UNE EXPOSITION DU PEINTRE LUZIEN GABRIEL DELUC À SAINT-JEAN-DE-LUZ EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN AOÛT 1934
UNE EXPOSITION DU PEINTRE LUZIEN GABRIEL DELUC EN 1934.
Gabriel Deluc, né le 1er octobre 1883 à Saint-Jean-de-Luz (Basses-Pyrénées) et mort au combat le 15 septembre 1916 à Souain-Perthes-lès-Hurtus (Marne), est un peintre français.
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PEINTRE GABRIEL DELUC |
Elève de Léon Bonnat, il fit une carrière trop brève marquée par sa participation à de nombreuses expositions en France et à l'étranger.
Il est considéré comme le membre le plus jeune de l'Ecole de Bayonne.
Très attaché à son pays natal, il est l'un des créateurs de la "peinture basque" du 20ème siècle.
Voici ce que rapporta à son sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, le 3 août
1934 :
"L’EXPOSITION GABRIEL DELUC
Ainsi que nous l’annoncions hier, nous donnons ci-après le texte du dis cours prononcé par M. Pierre Labrouche au vernissage de la rétrospective organisée par la Société de la Maison du Souvenir au Musée Ducontenia.
Monsieur le Maire,
Mesdames,
Messieurs,
Qu’il me soit permis, au nom de la famille de Gabriel Deluc, de ses con citoyens, de l’assistance et des artistes qui ont bien voulu se réunir ici au jourd’hui, de remercier Monsieur le Maire de Saint-Jean-de-Luz d’honorer de sa présence cette réunion, ainsi que des paroles si justement élogieuses qu’il a bien voulu prononcer à l’occa sion de cette inauguration.
Il nous sera permis également, avant de commencer, de faire, tout d’abord, notre remerciement a ceux qui, parmi nous ont pris l’initiative d une rétrospective du peintre luzien Gabriel Deluc et d’en organiser l’Ex position. En effet, l’hommage que vien nent lui rendre aujourd’hui les per sonnes réunies dans cette salle,était dû à un artiste de sa haute valeur. Il était dû aussi à un homme doué d'un cœur si noble, et dont la fin héroïque, pen dant la guerre, ne saurait être oubliée de tous ceux qui l'ont connu.
C’est une pensée très touchante qui nous réunit au milieu d'une partie de ses œuvres, rassemblées dans ce musée Ducontenia, pensée d’autant plus tou chante que, parfois — et nous en avons eu l’exemple il y a quelques années, pas très loin d'ici — dans la petite patrie qu’est notre province, l’oubli se fait, hélas! bien vite sur des artistes éminents.
Je ne puis songer, sans mélancolie, que manquer à ce devoir, est presque manquer à un devoir sacré, car .'es artistes sont l’honneur de leur terre natale; ils devraient demeurer, par le souvenir de leurs œuvres, comme les signes vivants, les points lumineux, pour ainsi dire, des traditions de leur pays d’origine.
Gabriel Deluc est né à St-Jean-deLuz. De bonne heure, sa vocation de peintre s'éveille. A Bayonne, dans l’atelier de Philippe Jolyet, il com mence ses études. Très vite, il part pour Paris, où ses dons heureux, ses progrès rapides le font admettre à l’Ecole des Beaux-Arts; il rentre dans l’atelier de Léon Bonnat. L'année sui vante, il y est définitivement reçu avec le numéro 1. En 1906, il expose au Salon son premier tableau ; « Intimi té », qui obtient une mention hono rable et un prix de l’Etat. Puis, en suite ; « Le Chevrier », panneau déco ratif dont il fit don à la ville de SaintJean-de-Luz ; en 1910, « La Danse » et « Le Lac », qui figurent au musée de Bayonne ; « La Bacchanale », panneau décoratif, commandé par >e Syndicat national des négociants en vins a Paris, composition très heureu sement équilibrée, délicieuse de cou leur. Un Silène, dont la jovialité est tout à l’honneur des négociants en vino de cette époque, soutenu par des nym phes, s'avance, chevauchant un quadrupéde aux longues oreilles. A droite, d'une forêt d’ombre, sort le cortège Un beau lac ferme le fond, où se re flète une blanche ville mythologique — Plus tard : « Jeunesse », tableau ac quis par l'Etat.
Entre temps, une exposition de ses toiles à la Galerie Dcwambcz, à Paris, remporte un succès très vif. La cri tique, la presse, la signalent alors en termes des plus élogieux. Il visite lTtalie, en revient dans le ravissemen
J’ai connu Gabriel Deluc à Paris où j'allais, parfois, le voir à ses débuts. J'ai suivi l’évolution de son probe ta lent. Peu à peu, sa palette s’éclair cissait, les vibrations claires de la lu mière, répandues sur ses toiles allé geaient l’ensemble de ses tableaux, de ses portraits, des compositions où, dès le commencement, il était aisé de re marquer le sens décoratif, d’un goût très sûr, vers qui allaient ses affi nités. Vous en verrez un exemple dans la très belle esquisse des « Ar chers » exposée ici.
Une grande partie de ces tableaux sont de* études faites au Pays basque, principalement à Saint-Jean-de-Luz,
Elles attestent l’extrême facilité •lu peintre, et combien il était maî tre, déjà en ce moment, de son métier. Presque toujours, il semble qu'elle» aient été peintes «ans efforts ; la pâ te, assez légère, zèbre la toile, s'é tend d'un large coup de brosse, rare ment repris. La mer, les falaises, les montagnes et le ciel, surtout ces deux dernières parties de ses esquisses, sont exprimées avec une rare sécurité, une distinction parfaite, gardant de la na ture ce qui est essentiel pour l'expres sion picturale ; le reste est tenu dans l'ombre, éliminé, presque sacrifié, afin que l’intensité de l’effet demeure dans sa plénitude.
Si Corot a dit un jour, dans les ad mirables lettres qu’il écrivit, qu’il fal lait : « peindre aisément », ce conseil n’avait évidemment pas été perdu pour Gabriel Deluc. L'aisance de ses études, do ses impressions fugitives, ont enchanté tous les dilettantes, les amateurs d'art, qui virent ces toiles, à leur apparition.
Sa prédilection semble avoir été, de préférence, aux heures où déjà sont éteintes les brutalité» du jour. Gabriel Deluc, attendait pour peindre, le mo ment où apparaissent les effets de vent du Sud, le grand magicien du pays banque, les heures où les ombres s'al longent, où déjà la lumière s'est at ténuée, presque assourdie. Ce qu’il y n l'été, dans notre si beau pays, d'éclatant, de dur même parfois, et de violent, au milieu du jour, il l'a peu recherché. Sa nature, très fine, l'in clinait à fuir le contraste des pleins soleils. Talent charmant et discret, dont vous retrouverez tout à l'heure l'épanouissement, dans les belles étu des, les tableaux, qui ornent les murs de la salle voisine.
L’été, il revenait peindre à St-Jeande-Luz, et j’ai encore, en mémoire, un tendre paysage de fin de journée, quand les ombres des platanes cou rent. comme de grands papillons bleus sur la chaux de la ferme basque, tan dis qu’un mince rayon brille sur le terrain, tout doré de soieil.
Nous ne manquerons pas également d’admirer ici les beaux croquis de guerre, rapportés du front. Ils mani festent d’une grande science du trait ; dessins faits au hasard des tranchées, parmi les abris, les sacs à terre, les fil de fer barbelés. Une partie, malheu reusement, a disparu. Gabriel Deluc la perdit avec sa boite à couleurs et sus albums, au cours de la guerre. Dé plorons cette disparition, car c'était là ses dernières émotions d'artiste ; le tout serait pour nous un précieux sou venir des derniers moments où, mal gré les fatigues, les dangers perpé tuels, son crayon trouvait encore le temps d’exprimer, sur des feuillets, les hommes et les paysages tragiques qui devaient être son horizon désormais.
Il aimait passionnément son art, il en parlait avec amour, avec respect, tandis qu’un feu sombre s’allumait dans ses prunelles. Nul doute que, s’il eût vécu, une carrière si brillamment commencée, ne se fût continuée avec tout ce qu’elle devait lui apporter de joie de réussite et de bonheur.
Son dernier envoi au Salon en 1914, une composition décorative, pleine de charme, était intitulée : « Printemps »; le talent de Gabriel Deluc est alors dans toute sa maturité, de même que le métier est devenu parfaitement li bre. Une sorte de sérénité, de fraî cheur, de calme heureux s’en déga gent ; la figure nue, debout, qui tient une gerbe printanière, se détache au milieu d’arbres en fleurs. Tout y res pire le bonheur. Averti, peut-être, par un instinct mystérieux, Gabriel De luc n’a-t-il pas voulu exprimer, dans ce tableau si joyeux, tout ce que son cœur renfermait d’allégresse. Ce de vait être pour toujours son adieu à la peinture.
« Printemps ». Les beaux printemps étaient bien finis pour Gabriel De luc. De longs hivers douloureux, pleins d’affreuses ténèbres et d’angoisses al laient désormais leur succéder. La guerre était déclarée.
Mesdames, Messieurs, après avoir parlé de l’artiste, nous ne saurions passer sous silence l’admirable con duite de Gabriel Deluc pendant la guerre. J’ai, sous les yeux, pieuse ment conservées, par sa famille, les lettres qu'il écrivit des tranchées. Elles sont émouvantes au possible, et dé notent de sa part, une grandeur da me, un courage et une noblesse de cœur exceptionnelles.
Ces lettres sont d’une extrême sim plicité, le temps me manque, malheu reusement, pour vous en donner des extraits. Elles décrivent, sans une plainte, la dramatique existence que menèrent dans les boyaux de Cham pagne. les compagnies d'infanterie dont il faisait partie. La boue, les tran chées remplies d’eau, les hommes tom bés par terre, enlisés, piétines dans la nuit par les soldats harassés de fa tigue. sa compagnie décimée, les nuits glaciales, les attaques, les blessés, que Gabriel Deluc « le petit sergent ». ain si qu’il s’appelle lui-même, panse de ses mains, et emporte dans ses bras, jusqu’au poste de secours, tout cela est conté d’une manière saisissante.
Dans cet enfer, combien de fois sa pensée a-t-elle dû voguer vers sa ter re natale ! Il l’écrit aux siens. Fer mant les yeux sur l'horreur qui l’en vironnait, et les sinistres paysages dé vastés de la Champagne, il devait re voir, en songeries radieuses matinées d’octobre de Saint-Jean-de-Luz, ses montagnes violettes, et les tièdes vents du Sud de son cher pays basque.
Il était adoré de ses hommes et de ses frères d'armes. Après sa mort, plu sieurs d’entre eux écrivirent à sa fa mille des lettres qui témoignent en quelle haute estime le tenaient ses ca marades, quel réconfort il leur appor tait par son courage et la droiture de son cœur.
Ce fut au cours d’une reconnaissan ce volontaire, dans la nuit du 15 au 16 septembre 1916 à Souain en Cham pagne que Gabriel Deluc trouva la mort, face à l’ennemi. Parti simple soldat, promu sergent, puis sous-lieutenant, cité à l’ordre de l’armée, la Légion d’honneur, à titre posthume, lui fut décernée. Voici la citation :
« Deluc. Jean-Gabriel, mort pour la France. Officier d’un courage et d’un sang-fr'^* exemplaire, faisant l'admi ration de ses chefs et de ses hommes, maintes fois volontaire pour effectuer des reconnaissances périlleuses, don nant ainsi la preuve d’un réel mépris du danger. Tombé glorieusement lg 16 septembre 1916, en faisant vaillam ment" son devoir. Croix de Guerre avec étoile de vermeil. »
Sur l’initiative de nos amis, les pein tres Georges Bergès et Henri Zo, la municipalité de Saint-Jean-de-Luz, a décidé qu’une rue de notre ville por terait désormais son nom. Sa ville na tale, qui, elle, n’a pas oublié, a tenu à lui rendre ce suprême hommage.
Mesdames. Messieurs, que notre sou venir ému aille vers le bel artiste qui a disparu, vers l’officier tombé héroï quement pour son pays, et qu'en ce jour, sa mémoire soit honorée."
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