa Sainteté, les appels ont été purement et simplement retirés. A la date du 10 août, M. Lefebvre de Béhaine m'indiquait la solution tout à fait satisfaisante qu'avait reçue l'incident.
Nous pensions qu'il était complètement clos, lorsqu'il s'est produit, dans le diocèse de Bayonne et à Rome, des intrigues fort singulières, dont nous n'avons connu tous les détails que dans ces derniers jours.
Les établissements de Saint-Louis à Rome, que vous connaissez tous au moins de nom, avaient pour supérieur un prêtre d'ailleurs fort distingué, M. l'abbé Puyol, originaire du diocèse même où se sont produits les faits qui nous occupent en ce moment. Il s'est rendu dans ce diocèse à la fin de l'été. Qu'a-t-il dit à l'évêque ? Je n'en sais rien. Ce qui est certain, c'est que, quand il est revenu à Rome, nous avons appris que le Pape avait cru devoir accorder à quatre prêtres quelques distinctions, des titres de camériers, de missionnaires apostoliques.
EGLISE SAINT-LOUIS-DES-FRANCAIS ROME |
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