L'AFFAIRE PORTAGO EN FÉVRIER 1938.
En février 1938, en pleine guerre civile espagnole, éclate au Pays Basque Nord "l'affaire Portago".
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Populaire, dans son édition du 11 février 1938,
sous la plume de Jean-Maurice Herrmann :
"Assassinats et enlèvements.
Tels sont les crimes que préparait sur le territoire français le marquis de Portago.
Ses trois complices confirment que c'est lui qui apporte d'Espagne les mystérieuses ampoules dont l'examen n'est pas encore terminé.
Ils sont tous inculpés d'introduction de substance vénéneuse et l'enquête continue dans la plus grande discrétion.
La Sûreté nationale observe la plus totale discrétion sur la nouvelle affaire de menées franquistes découverte à Saint-Jean-de-Luz. Mais déjà on peut remarquer que le marquis de Portago et ses complices sont inculpés non seulement de falsification de passeports, mais encore d'introduction de substances vénéneuses.
Comme le résultat des analyses des liquides contenus dans les ampoules saisies n'est pas encore connu, il faut bien penser que le juge d'instruction a trouvé dans les résultats de l'enquête de sérieux éléments d'appréciation.
On verra ci-dessous quel travail abominable devaient exécuter les deux traitres enrôlés par le marquis de Portago.
Il s'agissait d'enlever des personnalités républicaines résidant en France pour les livrer à Franco ou, plus simplement, de les empoisonner !
On en est déjà à cinq arrestations.
D'abord le fameux marquis. Drôle de sire que ce grand seigneur noceur et plus ou moins décavé. En juin, dit-on, il perdit au Casino de Biarritz tout ce qu'il avait sur lui et régla le surplus de cette folle soirée avec un chèque qu'il négligea d'approvisionner. Comme il s'agissait de plus de 200 000 francs, il eut quelques ennuis, vite arrangés.
Sa femme, richissime Anglaise, a dû finir par se séparer de lui et lui fait une pension d'une dizaine de mille francs par mois. Une misère ! Aussi M. de Portago, qui s'appelle aussi paraît-il Cabezza de Vaca (Tête de vache, sauf votre respect) a-t-il dû chercher ailleurs des sources de revenus, tout en servant son idéal chevaleresque par les procédés abjects qui sont maintenant révélés.
José Escoriaza, 38 ans, était chauffeur de taxi avant la guerre à Bilbao. Il détenait, par le canal de Jésus Martin, un des tubes suspects que Portago avait ramenés d'Espagne.
Le quatrième arrêté hier est maintenant connu. C'est un commerçant de Bilbao, lui aussi : Gregorio Arana, né le 28 novembre 1910 dans cette ville. Son arrestation eut lieu en pleine montagne, alors qu'il cherchait à fuir en Espagne.
Un cinquième individu est venu les rejoindre hier, comme on le verra ci-dessous. Il n'est pas sûr jusqu'à présent qu'il soit de la bande.
Escoriaza et Arana - comme Orendain, le complice de Troncoso - avait au début de la guerre civile milité dans les rangs républicains ou le hasard l'avait fait se trouver. On comprend maintenant quelle besogne de telles gens ont pu faire, et on s'explique certaines défaites des héroïques et malheureux miliciens basques !
Ce sont ces traîtres et ces empoisonneurs qui, pour certains Français, représentent l'esprit de la civilisation chrétienne.
M. de La Rocque, M. Léon Bailby, M. Jacques Doriot - si compétents ! - sont de cet avis.
Si penser autrement, c'est être "barbare", vive la barbarie, Messieurs !"
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De Portago est confronté avec Escoriaza le porteur du faux passeport.
Bayonne, 10 février.
M. Bannel, juge d'instruction, confronté, ce soir, le marquis de Portago et Escoriaza, sur la question du faux passeport détenu par ce dernier. Celui-ci a affirmé que cette pièce d'identité lui-fut remise par de Portago, en présence d'Arana, à la villa "Le Rêve" à Biarritz. Il s'agit d'un passeport gouvernemental espagnol, primitivement établi au nom d'un sujet français résidant en Espagne. La pièce a été légalement visée au nom du titulaire, dont le nom et la photo ont ensuite été changés.
Portago nie formellement. Il déclare ignorer qui opéra le maquillage - qu'il constate comme tout le monde - et n'avoir aucune idée de la façon dont Escoriaza a pu l'obtenir.
En ce qui concerne les ampoules saisies, le résultat de l'analyse de celle qui a été envoyée au Laboratoire de Paris n'est pas encore connu. On sait que l'autre a été adressée à' la Sûreté nationale..
Le juge a remis à demain l'examen des bagages du marquis de Portago ; les clés de ses malles ont été retrouvées dans le coffre-fort qu'il avait loué dans une banque anglaise de Biarritz ; aucune autre découverte intéressante n'a été faite dans le coffre. Portago. déclare être l'objet d'une machination ourdie, contre lui,
Martin et Arana chargent aussi le marquis.
D'autre part, Martin a affirmé qu'il avait connu Escoriaza et Arana dans un café de Bayonne, lorsqu'il apporta d'Espagne en France, sur l'ordre de Portago, les ampoules incriminées. Arana déclare qu'il fut témoin de la remise des ampoules par Portago à Escoriaza.
M. Bannel a déclaré á la presse que l'affaire qu'il instruisait n'avait aucun rapport avec les armes découvertes à Sare, il y a quelques semaines.
Le bruit a couru que Mme de Portago devait être entendue par le magistrat instructeur, mais celui-ci a déclaré qu'il n'avait aucune raison de la questionner.
MARQUISE DE PORTAGO L'OEUVRE 15 FEVRIER 1938 |
Arana a refusé l'assistance d'un avocat.
Une nouvelle arrestation.
Dans la soirée on a appris qu'une perquisition avait été opérée, par un commissaire de la Sûreté nationale dans une villa d'Anglet, près du Parc d'hiver de Biarritz, où est domicilié Neda, 41 ans, ancien chef de la police gouvernementale à Santander, réfugié en France depuis la prise de cette ville par les troupes nationalistes.
Celui-ci aurait été menacé par de Portago et ses complices.
A la suite de cette perquisition, un mandat d'amener a été décerné contre Neda pour infraction à un arrêté d'expulsion. Il sera entendu demain par le juge d'instruction. On a découvert à son domicile pour plusieurs centaines de milliers de francs de bijoux.
ARRESTATION DE NEILA FEVRIER 1938 PHOTO POLICE MAGAZINE |
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