PERSPECTIVE D'ÉTAT DE SIÈGE À BAYONNE EN 1850.
La ville de Bayonne compte 18 120 habitants en 1850, et est administrée par le Maire Joachim-Alexandre Dubrocq.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien L'Eclaireur des Pyrénées, le 17 mars 1850 :
"Bayonne. 16 Mars.
L'état de siège en perspective dans les Basses-Pyrénées.
Le préfet Cambacérès aura écrit au ministre : "Le département tout entier des Basses-Pyrénées est surexcité par des passions révolutionnaires".
Devant cette surenchère hiérarchique de rapports si véridiques, si loyaux, signés, attestés, légalisés, timbrés, paraphés, mais non vérifiés, le pouvoir, faisant droit aux épouvantes et aux rancunes de la Réaction pyrénéenne, a mis l'un des plus paisibles pays de France en état de suspicion, de gardé-à-vue, et de perspective de la mise en état de siège.
Le commissaire Paccard aura la croix !
Le sous-préfet Sers en a deux, il en aura trois !
Le préfet Cambacérès aura la rosette s'il ne n'a pas ; et s'il l'a, le cordon !
Puis le moment de frapper le grand coup monarchique étant annoncé par le télégraphe, Bayonne et le pays basque seront mis en état de siège.
Les gardes nationales seront dissoutes et désarmées... sous prétexte de leur alléger le service.
Le colportage des journaux sera interdit de nuit et de jour.
L'Eclaireur sera suspendu.
Son rédacteur sera pendu... ou quelque chose approchant, tout au moins embastillé ou transporté.
Et le lendemain, les autorités militaires, maritimes, ecclésiastiques, départementales, municipales, cavalerie, caissons, canons, régiments, épée au côté, mitre en tête, écharpe aux reins, sabre au poing, mèche allumée, fusils au bras, iront au devant du nouveau caporal-général de la 11e division militaire qui fera son entrée triomphale à Bayonne, où il y aura compliments, festins, parades, pétarades, sérénades et cinq coups de canon, pour saluer et affirmer le règne de la modération et des lois.
Mais voyez, pourtant ! et comme il est vrai le proverbe qui dit : "L'homme propose et Dieu dispose." Ce qui veut dire : La Réaction conspire et le suffrage universel condamne.
Tout cela était fait, se disait, se préparait avant le 10 mars.
Mais ce diable de 10 mars est arrivé... il existe !
Il se pourrait donc que le programme des fêtes et réjouissances, le scénario du drame et la mise en scène, éprouvassent un de ces changements à vue qui emportent à la fois, les décorations, les acteurs, le souffleur et le machiniste, ne laissant sur pied que le théâtre.
C'est la grâce que nous leur souhaitons, pour leur bien et pour le nôtre.
Ainsi soit-il !"
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Nous lisons dans la Constitution du 14 mars :
L'Eclaireur des Pyrénées et M. Cambacérès.
M. le préfet des Basses-Pyrénées tient décidément à passer pour un foudre de guerre ; et si les ennemis manquaient à l'humeur batailleuse qui le possède depuis quelque temps, il serait homme à imiter le beau Phoebus de Navarre qui s'en allait guerroyer par les chemins, quand les comtes et barons de son royaume ne lui donnaient pas suffisante besogne.
Voici un arrêté que publie l'Eclaireur des Pyrénées, et qui comptera parmi les actions d'éclat de M. Cambacérès :
(Suit l'arrêté publié par l'Eclaireur dans son n° du 12 mars.)
M. Castro, que tout le monde connaît dans notre ville et dans le département, était l'agent de l'Eclaireur des Pyrénées ; il s'occupait de la propagande industrielle de ce journal, dont il était l'administrateur, chargé à ce titre de lui trouver des abonnés et des acheteurs. L'Eclaireur des Pyrénées a donc raison de dire que c'est lui qu'on a voulu frapper, et que le prétexte de propagande révolutionnaire, articulé contre M. Castro, n'est qu'un mensonge sous lequel se cache la peur que la propagation de la feuille démocratique inspire à tous les valets de la Réaction.
Cette nouvelle équipée d'un zèle aussi sot qu'odieux, pourra coûter cher à ses auteurs.
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Nous lisons dans le même journal, à la date du 13 :
M. le préfet Cambacérès se fait ogre ; il lui faut une victime tous les jours.
Hier, c'était un étranger qu'il expulsait du territoire ; aujourd'hui, c'est un tout jeune homme, un enfant peut-être, qui, par arrêté ministériel, est chassé du Lycée de Pau.
Il paraît que les élèves de notre Lycée avaient conçu le projet de s'associer collectivement à la souscription ouverte en faveur des trente-neuf instituteurs suspendus ; mais sur les observations qui leur furent faites, ils s'empressèrent d'y renoncer.
C'est cette affaire déjà virile et oubliée qui a motivé, dit-on, l'expulsion de l'élève D. Le jeune était élève externe, et les regrets de ses camarades, dont la généreuse indignation s'est émue et n'a été contenue que par la crainte de fournir des prétextes à d'autres mesures des ennemis de l'Université, témoignent de la parfaite irréprochabilité de sa conduite.
Le jeune D. est neveu de M. Nogué, ancien représentant du peuple. C'est là peut-être son unique crime aux yeux de M. Cambacérès. Mais M. Cambacérès a tort de craindre qu'on ne le suspecte d'un excès de reconnaissance envers ceux qui l'on fait ce qu'il est.
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Dans notre numéro du 5 mars, nous avions félicité le département des Landes d'avoir échappé jusqu'ici à la loi de proscription Parieu contre les instituteurs primaires. Le Journal des Landes du 14, arrivé hier à Bayonne, constate que, grâce à l'intelligence éclairée et consciencieuse de l'administration départementale, les instituteurs ont été prévenus et non punis, et que l'une chose, vaut mieux assurément que l'autre.
FELIX ESQUIROU DE PARIEU 1850 MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES CULTES |
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