Libellés

lundi 18 novembre 2024

LE TRAGIQUE DESTIN D'EUZKADI EN 1938 (dixième partie)

 

LE TRAGIQUE DESTIN D'EUZKADI EN 1938.


La guerre civile espagnole, du 17 juillet 1936 au 1er avril 1939, contraint plusieurs centaines de milliers de Républicains et de Basques à l'exil dans le monde entier.


pais vasco antes guerra civil española
EXIL A HENDAYE SEPTEMBRE 1936



Je vous ai parlé dans un article précédent de la neuvième publication de Pierre Dumas, au sujet 

des Basques dans la guerre civile espagnole.



Voici ce que rapporta Pierre Dumas, dans le quotidien L'Aube, le 11/09/1938 :



"Le tragique destin d'Euzkadi.

IX. — Hommes et doctrines. Une démocratie chrétienne.



On a beaucoup parlé des expériences marxistes et socialistes (Russes, Scandinaves ou autres), des expériences dictatoriales et totalitaires, des essais d'économie dirigée et des états qui gardent le système libéral.



Dans la gamme des expériences sociales si les projets de la Démocratie chrétienne ont été discutés en théorie, il semble qu'on ne les ait jamais vus en pratique car, même en Belgique où des démocrates catholiques (comme Van Zeeland) ont détenu le pouvoir, ils ne l'ont pas exercé seuls, mais en collaboration avec des ministres libéraux ou marxistes.



pais vasco antes guerra civil española
PAUL GUILLAUME
VICOMTE VAN ZEELAND



L'Etat d'Euzkadi — même avec un gouvernement de concentration anti fasciste — semble avoir été pendant l'année où il s'est maintenu en Espagne aussi bien que depuis son exil, une république à base de démocratie chrétienne.



Il est curieux — cette étude n'ayant pas été tentée, du moins à ma connaissance — d'examiner... à vol d'oiseau, les résultats de ce régime dans les personnes et dans les faits.



Les origines.



Curieuse expérience, en vérité, que celle qui commença officiellement avec Arana Goïri. Certes le basque, avant son apôtre moderne, était et chrétien et démocrate. Le statut familial et social du pays avait été, de tout temps, empreint du double caractère religieux et démocratique. Cependant, nul sociologue, nul légiste euzkadien ne l'avait codifié. L'innovation d'Arana Goïri fut de proclamer qu'il voulait mettre en pratique les idées politiques et sociales du pape Léon XIII, tout comme d'autres hommes se proposaient de faire passer dans la pratique les théories de Karl Marx.



pais vasco nacionalismo antes
SABINO ARANA GOIRI


Parmi les raisons qui firent d'Arana Goïri un séparatiste, une des plus déterminantes fut certainement la raison religieuse. Ce basque connaissait trop bien la péninsule pour n'avoir pas vu que l'espagnol pratique une religion superficielle, à base superstitieuse, sans fond social, tandis que le Basque a une foi beaucoup plus profonde et vivante. Goïri apercevant l'incompatibilité de faire cohabiter dans la même nation des catholiques de surface et des catholiques intégraux, demanda l'autonomie, sollicitée d'ailleurs pour de multiples autres raisons.



Avec Goïri, même sous la domination espagnole, la religion devint pour les Basques un système social, prêt à se transformer en système économique et politique, le jour où le pays serait autonome.



pais vasco antes nacionalismo pnv
SABINO ARANA GOIRI


Il y eut donc, dans l'avènement de la Démocratie chrétienne en pays basque une double étape : l'étape sociale, avant juillet 1936, l'étape politique, depuis juillet 1936.



Période sociale.



Nous avons vu, dans l'article consacré à la Renaissance basque, l'essentiel de l'oeuvre sociale des nationalistes des trois provinces du pays espagnol. Les fidèles d'Arana Goïri préparèrent pendant 50 ans, leur peuple à la mission qui lui est réservée par la formation chrétienne à l'école, dans le sport, dans les arts, et surtout dans les syndicats ouvriers autant que dans les unions patronales.



Collaboration des classes ?... oui, mais dans la totale indépendance de chacun des intéressés, une indépendance qui n'exclut même pas le droit de grève. Consolidation des droits de la famille, du travail, de l'hygiène.



Aussi, dans cette péninsule où la misère est profonde, seul le pays basque émerge avec une paix sociale profonde, des salaires triples et dans plusieurs cas quintuples du reste de l'Espagne, un bien-être qui s'étend de jour en jour.



Pour le seul diocèse de Victoria-Bilbao, l'épargne s'élève à 551 millions de pesetas, soit à près du quart de l'épargne totale de l'Espagne : 144 000 enfants fréquentent l'école ; la flotte marchande constitue le 45% de la flotte totale, la puissance bancaire atteint 7 milliards de pesetas...



Dans cette péninsule où la main-d'oeuvre — surtout dans le Sud — est à peu près réduite de l'état d'esclavage, José Antonio Aguirre — celui qui devait devenir le premier président de l'état basque — introduit dans son industrie la participation des ouvriers aux bénéfices, les congés payés (depuis 10 ans), les voyages de noces payés, le sursalaire familial, la retraite aux vieux travailleurs, avec maintien de la presque intégralité de leur solde.



Tel était l'état du problème social en Euzkadi à la veille du mouvement Franco.



Période gouvernementale.



Il est difficile de juger les résultats qu'aurait donné, dans la pratique, la Démocratie chrétienne, car l'exercice du pouvoir par les nationalistes basques ne se produisit que pendant la guerre.



Deux faits sont cependant caractéristiques : pendant tout un an de siège, le pays basque connut la paix sociale et civile complète.



D'autre part, l'action des Basques au sein du Gouvernement républicain, à Madrid, à Valence, ou à Barcelone, fut particulièrement efficace au point de vue de l'apaisement.



Les Basques ne nient pas, les Basques réprouvent de toutes leurs forces les excès commis par les rouges. Leur alliance momentanée avec eux ne les a pas aveuglés.



Presque depuis le début des hostilités, ils ont comme délégué au sein des gouvernements républicains M. Manuel de Irujo. Ce nationaliste basque arrivé à Madrid pour une lutte à mener en commun aux côtés des rouges, ne cacha jamais à ceux-ci sa pensée. Tous les jours, il se rendit à la morgue, fit relever la liste des tués, et, sans peur, éleva contre les responsables les plus véhémentes protestations. Il devint ministre de la Justice, à Madrid, et aussitôt il édicta des mesures courageuses, supprima les tribunaux illégaux, et les exécutions sans jugement.




pais vasco antes guerra civil española
MANUEL DE IRUJO



M. Paul Vignaux, dans un article récent, rappelle que le président Négrin pouvait, en séance officielle, des Cortès, déclarer :


"L'Etat a connu des abus. Mais il a réussi à rétablir les pouvoirs publics dans l'exercice de leur autorité. Il n'a plus permis de se faire justice soi-même. Les garanties individuelles ont été rétablies, on est parvenu à rétablir l'indépendance de la justice. Tout cela, c'est en particulier l'esprit et l'oeuvre de Manuel de Irujo."



Certes, beaucoup, à la lecture de cette déclaration, hausseront les épaules, persuadés à bon droit que la justice n'est pas encore rétablie en zone gouvernementale. A ceux-là, je ferai observer qu'Irujo a obtenu un immense succès en restaurant le droit officiel et la loi humaine. Cette loi peut être encore violée ; elle l'est même certainement, de même que dans la zone de Burgos on viole aussi les prescriptions et les décrets de Franco puisque le lendemain du même jour où le général publiait un ordre enjoignant de ne plus tuer de prêtres, deux religieux étaient fusillés en pays basque.



Ce qu'a obtenu Manuel de Irujo, c'est la restauration de la loi. Croyez-vous d'ailleurs, sachant ce que vous savez des cruautés des rouges, qu'il n'ait pas fallu un certain courage à cet homme, pour proclamer, en pleine séance parlementaire, ses convictions et sa foi chrétienne ?



Il a obtenu, en zone rouge où les factions se déchirent, que, du moins officiellement, la morale soit restaurée. C'est un résultat.



Qu'aurait donné la Démocratie chrétienne à l'usage et avec la responsabilité du pouvoir ? Nous l'ignorons. Ce que nous savons, c'est qu'avant la révolution, elle avait produit, dans les rapports sociaux d'heureux résultats, qu'elle eut de notables effets d'apaisement dans la zone rouge... et surtout qu'elle a formé, à l'école des encycliques et des dures réalités, des hommes de courage et de loyauté tels que Irujo, Leizacola, de la Torra et une pléiade de chefs éminents, qu'enfin, elle s'est incarnée en la personne du président Aguirre, athlète moral étonnant, athlète physique complet, champion d'Espagne de football... Aguirre, âgé à peine de 38 ans, adoré de tous les siens et admiré de tous par ce qu'il a réalisé dans sa vie personnelle, familiale et professionnelle, l'idéal difficile d'un système politique nouveau qu'il préconise pour l'Etat.



pays basque autrefois euzkadi president gouvernement
JOSE ANTONIO AGUIRRE Y LESCUBE
PRESIDENT GOUVERNEMENT BASQUE 1936


Ces Basques sont-ils les précurseurs ?



C'est possible. Comme les novateurs, ils sont en tout cas incompris. Le plus surprenant dans leur histoire, c'est qu'ils sont rejetés par la majorité des catholiques et accueillis par les gens de gauche.



C'est un fait.



J'estime, pour ma part, que dans la liquidation de la guerre espagnole, dans l'établissement de la paix et dans la restauration de la vie normale, ils peuvent jouer un rôle primordial, essentiel, décisif."



A suivre...




Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 6 000 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire