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mercredi 22 novembre 2023

LES "COLLABORATEURS" DE PIERRE LOTI EN 1900 (première partie)

LES "COLLABORATEURS" DE PIERRE LOTI EN 1900.


Dans son oeuvre littéraire, Pierre Loti s'est inspiré de nombreux écrivains du Pays Basque.




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PIERRE LOTI ET SON CHAT
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Temps, dans son édition du 30 septembre 1900, 

sous la plume de Gaston Deschamps :



"La vie littéraire.

Les collaborateurs de Loti.



La Tradition au pays basque : Les Basques ont-ils une histoire ? par Adrien Planté, président de la Société des sciences, lettres et arts de Pau. 

Basques d'autrefois, par Alexandre Nicolaï, avocat à la cour d’appel de Bordeaux. 

Coutumes morales du pays basque, par Berdeco. 

Les coutumes successorales du pays Basque, par Louis Etcheverry

L'idée religieuse dans la famille basque, par Carmelo de Echegaray. 

La contrebande au pays basque, par Clément Hapet, membre du conseil d’arrondissement de Bayonne. 

Recherches historiques sur les corsaires de Saint-Jean-de-Luz, par E. Ducéré, sous-bibliothécaire de la ville de Bayonne. 

Les pastorales basques, par Wentworth Webster

Les mascarades souletines, par J.-D.-J. Sallaberry, notaire et conseiller d'arrondissement de Mauléon

Proverbes, sentences et dictons basques, par l'abbé Haristoy, curé de Ciboure

La musique populaire des Basques, par Charles Bordes, directeur des Chanteurs de Saint-Gervais. 

Quelques légendes poétiques du pays de Soule, par Jean de Jaurgain, publiciste à Mauléon. 

La langue basque, par Arturo Campion, ancien député de Pampelune

Antoine d’Abbadie, par Charles Petit, conseiller à la Cour de cassation, 1 vol. in-8°, Paris, Gougy, 1899 ; etc. 

Cf. Les Basques et le pays basque, par Julien Vinson, 1 vol. in-12, Paris, Cerf. 



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LIVRE LES BASQUES ET LE PAYS BASQUE
PAR JULES VINSON



Sare (Basses-Pyrénées), le 25 septembre. 



Sare, d’après les chiffres et les constatations de M. Adolphe Joanne, est une commune de 1 916 habitants, située dans le canton d’Espelette (arrondissement de Bayonne). C’est l'Etchézar de Ramuntcho



Les personnes qui ont lu le roman de Loti — et qui l’ont relu afin d’en épuiser le charme — connaissent maintenant ce village montagnard aussi bien que si elles l’avaient habité pendant dix ans. 



On y va, au sortir d’Ascain, par une jolie route, qui s’élève, d’étage en étage, au flanc des collines, à travers un pays merveilleusement vert. Les montagnes, en isolant par des clôtures naturelles les troupeaux d’hommes qui se sont répartis, au gré de leurs intérêts ou de leurs caprices, sur la surface de la terre, ont un singulier pouvoir de distinction et de séparation. Autant les populations des plaines sont uniformes et monotones, autant les riverains des torrents alpestres ou des gaves pyrénéens diffèrent les uns des autres. A l’abri des remparts rocheux, des blocs de pierre et des talus gazonnés qui ferment l’horizon, une tradition vénérable maintient le prestige des anciennes mœurs, du vieux langage et des costumes surannés. Les historiens nous ont expliqué le particularisme municipal des anciens Grecs, en nous montrant, du haut des acropoles helléniques, les petites vallées où s’exprima, en créations originales, la diversité harmonieuse de l'Hellade. Il n’est pas besoin d’être grand clerc en orographie pour comprendre que le particularisme pittoresque des Basques provient du dessin, très varié, de la contrée où ils ont bâti leurs maisons. Un coup d’œil, jeté du haut de la Rhune sur les cantons de Saint-Jean-de-Luz, d’Espelette, d’Ustaritz et d’Hasparren, suffit à nous faire voir que beaucoup de préfets et de sous-préfets passeront avant que la centralisation administrative ait aplani toutes les irrégularités du sol ou nivelé toutes les aspérités du caractère local. Si les Basques ont perdu les fueros qui jadis consacraient l’indépendance de leurs sept provinces, — si même leur costume national se réduit, de plus en plus, au simple port du béret, ils n’en ont pas moins gardé, au fond de l’âme, le culte des ancêtres, l’habitude du geste héréditaire. Divisés en clans par la multiplicité de leurs vallées, ils sont presque séparés du reste des humains par une langue à part, inintelligible, inaccessible à tous ceux qui ne font point partie de la communauté euskarienne. 



Je ne sais si Loti a eu le loisir d’apprendre le basque. C’est très difficile. D’autant plus que l’idiome de Ramuntcho se divise en plusieurs dialectes. Les philologues basquisants distinguent : l° le labourdin ; 2° le souletin ; 3° le bas-navarrais oriental ; 4° le bas-navarrais occidental ; 5° le haut-navarrais septentrional ; 6° le haut-navarrais méridional ; 7° le guipuzcoan ; 8° le biscayen. C’est décourageant... 



En tout cas, Loti s'est initié, d’une façon très soigneuse, aux croyances, aux souvenirs, aux espoirs, aux préjugés qui composent l'originalité de l’âme basque. 



Il nous a indiqué lui-même, en une dédicace très significative, les origines et, pour ainsi dire, les sources de son initiation. La dédicace de Ramuntcho est ainsi conçue : 


A Madame V. d’Abdadie 

qui commença de m’initier au pays basque 

en l’automne de 189l 

Hommage d’affectueux respect 

Pierre Loti


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VIRGINIE D'ABBADIE
Virginie d'Abbadie, détail de photographie - Crédit : Archives d'Abbadia/Académie des sciences


Ascain (Basses-Pyrénées). Novembre 1896. 


Tout le monde connaît, aux alentours d’Hendaye, le beau château d'Abbadia. C’est un monument de piété filiale, élevé par un provincial à sa province. Je doute que jamais personne ait été plus Basque — du moins par le sentiment — que le châtelain de ce manoir, le vénérable M. d’Abbadie, membre de l’Académie des sciences. 




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CHÂTEAU D'ABBADIA HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN



La destinée, qui se moque de nos sympathies et de nos préférences, semblait avoir tout disposé pour éloigner M. d’Abbadie du pays de Ramuntcho. Né à Dublin le 10 janvier 1810, ce géographe remuant et militant vint en Biscaye par le chemin des écoliers. Son premier voyage fut une tournée d'exploration au Brésil, où Arago, son maître, l’avait envoyé afin d’entreprendre, dans ces parages, certaines études relatives au magnétisme terrestre. En 1837, il partit pour Alexandrie d’Egypte. De là, il se rendit en Abyssinie. Là-bas, il chemina pendant longtemps, vêtu à la mode des Abyssins, coiffé d’un turban, les pieds nus, parce que, selon la coutume d’Abyssinie, les sandales sont réservées aux rustres et aux lépreux. Il évitait de s’emporter et de mettre ses mains derrière son dos, de peur d’être considéré comme un fou. Il se conciliait la faveur des indigènes en leur faisant des cadeaux dont il exagérait volontairement l’importance. Cette méthode lui frayait des routes faciles. Car un proverbe abyssin dit qu’on avance mieux avec les mains qu'avec les pieds. Bref, M. d’Abbadie, après onze années d’exploration en Ethiopie, obtint, de notre Société de géographie, une grande médaille d’or. Le négus d’Abyssinie lui confia des armées à commander dans de nombreux combats. Il fut l’ami de Ménélik, auquel il offrit, à l’occasion des défaites de M. Crispi, un télescope en aluminium. 



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ANTOINE D'ABBADIE D'ARRAST EN ETHIOPIE



On doit à M. d’Abbadie, qui n’était pas vantard, une belle collection de découvertes géographiques, dont Stanley profita bruyamment. A peine revenu d’Abyssinie, le goût des voyages le reprit. Il s’en alla en Norvège pour voir une éclipse de soleil. C’est lui qui fut chargé, en l’an 1882, d’observer, au nom de l’Académie des sciences, le passage de Vénus sur le soleil. 



La même compagnie le délégua aux fêtes du quatrième centenaire de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. 



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CHRISTOPHE COLOMB


Cette vie errante attestait, chez M. d’Abbadie, la persistance de cet esprit d’aventure qui avait entraîné vers la haute mer les marins de Biarritz et de Saint-Jean-de-Luz et qui, dit-on, avait tourné la proue de leurs gabarres, par-delà l’horizon du golfe de Gascogne, jusqu’aux rivages du nouveau monde, avant que l’illustre navigateur de Gênes, eût mené, à travers l’Océan, sa flottille de caravelles. 



L’explorateur de l’Abyssinie appartenait à la race basque par sa lignée paternelle. Il s’était lié, dès sa jeunesse, avec un de ses compatriotes, Augustin Chaho, qui s’était fait connaître des géographes par la relation d’un Voyage en Navarre. Dès l’année 1836, M. d’Abbadie, aidé par Chaho, publia un recueil d'Etudes grammaticales sur la langue basque, dédiées, en dialecte souletin, "aux Basques des sept provinces". Je transcris le texte de cette dédicace, afin d’offrir au lecteur un échantillon du langage euskarien : Zaspi Uskal herrietako Uskalduner. Comme on le voit, cela ne ressemble à rien. Et M. d’Abbadie pouvait écrire, dans une préface enthousiaste, cette déclaration très fière : "On dirait que toutes les langues humaines sont confondues et mêlées les unes avec les autres, tandis que l’eskuara conserve encore son originalité et sa pureté primitives."



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AUGUSTIN CHAHO
PAYS BASQUE D'ANTAN


J’imagine que l’hospitalité, intelligente et cordiale, du château d’Abbadie fut, pour Loti, l’occasion d’étudier un musée d’ethnographie où le maître de la maison était lui-même une relique vivante. Toujours levé de grand matin, à la guise montagnarde, M. d’Abbadie, coiffé d’un béret blanc, chaussé d’alpargates, allait, venait, courait comme un jeune homme. L’âge n’avait pas engourdi ses jarrets intrépides. Son plus récent biographe, M. Charles Petit, conseiller à la Cour de cassation, nous rapporte qu’"on l’a vu traverser à la nage le vaste espace qui, devant Saint-Jean-de-Luz, sépare Sainte-Barbe de Socoa". 



Pelotari, aussi passionné que Ramuntcho, M. d’Abbadie n’avait pas besoin, pour renvoyer la balle, du gant d’osier appelé "chistera". La paume de sa main nue lui suffisait. Il aimait à jouer au blaid, sorte de "balle au mur", où triomphent, à présent, les pelotaris célèbres, le petit Arroué, Chiquito, le grand Ayestaran. Mais il affirmait que le blaid n’est rien auprès du rebot. Le rebot, voilà le jeu national, le jeu essentiellement basque ! M. d’Abbadie et ses amis parlaient, sur un ton lyrique, d’une fameuse partie de rebot qu’ont vue, le 9 août 1846, les habitants d’Irun. Quel spectacle inoubliable ! Les Basques espagnols avaient lancé un défi aux Basques français. Ce défi fut relevé de belle façon. Le chef des Français était ce fameux Gascoïna, dont les anciens racontent encore les exploits, à la veillée. Voici comment M. le conseiller Petit rapporte les détails mémorables de ce combat, et les stratagèmes de Gascoïna : 


Les estrades entourant la place étaient garnies de milliers de curieux ; les paris, de minutes en minutes, se multipliaient, plus formidables selon les péripéties de la lutte ; un instant, la balance sembla fortement pencher du côté des Espagnols ; mais aussitôt, changeant de tactique, ôtant ses espargates pour marcher pieds nus, Gascoïna, le chef du camp français, donna à voix basse des instructions à ses partenaires, puis, remplaçant les coups à effet par les coups habilement calculés, il s’étudia et parvint avec une adresse inouïe à placer la balle de manière qu’elle ne put être renvoyée par le camp adverse. La partie s'acheva au milieu de l’émotion générale, énergiquement disputée jusqu’au bout, et lorsque, grâce à Gascoïna, la victoire des Basques français fut proclamée, ce fut l’explosion d’un véritable délire. N’avait-on pas, en effet, assisté à un tournoi véritablement héroïque où, de part et d’autre, toutes les ressources de la force, du coup d’œil, de l'agilité, de l’adresse, avaient été merveilleusement déployées ? L’histoire vante avec raison la gloire des généraux qui se sont illustrés sur les champs de bataille, nos bardes, de leur côté, chantent les exploits de Perkain et des Gascoïna et en transmettent le mémorable souvenir à nos descendants. 


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PERKAIN LES ALDUDES - ALDUDE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Loti n’a pas oublié les leçons de M. d’Abbadie. Lui aussi, il a célébré le rebot en des pages qui ont dû particulièrement plaire à M. le conseiller Petit. Voici comment il décrit une partie de pelote à Etchézar (lisez : Sare) : 


Ici, c’est un peu le centre et comme le conservatoire des joueurs français, de ceux qui deviennent célèbres, tant aux Pyrénées qu’aux Amériques, et que, dans les grandes parties internationales, on oppose aux champions d'Espagne. Aussi la place est-elle particulièrement belle et pompeuse, surprenante en un village si perdu. Elle est dallée de larges pierres, entre lesquelles des herbes poussent, accusant sa vétusté et lui donnant un air d'abandon. Des deux côtés, s'étendent pour les spectateurs, de longs gradins — qui sont en granit rougeâtre de la montagne voisine, et en ce moment tout fleuris de scabieuses d’automne. — Et au fond, le vieux mur monumental se dresse, contre lequel les pelotes viendront frapper ; il a un fronton arrondi qui semble une silhouette de dôme, et porte cette inscription à demi effacée par le temps : "Blaïdka haritzea debakatua". (Il est défendu de jouer au blaid.) 



C’est au blaid cependant que va se faire la partie du jour ; mais l’inscription vénérable remonte au temps de la splendeur du jeu national, dégénéré à présent comme dégénèrent toutes choses ; elle avait été mise là pour conserver la tradition du rebot, un jeu plus difficile, exigeant plus d’agilité et de force, et qui ne s’est guère perpétué que dans la province espagnole du Guipuzcoa."



A suivre...




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