Libellés

mercredi 1 novembre 2023

LA CHASSE AUX SORCIÈRES AU PAYS BASQUE EN 1609 (deuxième partie)

LES SORCIÈRES AU PAYS BASQUE EN 1609.


En 1609, des centaines de personnes, en grande partie des femmes, sont accusées de sorcellerie au Pays Basque.



pays basque autrefois sorcières sorciers sabbat de lancre
SORCIERES AU SABBAT
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Mémorial Bordelais, le 7 septembre 1852, sous la 

plume d'E. Ducom :



"Sorciers et magiciens.

La chasse aux sorciers

1609. 

§ II.



"Enfin les gens de ce pays ne sont pas nourris en la crainte de Dieu. Les prêtres y sont sorciers et suppôts de Satan ; au lieu de dire la messe pendant le jour dans de vraies églises, ils la disent la nuit. 



Mais pour en revenir aux femmes et à ce qui les rend sorcières, il faut dire que, parmi les femmes et les filles du commun, aucunes sont tondues sauf les extrémités, qui sont à long poil ; d'autres, un peu plus relevées, sont à tout leur poil, couvrant à demi les joues et accompagnent les yeux de quelque façon, qu'elles sont beaucoup plus belles en cette naïveté et ont plus d'attraits que si on les voyait à champ ouvert. Elles sont dans cette belle chevelure, tellement à leur avantage, et si fortement armées, que le soleil, jetant ses rayons sur cette touffe de cheveux, comme dans une nuée, l'éclat en est aussi violent et forme d’aussi brillants éclairs qu'il fait dans le ciel, lorsqu'on voit naître l'iris ; d'où vient leur fascination des yeux aussi dangereuse en amour qu'en sortilège. 



Enfin, c'est un pays de pommes ; ne mangent jamais que pommes, ne boivent jamais que jus de pommes, qui est occasion qu’elles mordent si volontiers à cette pomme de transgression, qui fit outrepasser les commandements de Dieu et franchir la prohibition à notre premier père.



Bien qu'elles elles fréquentent jour ct nuit les cimetières, qu’elles couvrent et entourent leurs tombeaux de croix et d'herbes de senteur, ne voulant pas même que l'odeur du corps de leur mari leur saute au nez, c'est une piperie, car telle pleure ou fait semblant de pleurer son mari à chaudes larmes, mort depuis vingt ans, qui ne jeta pas une larme au premier jour de ses funérailles ; elles sont là assises ou accroupies, et non à genoux, caquetant el devisant le plus souvent de ce qu'elles ont vu la nuit précédente et du plaisir qu'elles ont pris au sabbat.



L'âpreté et hauteur de ces montagnes, l’obscurité des antres qui s'y rencontrent, les cavernes, grottes, chambres d’amour qui se trouvent le long de cette côte de mer, ce mélange de grandes filles et de jeunes pêcheurs, qu’on voit à la côte en mantilles et tout nus au-dessous, se pestemeslant dans les ondes, fait que l’amour les lient à l'attache, les prend par le filet et les convie à pêcher en eau trouble.



Et voilà précisément pourquoi toutes les femmes du pays de Labour étaient sorcières.



pays basque autrefois sorcières sabbat
LIVRE PIERRE DE LANCRE


§ III. Comment de Lancre apprit tout ce qui se passait au sabbat.



Aussitôt que les commissaires furent arrivés au pays de Labour, ils se mirent à l'œuvre et commencèrent à pourchasser les sorciers ; ils parcoururent successivement toutes les villes ct toutes les paroisses du pays. lis se transportèrent à St-Jean-de-Luz, à St-Pé, à Cambo, à Biarritz, à Siboro, à Andaie, à Urrugne, et dans cette tournée ils acquirent la conviction que le pays était plus gangrené encore qu'ils ne l'avaient cru. Les sabbats étaient en permanence dans les montagnes et sur les plages. Tous les enfants étaient voués à Satan par leurs mères, toutes les femmes goûtaient les joies défendues de l’enfer, et, chose horrible à dire, presque tous les prêtres avaient été séduits par certaines femmes appelées Benedictes, ou marguillères dont nous reparlerons plus tard. 



Pour arriver à la découverte de la vérité, de Lancre, qui parait avoir été chargé de l’instruction, s’adressa à ces jeunes filles qui avaient fréquenté le sabbat, et leur promit la vie sauve si elles voulaient dire la vérité. Celles-ci ne se firent pas prier ; elles racontèrent tout ce quelles savaient, ne reculant devant aucun détail, même les plus scabreux, et de Lancre, grâce à ces révélations, connut tout ce qui se passait dans les Sabbats, et fut en position de combattre efficacement l'ennemi du genre humain. 



Jeanne d'Abadie de Siboro, âgée de seize ans ; Marguerite de Saint-Pé, âgée de dix-sept ans ; Marie d'Aguera, âgée de dix-sept ans ; Catherine de Naguelle d'Ustariz, âgée de onze ans, furent celles qui firent les révélations les plus importantes, et ce fut sur leurs dépositions que de Lancre ne craignit pas d’envoyer un grand nombre de femmes et plusieurs prêtres au bûcher.



Voici ce qu’elles racontèrent au sujet du sabbat : 


Le sabbat est la réunion des sorciers sous la présidence du diable. 


On a cru pendant longtemps que les sorciers ne se réunissaient que la nuit. C'est une erreur, le sabbat a quelquefois lieu en plein midi. C'est alors le dœmonium meridianum qui le préside. C’est aussi un préjugé de croire que Satan choisit le lundi pour faire le sabbat. Satan n'a pas de jour fixe ; il rassemble ses ouailles à l'heure et au jour qui lui conviennent.



Il prend de préférence pour lieux de rendez-vous les vieux châteaux, les vieilles maisons, les chapelles isolées au milieu des landes ; aime aussi à tenir ses assemblées sur les places des églises, et par bravade et forfanterie, il place son trône en face du saint-sacrement.



Dans le pays de Labour, il donne souvent rendez-vous aux siens dans une grande lande qui s'appelle Lande de bouc ; quelquefois aussi dans un lieu désert sur la côte d'Andaie, et c'est en cet endroit que se tiennent les assemblées générales des sorciers de tous les pays. Il en vient même du Japon, et lorsque tous ces sorciers sont réunis, dit un témoin, ils sont plus nombreux que les étoiles du ciel. Souvent aussi Satan transporte ses fidèles dans les pays les plus éloignés, et tient ses séances sur les bancs de Terre-Neuve. 



Il n'apparaît pas toujours sous la même forme, et les témoins en donnent divers signalements. Tantôt il apparaît sous la forme d'un grand homme, vêtu ténébreusement, avec un visage rouge et flamboyant comme un fer sortant d'une fournaise ; tantôt sous la forme d'un lévrier noir, d'un bœuf couchés, et le plus souvent sous celle d'un bouc, emblème de la luxure. 



Qu'il soit revêtu de l’apparence d’un homme ou de celle d’un bouc, il n'en a pas moins trois cornes, et la troisième, qui se trouve au milieu, est lumineuse. Il a deux visages, comme Janus : le premier se trouve au-devant de la tête, comme celui des hommes ; le second se trouve derrière et beaucoup plus bas que le premier. Ce second visage joue un grand rôle dans le sabbat et reçoit tous les hommages des sorciers et des sorcières. 



pays basque autrefois sorcières sabbat
LIVRE DE PIERRE DE LANCRE


Satan siège d’ordinaire sur un trône magnifique, ayant à sa droite celle qu'on appelle la reine du sabbat ; c’est en général la plus belle de celles qui ont vendu leur âme au diable. Une fille nommée Detsaïl — toute jeune encore et d'une grande beauté, — avait été investie de cette dignité. Elle paya cher l’hommage que le diable avait rendu à ses charmes. De Lancre la fit brûler.



L’objet principal du sabbat semble être la violation du commandement de Dieu, dans lequel est contenue cette défense : Ne mœchaberis. La forme de bouc que prend Satan pour présider ces assemblées, indique suffisamment la nature des désordres qui s’y passent.



On y danse aussi et on y fabrique des poisons et des poudres magiques. Sur l'ordre du conseiller, qui voulait se faire une idée exacte des danses diaboliques, les jeunes filles et les jeunes garçons qui prétendaient y avoir pris part lui en donnèrent plusieurs représentations.



Après l'avoir suffisamment étudiée, de Lancre déclare que cette danse avait du rapport avec la chicona ou sarrabande, danse lubrique et effrontée, récemment importée d'Espagne en France.



C'est une sorte de ronde ou de rondeau, pour nous servir d'une expression du pays. Les danseurs forment un cercle et ont la face tournée en dehors. Ils prennent cette précaution afin qu’ils ne puissent pas plus tard se reconnaître et se dénoncer mutuellement à la justice.



Les sorciers et les sorcières dépouillent en général leurs vêtements ; cependant, quelquefois ils gardent leur chemise, au bas de laquelle ils attachent un chat par la queue, et ainsi accoutrés, ils dansent jusqu'à perdre haleine. 



Chose étrange ! dans ce bal, les boiteux, les estropiés, les femmes décrépites sautent plus haut que les autres. Les danseurs plongés dans une sorte d'ivresse, poussent, tant que dure le bal, des exclamations entremêlées de blasphèmes. Ils interpellent le diable, leur maître, et on les entend crier : "Har, har, diable, diable, saute ici, saule là, joue ici, joue là, sabbat ! sabbat !..."



pays basque autrefois sorciere sabbat
SABBAT
PAYS BASQUE D'ANTAN


Quelquefois le diable intervient et les excite à sauter. On voit alors des sorcières faire des bonds prodigieux. Elles s’enlèvent jusqu’au sommet des plus hautes montagnes et presque jusqu’à la lune. 



On distingue facilement les endroits où Satan a donné son bal : l'herbe foulée au sabbat ne repousse jamais.



L'orchestre se compose de flûtes, de violons, de tambourins et d'instruments inconnus d’une ineffable harmonie : mais le plus souvent le diable n'a pas besoin de faire venir de musiciens étrangers ; les musiciens du pays font le service, et un joueur de tambourin, désigné sous le nom du petit aveugle de Siboro, était bien connu dans le Labour pour n'avoir jamais manqué de faire sa partie parmi l'orchestre infernal.



Après la danse, la principale occupation des sorcières au sabbat est de fabriquer du poison.



Grâce aux révélations des jeunes filles que nous avons nommées, de Lancre connut bientôt la recette de toutes les poudres et de toutes les drogues employées par les sorcières.



Le poison se fait en mettant dans une chaudière des crapauds , des langues de vaches, des œufs couvés et pourris, la cervelle d’un enfant, des serpents et l'écorce et la graine du souhandourra (sanguin). C'est des branches de cet arbre maudit qu’on se sert pour fouetter les parricides.



Les sorcières gardent ce poison à l’état liquide, et alors il a l’aspect d'une peau épaisse et verdâtre. Son effet est terrible : elles s’en frottent les mains, et n’eussent-elles touché que les habits de celui qu'elles veulent tuer, il est désormais condamné à une mort lente, affreuse, inévitable, et si elles-mêmes ne prennent pas soin de se laver les mains, elles meurent aussitôt.



Quelquefois, elles font de ce poison une poudre dont elles se servent pour maléficier les boissons. En jetant cette poudre , elles disent : "Ceci pour les blés, ceci pour les pommes ; reste peu pour le pressoir ; vous viendrez en fleurs et non en grains."



On a remarqué que cette poudre n’avait aucune influence sur les ognons.



On fabrique aussi une poudre appelée poudre de taciturnité, qui se fait avec du millet noir et du foie d’enfant non baptisé. Cette poudre est à l'usage des sorciers eux-mêmes ; ceux qui en prennent se mettent dans l'impuissance de rien révéler de ce qui s’est passé au sabbat.


pays basque autrefois sorciere sabbat
SABBAT
PAYS BASQUE D'ANTAN

Après le repas et la danse on mange. Les sorciers et les sorcières se repaissent d'enfants égorgés, de galettes de millet noir, de foie et de coeur de cadavres exhumés. Ce qui distingue les repas servis par Satan, c'est qu'il n'y a jamais de sel. A ce sujet, de Lancre, qui a toujours le mot pour rire, même en condamnant les pauvres gens à mort, fait un calembour approximatif : "C'est avec raison, dit-il, qu'on a prétendu que Satan tirait tous les vivres qu'il étale de Salamanque, parce qu'à tous le sel y manque."



Le sabbat se terminait généralement par une parodie de la messe.  Souvent Satan l'a dit lui-même : il arrive plus souvent encore qu’il l'a fait dire par des prêtres apostats qui ont renié Dieu. Celui qui dit cette messe tourne le dos à l’autel, commet mille abominations sacrilèges, et se sert d'un calice noir et d’une hostie noire de forme triangulaire.



Pendant la messe on fait la quête. Il faut que l’offrande soit au moins d'un quadrille d’Aragon, qui vaut cinq liards ; Satan annonce tout haut et fait savoir que cet argent doit être employé aux procès que les sorciers ont contre ceux qui les poursuivent.



A ce propos, il faut bien remarquer que le droit d’aller au sabbat n'est pas gratuit : les sorciers sont tenus de payer une redevance en argent ou en nature. Mais Satan s’accommode à la pauvreté des personnes ; il se contente souvent de deux sous ou d’une petite mesure de blé.



Pendant que les filles nubiles, les femmes et les hommes se livrent à toutes les abominations du sabbat, les enfants se tiennent à l’écart et, armés de baguettes blanches, vont le long des ruisseaux faire paître le bétail du diable, c'est-a-dire les crapauds.



Les crapauds jouent un grand rôle au sabbat ; on commence par les baptiser : "Lesquels crapauds, dit de Lancre, étaient parfois habillés de velours roux et parfois de velours noir, une sonnette au cou et une autre au pied, avec un parrain qui tenait la tète dudit crapaud. Elle (la révélatrice, Jeanne d'Abadie) ne sut nommer le parrain, mais bien la marraine, qui est la fille de la dame Martibelserena, laquelle dame elle a vue danser au sabbat avec quatre crapauds, l'un vêtu de velours noir avec des sonnettes au pied, et les autres trois sans être vêtus ; lesquels portaient, savoir : le vêtu, sur l'épaule gauche, l'autre sur la droite, et les deux autres à chaque poing comme un oiseau." On fait manger aux crapauds de l’hostie consacrée.



pays basque autrefois sorciere sabbat
SABBAT
PAYS BASQUE D'ANTAN


Ce ne sont pas seulement les manants et les vilains qui vont au sabbat, ils s'y trouvent aussi beaucoup de gentilshommes et de nobles dames ; mais, afin de pas être reconnus, ils ont obtenu de Satan la permission de mettre des masques.



Le sabbat finit accidentellement lorsqu’un des assistants prononce le nom de Jésus ; il finit régulièrement au premier chant du coq.


Déjà le héraut du jour chante, 

La sentinelle de la nuit, 

Au chant duquel s’évanouit 

Le bal de la troupe méchante, 


pays basque autrefois sorciere sabbat
SABBAT
PAYS BASQUE D'ANTAN

Tels furent les documents recueillis par notre conseiller. Il se fût considéré comme hérétique et condamné lui-même s’il eût douté un seul instant de toutes ces absurdités que lui avaient racontées des enfants menacés de mort. En conséquence, il se mit en mesure de punir, avec la dernière rigueur les sorciers et les sorcières qui s’étaient livrés à ces sacrilèges abominations."

(Droit, journal des tribunaux.)



A suivre...




Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 5 300 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire