Voici ce que raconta à ce sujet J. Nogaret dans le Bulletin du Musée Basque N°2 de 1931 :
"Le château de Beyrie est situé en pays de Mixe, à l'écart des grandes voies de communication, sur une ligne de hauteurs d'où la vue embrasse une partie de la Basse-Navarre, du pays de Soule et, dans le fond, les plaines du Béarn bornées au loin par la chaîne des Pyrénées. On ne peut pas fixer de date à sa construction ; mais il n'est pas exagéré d'affirmer qu'une maison forte s'éleva à cet endroit à une époque très reculée.
En 1119 en effet existait déjà un seigneur de Beyrie et on trouve trace de ses descendants jusques vers le milieu du 15ème siècle.
Ces féodaux arrivèrent même à se créer de bonne heure, une situation en vue parmi les autres nobles bas-navarrais. Ils faisaient partie des cours générales chargées sinon d'étudier les questions administratives encore à l'état embryonnaire à cette époque, du moins de prendre des décisions sur tout ce qui concernait les intérêts du pays. Ils en étaient même des membres particulièrement écoutés car les séances ne pouvaient commencer qu'en leur présence ou en celle de leurs représentants.
Leur influence ne se limita pas au pays d'alentour, mais ils obtinrent d'importantes situations à la cour de Navarre.
CHÂTEAU DE BEYRIE SUR JOYEUSE BMB N°2 1931
En 1276 Bernard de Beyrie était mesnadier de la reine Blanche ; on en trouve un autre à la cour de Mixe en 1353 ; un troisième vers la même époque est prieur du monastère d'Utziat.
Quelques années plus tard leur situation grandit encore avec Bertrand désigné, pour la première fois, comme seigneur de Beyrie et d'Amendeuix ce qui prouve que leurs domaines avaient été agrandis, soit par mariage, soit par héritage, de la seigneurie d'Amendeuix.
Bertrand fut du reste un des ceux qui portèrent la famille à un haut degré de postérité et qui joua un rôle particulièrement actif.
En 1389 il faisait partie du corps des gentilshommes attachés à la personne du roi de Navarre Charles le Noble.
En 1398 on le trouve à Cherbourg comme envoyé du même roi qui, pour le récompenser de ses services, le nomma, quelques années plus tard, en 1406, bailli du pays de Mixe et capitaine du château de Garris.
Il fut remplacé de son vivant, dans ces diverses charges, par son fils Arnaud-Guilhem, le dernier de la lignée, car, lorsqu'il mourut, vers 1436, sa succession échut à sa fille unique Jeanne qui avait épousé, l'année précédente, Guillaume, seigneur de Domezain.
Le nouveau seigneur de Beyrie appartenait à une ancienne famille originaire de la Soule, d'une localité portant encore ce nom et qui avait aussi d'importantes possessions en Béarn.
Le changement de dynastie ne nuisit pas à la prospérité de la seigneurie de Beyrie. Ses domaines s'agrandirent par suite du mariage de Gilles de Domezain, petit-fils du précédent, avec une riche héritière, Catherine de Monein. Cette famille était Béarnaise et Catherine ajoutait aux possessions des Domezain des biens importants à Monein et à Caresse, leur faisant ainsi une situation au moins aussi brillante que celle de leurs voisins les Luxe.
CHÂTEAU DE BEYRIE-SUR-JOYEUSE BASSE-NAVARRE PAYS BASQUE D'ANTAN
Aussi ces deux seigneurs comprirent tout l'intérêt qu'ils avaient à vivre en bonne harmonie et, dès le 15ème siècle, ils firent une alliance offensive et défensive...
Cette communauté d'intérêts justifiait donc une alliance qui persista jusqu'au milieu du 16ème siècle. Pendant cette période l'histoire des Domezain ne présente pas un grand intérêt ; on les trouve surtout mentionnés à l'occasion des nombreux incidents auxquels donna lieu la rivalité des Luxe et des Gramont.
Du reste un nouveau changement ne tarda pas à se produire. Gilles de son mariage avec Catherine de Monein avait eu deux enfants, Valentin et Isabeau.
Valentin eut une existence assez orageuse. Il fut avec Luxe un des chefs du parti catholique contre Jeanne d'Albret. Compris dans l'amnistie qu'accorda cette reine, il reprit les armes contre elle quelques mois plus tard et, lorsque Montgomery fut venu à bout de la rébellion, la reine de Navarre se montra impitoyable avec ceux qui n'avaient pas tenu leurs engagements.
GABRIEL 1ER DE MONTGOMMERY
Valentin fut obligé de quitter le pays après avoir vu sa seigneurie de Caresse mise sous séquestre. Réfugié à Paris, puis à Bayonne, il y fut compromis dans un complot et passa pour être à la solde de l'Espagne. Rétabli en possession de ses biens, en 1573, il mourut cette même année sans laisser de postérité.
Sa soeur Isabeau fut son héritière. Elle avait épousé, le 11 février 1541, Jean de Mont-Réal dont il a été question dans les articles relatifs aux châteaux d'Urtubie et de Sault. On a vu dans quelles circonstances Mont-Réal dut céder ses biens à Jean d'Alzate.
Après la mort de Valentin, Jean de Mont-Réal devint seigneur de Domezain, Beyrie, Amendeuix, Caresse, Monein et, avec lui, commença une nouvelle dynastie qui devait être la dernière.
Il fixa sa résidence au château de Beyrie, mais il ne semble pas qu'il l'ait habité bien longtemps car il ne survécut à Valentin qu'une dizaine d'années et passa tout ce temps à la guerre.
Sous le roi Henri II il était commissaire de l'artillerie. En 1552 il assista au siège de Metz sous les ordres du duc de Guise et il fut pour beaucoup dans l'héroïque résistance de la place.
En 1555, il faisait encore campagne car il donna procuration à Jean de Caupenne pour toucher le solde qui lui était due par le trésorier général de l'Artillerie.
En 1562, on le trouve mentionné comme ayant pris part aux opérations conduites par Monluc en Gascogne contre les protestants. Il fut tué dans le courant de cette année au siège de Lectoure et il dut être très regretté, à en juger par l'appréciation que Monluc a portée sur lui dans ses Mémoires...
Jean de Mont-Réal-Domezain laissa un fils, Tristant, qui épousa la fille du seigneur de Barcus nommée Claude. Ses descendants menèrent, pendant les siècles qui suivirent, l'existence de tous les gentilshommes de cette époque. Ils furent surtout militaires et leur nom est souvent cité à propos des guerres qui marquèrent les règnes de Louis XIV et de Louis XV.
Certains occupèrent des situations administratives et se rendirent utiles à leur pays comme capitaines-châtelains de Mauléon, gouverneurs du pays de Soule, grands sénéchaux de Navarre, baillis, etc... Il est probable qu'ils n'émigrèrent pas à la Révolution car ils restèrent en possession de leurs biens et le château de Beyrie leur appartenait encore en 1830.
Il fut vendu l'année suivante, à un Espagnol, M. de Zavala de Bilbao, qui le conserva jusqu'en 1899.
Acheté, en cette année, par M. Etchats, un enfant du pays déjà possesseur d'un vaste domaine qui lui est contigu, il est actuellement la propriété de son fils, M. Richard Etchats, bien connu dans le pays pour le zèle et le dévouement avec lesquels il se consacre aux questions agricoles et au reboisement.
Le château de Beyrie se compose d'un bâtiment formé de quatre corps de logis d'égales dimensions et de dispositions intérieures similaires. Il est probable, sans cependant qu'on puisse l'affirmer, qu'à l'origine, un seul d'entre eux a existé et que le premier ouvrage élevé à cet endroit a été une simple tour. Plusieurs châteaux basques, pour ne pas dire la majorité, ont commencé ainsi.
Plus tard furent construites, soit à diverses époques, soit en même temps, les trois autres parties qui, une fois achevées, lui donnèrent sa physionomie actuelle. Peut-être exista-t-il d'autres constructions qui ont disparu pour faire place à la partie contenant l'escalier, la seule à laquelle on puisse fixer une date, grâce à l'inscription suivante sculptée au-dessus de la porte d'entrée : "Claude-Catherine de Barcus dame de Domezain m'a fait 1629".
Cette modification est donc postérieure à la mort de Jean de Mont-Réal, sa femme lui ayant survécu pendant plus de vingt ans.
Depuis lors, l'édifice n'a subi que des améliorations de détail concernant les communs (cuisine, dépense, buanderie, bûcher, etc.) et qui n'intéressent pas sa partie historique. Celle-ci se présente à nous telle que l'ont connue les Mont-Réal au 17ème siècle et peut-être même, avant eux, les seigneurs de Domezain.
CHÂTEAU DE BEYRIE-SUR-JOYEUSE BASSE-NAVARRE PAYS BASQUE D'ANTAN
Dans ses trois parties les plus anciennes, ce sont de vastes pièces au plafond élevé et aux larges ouvertures, séparées par des murs de plus d'un mètre d'épaisseur, tels qu'on n'en trouve que dans les constructions du 16ème siècle ou antérieures à cette époque.
Son aspect grave et un peu solennel laisse une impression de force, de solidité et de durée ; mais il manque de ce cachet de grâce et d'élégance qu'a laissé, sur les habitations plus modernes, l'empreinte de la Renaissance. Il donne une idée exacte de ce qu'ont été les demeures de la noblesse Bas-Navarraise, il y a 300 ans.
Mais ce n'est pas le seul intérêt qu'on puisse lui trouver. Il est entouré d'un domaine de 700 hectares, c'est-à-dire qu'il a conservé de nos jours, comme domaine foncier, un caractère vraiment seigneurial. A ce point de vue le château de Beyrie se présente sous un aspect dont on trouve peu d'exemples dans le Pays Basque et dans les régions voisines."
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
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