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mardi 5 novembre 2024

L'ÉNIGME BASQUE EN 1936 PAR FRANCOIS DUHOURCAU (première partie)

L'ÉNIGME BASQUE EN 1936 PAR FRANÇOIS DUHOURCAU.


François Duhourcau, né le 5 février 1883 et mort le 3 mars 1951, à Bayonne, est un romancier, essayiste et historien français, lauréat du Grand prix du roman de l'Académie française en 1925.




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FRANCOIS DUHOURCAU



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Mercure de France, le 1er mai 1936 :



"L'énigme Basque.



Le désespoir du singe, c'est ainsi qu'on appelle l'araucaria imbricata, parce que ce conifère tropical, et trop piquant, aux rameaux tout en épines, ne donne aucune prise, même à un animal aussi malin que le singe.



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ARAUCARIA IMBRICATA



Le désespoir du peintre, c'est ainsi qu'on appelle certaine fleurette mauve, du nom de mignonnette, si frêle, si mobile qu'elle frissonne toujours et ne permet point à l'artiste d'en fixer l'image sur la toile. On pourrait qualifier de même de certains visages d'enfants, de fillettes, même de femmes, et c'est ainsi que Léonard de Vinci dut nommer, à part soi, la Joconde, lorsqu'il tentait de saisir sa complexe physionomie.



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TABLEAU LA JOCONDE DE LEONARD DE VINCI



Il y a d'ailleurs dans la vie, hélas ! mille autres désespoirs. Le désespoir des coeurs trop tendres et des coeurs trop arides, le désespoir des jeunes gens et des vieillards, le désespoir des réalistes et des idéalistes, etc... Tous, à nos heures et selon nos états versatiles, nous avons lieu de désespérer.



Dans la science des races humaines, il est un désespoir de l'érudit : l'énigme basque, le secret encore impénétré de l'origine des Eskualdunac et de leur langue singulière.



C'est néanmoins à cette énigme stimulante, passionnante, mais dangereuse, que j'ose m'attaquer, avec l'espoir, sans doute téméraire, de me montrer plus malin qu'un singe pour me saisir de ce problème épineux.



Mais, tout de suite, par modestie et probité intellectuelle autant que par prudence, je me place sous la protection de la grande parole d'Homère, qui devrait être inscrite au fronton de toutes les sciences humaines dont le seul royaume est celui des vraisemblances, des apparences, des phénomènes : "Dites-moi maintenant, supplie Homère au chant deuxième de l'Iliade, dites-moi, Muses qui habitez les palais de l'Olympe — car vous êtes déesses, vous êtes présentes à tout, vous savez tout, tandis que nous n'entendons, nous, que la superficielle renommée et ignorons les choses mêmes..."



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BUSTE D'HOMERE



Nul ne conteste que le génie qui mène les Basques ne soit grave, sérieux, concentré sur le fondamental dont il ne laisse point déraciner. En tous domaines, le Basque se révèle l'Homme de la Loi, le tenant opiniâtre du Décalogue, pour ramasser en un seul terme l'essentiel. Il a maintenu le sens primitif et quasi biblique du divin de la Création, de son caractère souverain et auguste. C'est peut-être le seul peuple occidental que l'on puisse voir encore aujourd'hui, aux champs, au foirail ou au fronton, se découvrir, faire silence et se signer lorsque sonne l'Angélus. La peinture populaire de Millet est, en Euskarie, tableau courant. Le Basque, pour tout dire d'un mot, est resté un Antique ; il ne plaisante point avec Dieu, seigneur et maître des hommes et du monde, dont il reconnaît l'autorité qui lui semble manifeste ; il ne barguigne point avec les principes de base et les règles élémentaires. Cela est un fait d'expérience qu'atteste l'Histoire : le génie basque qui a produit des paysans, des explorateurs, des marins téméraires et découvreurs de mondes, des guerriers, des athlètes et des artistes, a donné l'extrême fleur de sa personnalité, et comme son quid proprium, dans des apôtres et des saints : les jésuites Ignace de Loyola et François de Xavier, un Duvergier de Hauranne, l'animateur de Port-Royal, père spirituel de Pascal et de Racine, aujourd'hui les bétharramites Garicoïts et Etchecopar. Où qu'il se meuve, le Basque reste le mainteneur de la Constitution essentielle et première de l'humanité civilisée, pour reprendre la forte expression de Le Play. Qui veut le connaître dans son fonds doit considérer le type humain étudié et reconstitué par Fustel de Coulanges dans la Cité Antique. Bref, le Basque est demeuré tel qu'un Romain des premiers âges.



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LIVRE LA CITE ANTIQUE 
DE FUSTEL DE COLANGES



Grave, sérieux d'ailleurs, n'impliquent point austère, renfrogné, ni sévère. Le Basque aime à rire, plaisanter, se réjouir, sauter, danser, crier même (ohé ! l'irrintzina !). Il a de l'étincelle à revendre. L'idée créatrice et directrice qui entraîne sa race l'a fait semblable au pays où, après une longue migration à la suite du soleil, il s'est enfin arrêté ou plutôt fixé : grave certes, mais frais et riant aussi, vert autant que le brun, à coups de soleil sur fonds de sépia. Les plus merveilleux brisants du Monde argentent le pied de ses falaises et de ses montagnes, sous la plus liquide lumière et dans un vent tout chargé d'iode, le plus tonique et vivifiant qui puisse aérer les poumons des hommes. Ses maisons blanches éclatent de gaîté sur le manteau des prairies et des landes, et des champs, et des bois... Mais la dominante de la race, comme du pays, est la note saine, forte, dure même. Solidement humain, le Basque ne rit plus dès qu'il s'agit des principes sacrés sur quoi repose la vie, avec ses constructions salutaires que baigne le mystère de la mort et de son au-delà. Tel on le retrouve à la maison à la maison, à l'église, à l'atelier, aux champs, à la guerre et dans l'aventure. On peut vérifier cette loi du sang dans tous les grands hommes de sa lignée.



Cette marque, cette griffe de la destinée, sceau immanent qui blasonne ce peuple, doit avoir son explication. C'est elle que mon amour de cette race et de son esprit m'a fait obstinément chercher et que je viens simplement, modestement, mais avec la plus profonde certitude, exposer aussi bien à l'approbation que, sans doute, à la critique. C'est là le beau risque de la science et de l'art, comme de toute passion.



Il me souvient du temps, assez lointain déjà, où je connus les Basques pour la première fois. Ce qui me frappa, parmi les beautés singulières du paysage, des moeurs et des attitudes, ce fut la dignité simple, la fierté naturelle, en un mot la race de ce peuple, qu'il s'agit du pelotari au fronton, du laboureur à sa charrue, du bouvier touchant ses boeufs ou marchant, de son pas lent et cadencé, bras en croix sur l'aiguillon, à la tête de son rustique attelage, ou de la ménagère, matrone réservée et hospitalière, faisant les honneurs de sa cuisine, sous le toit allongé de la maison aux volets bruns. Nul peuple ne me rappelait mieux, par révélation impérieuse et irrécusable fulguration, les antiques Romains connus par leur histoire, leurs bas-reliefs et leurs statues.



Aussi, lorsque m'informant de leur provenance énigmatique, on me dit, à la mode d'alors : "Les Basques, descendants des anciens Ibères — ce qui est aujourd'hui prouvé — les Basques, sont des Sémites", j'éclatai de rire. — "C'est impossible, disais-je. Regardez-les donc : ils crient l'aryanisme, ces gens, par leur allure, leurs gestes, leurs regards, leurs moeurs et leur esprit ! Très positifs, c'est vrai, très installés dans la vie et bien assis sur les solidités du monde réel, auquel ils croient dur comme fer, — et ils n'ont pas tort. Ce n'est point une raison tout de même pour les croire sémites, comme des enfants de la Phénicie ou de la Judée. A ce compte, que de juifs, sinon d'israélites, dans le vaste Univers !"



L'erreur provenait de ce qu'alors on considérait seulement les Ibères sémitiques venus d'Afrique. Depuis lors les savants ont peu à peu rectifié cette erreur initiale par des études convergentes. Le premier, le professeur russe Nicolaï Marr, mort l'an dernier, puis les allemands Winkler et Hoffmann, le Hollandais Van Eys, les Italiens Trombetti et Moglia, l'Espagnol Cejador, sans oublier le Français René Lafon, le distingué linguiste de l'Université de Bordeaux."



A suivre...




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