L'ÉNIGME BASQUE EN 1936 PAR FRANÇOIS DUHOURCAU.
François Duhourcau, né le 5 février 1883 à Angers (Maine) et mort le 3 mars 1951, à Bayonne (Basses-Pyrénées), est un romancier, essayiste et historien français, lauréat du Grand prix du roman de l'Académie française en 1925.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Mercure de France, le 1er mai 1936 :
"Hors d'Espagne et de France, ces Ibères, on les trouve encore en Italie sous le nom d'Etruques, c'est-à-dire aïta euskar, pères euskariens, selon Beati Moglia. Ces Etrusques paraissent originaires, suivant l'opinion aujourd'hui dominante, de l'Asie Mineure septentrionale. C'est ce que dit, après Meillet et quelques autres, le Guide Bleu Hachette pour l'Italie : c'est donc une hypothèse déjà classée. Ces Etrusques passent pour être les premiers occupants de l'Italie où leur empire primitif s'étendait jusqu'à Naples. Ils furent peu à peu refoulés par l'invasion des races indo-iraniennes ; avec quelques-unes de ces tribus nouvelles, ils fondèrent Rome dont ils fournirent les premiers rois. L'opinion commune des savants, et surtout des linguistes tels que Meillet, se rallie aujourd'hui au vieux jugement de Denys d'Halicarnasse : "Beaucoup d'historiens ont considéré Rome comme une ville étrusque." Si bien que, lorsque pour définir l'étoffe basque on la dit romaine, il serait plus juste de dire que c'est l'antique étoffe romaine, si robuste et glorieuse, qui fut basque en sa trame première.
"Les Etrusques, écrit Meillet, ont été de grands bâtisseurs et organisateurs de villes." — Soit des Illiberistes. — "Ils sortent peut-être de la souche pélasgique, écrivait dès 1884 le grand helléniste Louis Menard, tant admiré de Renan et de Leconte de Lisle, d'Anatole France, de Barres et de Philippe Berthelot. La civilisation des Etrusques est une sorte d'annexe de la civilisation hellénique, mais elle s'en distingue par un caractère sacerdotal qui semble la rattacher à l'Orient, et par des tendances pratiques dont les Romains ont hérité" (Histoire des Grecs). A ce double caractère, on reconnaît assez bien le vieux génie basque. Ce qu'ils apprirent des Hellènes, les savants modernes s'accordent à dire que les Etrusques en bénéficièrent dans la migration qui les porta, à travers la mer Egée, des rives septentrionales de l'Asie Mineure jusqu'à la péninsule italique. L'Odyssée et l'Enéide peuvent encore aujourd'hui nous donner une ide du voyage.
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LIVRE APERCU D'UNE HISTOIRE DE LA LANGUE GRECQUE D'ANTOINE MEILLET |
Quelques savants, en pointe d'avant-garde, prétendent retrouver des Ibères au sud du Péloponèse, à l'origine de Sparte. Le faisceau des conjectures n'est point encore assez dense pour que je l'utilise. Mais ce que l'on sait du génie des Spartiates l'apparente assez bien, par sa vigueur, sa dureté même, et son sens pratique aux Etrusques, aux anciens Romains et aux Basques.
Enfin, les derniers travaux des savants, tant d'archéologie que de linguistique, nous amènent au Caucase comme lieu d'origine des Ibères.
Leurs conclusions découlent surtout de la parenté du basque avec le vieux langage géorgien, de la parenté aussi des moeurs et de l'esprit. Ils ont même identifié Tubal, fils de Japhet, avec Uplos, héros éponyme des Géorgiens. Un parallèle en règle serait fort intéressant et réserverait, aux Basques comme aux Géorgiens, bien des étonnements. Pour ma part, j'abandonne certaines parentés dans les goûts et les coutumes qui ne me semblent point péremptoires, quoique singulières ; j'abandonne même la mise en valeur de certains noms qui sonnent basque, en cette contrée, comme Urumia, Urartu, Chorokhi, Urdubad, pour aller à des arguments plus décisifs. Je n'insisterai point encore pour savoir si, par exemple, la ville de Gori, centre ethnique des Géorgiens, entre la capitale Tiflis et la Mer Noire, ne devrait pas ce vieux nom (qui est basque) à son terrain rougeâtre qui, dès l'antiquité, valait à l'airain d'Ibérie, d'un jaune plus brillant et plus clair que tous autres, une renommée universelle en Asie Mineure et Méditerranée. Je n'insisterai point pour savoir si Gori doit son nom, comme non loin d'elle Tiflis (en langue moderne) aux eaux chaudes qui jaillissent de son sol volcanique — double hypothèse qu'éveille le nom de Gori. Je n'abuserai pas du fait que cite M. Pierre Harispe dans son volume le Pays Basque et qui nous montre Tacite donnant pour chef aux Ibères du Caucase un certain Ariarate, beau-frère de Mithridate. "Ariarate, poursuit Harispe, est un nom basque que j'ai retrouvé plusieurs fois dans la vallée de Bastan." Toutefois, je ne cèlerai pas cette preuve (ou présomption) par le sentiment que je tiens de la ravissante et gentille (rare alliage) Mme Mary Coste, la femme du grand aviateur. Même dans les sciences, on le sait, il ne faut pas négliger le sentiment. "Toute connaissance vient du sentiment", affirmait Léonard de Vinci, ce que répète, à sa manière, Claude Bernard, lorsqu'il déclare qu'à l'origine de toute découverte scientifique, il y a d'abord "un sentiment de l'esprit". Donc, il y a deux ans, déjeunant à côté de Mme Costes, à Biarritz, je lui demandai si elle en était à son premier séjour en Euskal-Herria et comment elle trouvait le pays. "J'y suis venue pour la première fois, cette année, me répondit-elle, mais j'y reviendrai pour une raison très personnelles. Le pays est fort beau, mais la race basque m'a séduite davantage encore. Elle m'émeut, lorsque je la vois dans les campagnes où je me promène, car elle me rappelle par son allure, ses traits, son attitude, ses habitudes, tout à fait la race de mon pays." Je lui expliquai alors, sachant que Mme Costes est géorgienne, que les savants modernes ne s'étonneraient point de cette similitude profonde qui la touchait.
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LIVRE LE PAYS BASQUE PAR PIERRE HARISPE |
Mes remarques, à mon sens les plus décisives, faites au cours d'études prolongées dans le sillon nouveau tracé par les savants modernes, les voici.
Les cartes qui donnent la dissémination des fils de Japhet selon les données de la Bible, confirmées ou mises au point par les orientalistes contemporains, portent Tubal, cinquième fils de Japhet, comme ayant pris pour terre de peuplement la grande vallée caucasienne qui devait être l'Ibérie. — Or, les Basques, par tradition immémoriale, se transmettent qu'ils sont issus de Tubal, fils de Japhet.
L'Ibérie était arrosée par deux fleuves, l'Ebre (depuis, le Cyrus, puis le Kour, enfin la Koura) et l'Araxe, nom qui subsiste encore et désigne le fleuve que se partagent la Caucasie et l'Arménie. — Or, on sait que les migrateurs, et encore les émigrants d'aujourd'hui, se plaisent à donner à des villes, à des monts, à des fleuves du pays neuf où ils se fixent, au terme de leur aventure, les noms des villes, des monts ou des fleuves de leur pays originel. Les Ibères, parvenus en Espagne, n'y ont point manqué, semble-t-il. Les savants s'accordent à dire qu'ils donnèrent le nom d'Ebre au fleuve dont ils remontèrent le cours, après leur débarquement sur la rive levantine de l'Espagne. Quant à l'Araxe, nous le retrouvons lui aussi en Navarre où il prend sa source, avant de confluer dans l'Oria, aux portes de Tolosa, ancienne capitale du Guipuzcoa.
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FLEUVE ORIA TOLOSA GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
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