L'ÉNIGME BASQUE EN 1936 PAR FRANÇOIS DUHOURCAU.
François Duhourcau, né le 5 février 1883 et mort le 3 mars 1951, à Bayonne, est un romancier, essayiste et historien français, lauréat du Grand prix du roman de l'Académie française en 1925.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Mercure de France, le 1er mai 1936 :
"L'énigme Basque.
Le désespoir du singe, c'est ainsi qu'on appelle l'araucaria imbricata, parce que ce conifère tropical, et trop piquant, aux rameaux tout en épines, ne donne aucune prise, même à un animal aussi malin que le singe.
ARAUCARIA IMBRICATA |
Le désespoir du peintre, c'est ainsi qu'on appelle certaine fleurette mauve, du nom de mignonnette, si frêle, si mobile qu'elle frissonne toujours et ne permet point à l'artiste d'en fixer l'image sur la toile. On pourrait qualifier de même de certains visages d'enfants, de fillettes, même de femmes, et c'est ainsi que Léonard de Vinci dut nommer, à part soi, la Joconde, lorsqu'il tentait de saisir sa complexe physionomie.
TABLEAU LA JOCONDE DE LEONARD DE VINCI |
Il y a d'ailleurs dans la vie, hélas ! mille autres désespoirs. Le désespoir des coeurs trop tendres et des coeurs trop arides, le désespoir des jeunes gens et des vieillards, le désespoir des réalistes et des idéalistes, etc... Tous, à nos heures et selon nos états versatiles, nous avons lieu de désespérer.
Dans la science des races humaines, il est un désespoir de l'érudit : l'énigme basque, le secret encore impénétré de l'origine des Eskualdunac et de leur langue singulière.
C'est néanmoins à cette énigme stimulante, passionnante, mais dangereuse, que j'ose m'attaquer, avec l'espoir, sans doute téméraire, de me montrer plus malin qu'un singe pour me saisir de ce problème épineux.
Mais, tout de suite, par modestie et probité intellectuelle autant que par prudence, je me place sous la protection de la grande parole d'Homère, qui devrait être inscrite au fronton de toutes les sciences humaines dont le seul royaume est celui des vraisemblances, des apparences, des phénomènes : "Dites-moi maintenant, supplie Homère au chant deuxième de l'Iliade, dites-moi, Muses qui habitez les palais de l'Olympe — car vous êtes déesses, vous êtes présentes à tout, vous savez tout, tandis que nous n'entendons, nous, que la superficielle renommée et ignorons les choses mêmes..."
BUSTE D'HOMERE |
Nul ne conteste que le génie qui mène les Basques ne soit grave, sérieux, concentré sur le fondamental dont il ne laisse point déraciner. En tous domaines, le Basque se révèle l'Homme de la Loi, le tenant opiniâtre du Décalogue, pour ramasser en un seul terme l'essentiel. Il a maintenu le sens primitif et quasi biblique du divin de la Création, de son caractère souverain et auguste. C'est peut-être le seul peuple occidental que l'on puisse voir encore aujourd'hui, aux champs, au foirail ou au fronton, se découvrir, faire silence et se signer lorsque sonne l'Angélus. La peinture populaire de Millet est, en Euskarie, tableau courant. Le Basque, pour tout dire d'un mot, est resté un Antique ; il ne plaisante point avec Dieu, seigneur et maître des hommes et du monde, dont il reconnaît l'autorité qui lui semble manifeste ; il ne barguigne point avec les principes de base et les règles élémentaires. Cela est un fait d'expérience qu'atteste l'Histoire : le génie basque qui a produit des paysans, des explorateurs, des marins téméraires et découvreurs de mondes, des guerriers, des athlètes et des artistes, a donné l'extrême fleur de sa personnalité, et comme son quid proprium, dans des apôtres et des saints : les jésuites Ignace de Loyola et François de Xavier, un Duvergier de Hauranne, l'animateur de Port-Royal, père spirituel de Pascal et de Racine, aujourd'hui les bétharramites Garicoïts et Etchecopar. Où qu'il se meuve, le Basque reste le mainteneur de la Constitution essentielle et première de l'humanité civilisée, pour reprendre la forte expression de Le Play. Qui veut le connaître dans son fonds doit considérer le type humain étudié et reconstitué par Fustel de Coulanges dans la Cité Antique. Bref, le Basque est demeuré tel qu'un Romain des premiers âges.
LIVRE LA CITE ANTIQUE DE FUSTEL DE COLANGES |
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