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mardi 7 novembre 2023

LES JARDINS DE CAMBO EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1911

LES JARDINS DE CAMBO-LES-BAINS EN 1911.


Edmond Rostand a conçu la villa Arnaga, à Cambo-les-Bains, dans tous ses détails intérieurs et extérieurs. Elle a été construite en 3 ans entre 1903 et 1906, avec l'aide de l'architecte Albert Tournaire.



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ALLEE DES CHÊNES CAMBO-LES-BAINS 1911
PAYS BASQUE D'ANTAN




Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Les Annales Politiques et Littéraires, le 14 mai 1911, 

sous la plume de Paul Faure :



"Les jardins de Cambo.



Cambo, que les Rostand habitent toute l'année, se réveilla, en 1729, pour la visite que lui fit Marie-Anne de Neubourg. La princesse partie, le sommeil retomba sur ce village qu'enveloppent de hauts arbres et qu'attriste un parc aux allées usées ; ce sommeil devait durer cent soixante et onze ans. Le village eut un second réveil quand, un soir d'octobre de 1900, s'arrêta, devant la villa Etchégorria, le landau qui portait celui dont le nom venait d'être ensoleillé par la gloire. Quelques jours après, comme je passais devant Etchégorria, la porte s'ouvrit. Rostand descendit l'escalier d'un perron, fit les cent pas ; il avait des gants blancs, une fourrure et une canne en bois clair. Son élégance, son monocle, une certaine façon de cligner les yeux, lui donnaient un air hautain et railleur. On le sentait distant, inabordable. Il s'arrêta pour regarder le jardin que l'automne défaisait lentement, puis disparut.



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MAISON ETCHEGORRIA CAMBO-LES-BAINS
PAYS BASQUE D'ANTAN



J'habitais alors chez des Basques avec mon ami Louis de Robert, qui, épuisé par une sensibilité toujours à vif et par un excès de travail, était venu se réfugier dans la paix profonde de Cambo. Il ne sortait pas ; et le soir, quand je rentrai, je lui dis mon impression : ce poète qui nous remplissait d'enthousiasme avait une attitude qui le faisait lointain ; évidemment, la gloire l'avait isolé ; il nous faudrait renoncer à notre désir de lui exprimer notre admiration. Or, le lendemain, l'espèce de pâtre qui nous servait de domestique vint annoncer à mon ami que "quelqu'un l'attendait en bas". Je descendis le premier, et je crus mal voir, quand j'aperçus, debout, pianotant contre la vitre, celui qui, la veille, m'avait semblé inaccessible. Eternelle précipitation de notre esprit à juger les autres sur une allure fugitive ! Rostand, ayant su qu'un écrivain se reposait sous le toit d'une maison voisine, était venu le voir, bien qu'il ne le connût que de nom ; il revint le lendemain, le surlendemain, et chaque matin de l'automne et de l'hiver. Rien, en ce poète chargé de célébrité, ne sentait le sceptre et la couronne. On eût dit qu'en entrant, il se débarrassait des rayons de la gloire ; il ne gardait que ceux que mettait constamment autour de sa parole et de son regard son admirable intelligence.



Qui n'a entendu dire cent fois, et surtout à Paris :


— Comment Rostand peut-il se résoudre à vivre là-bas, dans ce village perdu !



Exclamation significative. Elle prouve, chez ceux qui la poussent, une intelligence qui a besoin, pour donner des étincelles, d'être constamment battue, battue et frottée à l'aide des salons, des spectacles, des potins, de toutes les petites électricités dont est chargée l'atmosphère des villes. Rostand peut vivre dans ce village perdu.



Et qu'on ne croie pas, comme je l'ai lu souvent, qu'il est un amateur des amusements de la campagne, des jeux de la chasse. Rien de tout cela. Il va et vient sur sa colline d'Arnaga, qu'il a bordée de massifs et de parterres ; sa vie est une promenade dans un jardin. Il est vrai, et c'est là sa chance, qu'il trouve chez lui le milieu qui convient à l'éclosion de sa pensée. Personne des siens n'a la disgrâce d'être quelconque. Son fils aîné a des mouvements de langage, qui manifestent le lyrisme et l'abondance ; et le voilà déjà donnant l'essor aux poèmes que lui a dictés, dans des éclairs, sa verve de dix-huit ans. Son frère, plus jeune, Jean, se promène si aisément à travers les plus difficiles chemins de la science qu'il peut causer avec n'importe quel savant. Et puis, il y a celle qui est la lumière de cette maison, l'étoile de cette vie, la serre de ce cerveau. De quelles auréoles ceindre Mme Edmond Rostand, quels mots effeuiller à ses pieds !... Ainsi, Rostand, allant habiter la province, n'eut pas à craindre les atteintes de la nostalgie de Paris ; il s'enveloppa de plus de prestige, en se dérobant tout à coup aux yeux de ses enthousiastes, et en choisissant, comme socle à sa demeure, l'éperon d'une colline dressée au seuil des Pyrénées lointaines.


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MAISON ARNAGA CAMBO-LES-BAINS
PAYS BASQUE D'ANTAN


Cette colline, qui était, il n'y a pas longtemps encore, un sommet aride, il l'a couverte de jardins, qui lui font comme un revêtement de tapis précieux. Arnaga est le poème de pierres et de fleurs qu'il composa patiemment, le tableau émouvant qu'il donna au cadre sublime de la montagne ; jardins aux portes fermées, les pèlerins venus à Cambo ne les voient pas, mais ils les devinent, aux parfums que les massifs passent par-dessus les clôtures. Cependant, un soir, Rostand voulut les montrer à Loti, qu'il alla chercher dans sa maison de la Bidassoa. Celui qui vit le Gange et le Bosphore, les forêts de l'Inde et de Tahiti, les grèves du Nil et les plages de toutes les mers, les chrysanthèmes du Japon et les asphodèles du Maroc, celui dont les yeux sont rassasiés de beauté, eut des gestes d'émerveillement, quand de verts feux de Bengale colorèrent les ténèbres et révélèrent le profond jardin où apparurent, furtivement, de doux escaliers, des arceaux blancs, reliés par des chaînes, qui, perpétuellement balancées, donnent aux roses qui les enrubannent un air de voltiger, des bancs enclos dans des murailles végétales, des vases offrant au ciel leurs hauts bouquets dont les fleurs retombent en ferme de ruissellement, des cyprès effilés, des gazons d'où jaillissent d'étranges rosiers, pareils à de rouges fontaines, une pergola aux piliers enfoncés dans des lis et aux poutres étreintes par des sarments de vigne, un bassin au lit de mosaïques, écrin où dort une eau tachée de nénuphars. Loti regardait, s'efforçait de saisir tous les détails, à mesure que l'imagination les dévêtait de l'ombre ; mais les feux de Bengale rétrécirent leurs flammes, ne furent bientôt plus que des lueurs de vers luisants et ces choses se dissipèrent.



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JARDINS D'ARNAGA CAMBO-LES-BAINS
PAYS BASQUE D'ANTAN



Ainsi apparut, un soir, un paysage qui pouvait être de Florence ou de Corfou, et qui était un jardin que cisela Rostand, dans la terre du pays basque."





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