Libellés

mercredi 12 novembre 2025

LES PÊCHEURS BRETONS AU PAYS BASQUE EN 1922 (troisième et dernière partie)

LES PÊCHEURS BRETONS AU PAYS BASQUE EN 1922.


Depuis de très nombreuses années, les Bretons sont venus au Pays Basque et nombre d'entre eux y ont fait souche.



pays basque économie pêche labourd port bretons
PORT DE SAINT-JEAN-DE-LUZ 1921
PAYS BASQUE D'ANTAN





Voici ce que rapporta Le Gall à ce sujet le quotidien L'Ouest-Eclair, le 6 juin 1922 :



"Les pêcheurs Bretons au Pays Basque.

Comment ils y pêchent. Comment ils y vivent.



A plusieurs reprises, nous avons signalé l'exode des pêcheurs bretons vers la côte basque ; et les ressources poissonnières qui les appellent vers ces mers insuffisamment exploitées.



Récemment, M. Auguste Dupouy a consacré, dans la Revue de France, une étude abondamment documentée à la question des pêcheries basques. Il ne pouvait manquer de signaler le rôle joué par les pêcheurs venus des côtes de Bretagne, dans la vie économique de ce pays.



Son enquête porte tout d'abord sur la pêche du thon et de l'anchois. Elle aborde enfin celle de la sardine.



Elle revient, dit-il, sans affleurer beaucoup, avec les premiers jours d'octobre, mais les marsouins ne l'accompagnent plus. Privés de cet indicateur, les pêcheurs basques la laissaient en paix, séjourner dans les eaux côtières, jusqu'au jour où des Bretons vinrent chez eux leur enseigner un autre genre de pêche.



Des pêcheurs bretons de Douarnenez, à peu près tous. Le pêcheur breton voyage volontiers. Et le sardinier douarneniste est particulièrement voyageur... Ici c'est à bord d'une pinasse qu'il a fait son apparition.



PINASSE CHARGEE DE SARDINES
85 CROIX-DE-VIE



La pinasse n'est pas bretonne. C'est une sorte de traînière, mais modernisée, le pétrole remplaçant avec avantage l'huile de bras. Les plus grandes ont un moteur de 20 à 25 chevaux et dix à onze hommes d'équipage, comme les vapeurs. L'exploitation d'une pinasse serait deux fois au moins plus onéreuse que celle d'un vapeur, s'il n'y avait sur le vapeur un mécanicien à la charge de l'armement.


— Et vous, ai-je demandé à des Bretons, vous vous passez de mécanicien ?

— Facilement, m'ont-ils répondu. le premier venu se tire d'affaire, à moins d'être par trop maladroit.



La pêche qu'ils pratiquent, par atavisme et système, est la pêche à la rogue et au filet droit. On la connait, le filet s'allonge à l'arrière théoriquement perpendiculaire à la surface de l'eau, le bateau étant maintenu debout au vent par les avirons des "nageurs". Le poisson est attiré des profondeurs par l'appât d'une farine d'arachides saumurée. De la rogue de morues, lancée à pleines poignées sur les lièges, l'attire vers le filet, où il se maille, si la maille est "de moule". Ainsi, pêche-t-on, depuis des siècles de Camaret aux Sables d'Olonne.



Une variante ici toutefois : la pinasse à moteur, comme la chaloupe à vapeur, est une mère Gigogne pourvue d'une dizaine de petites plates ou doris. Quand on arrive sur les lieux de pêche, chacune de ces plates est mise à l'eau. Un homme y embarque avec un filet : à lui seul, il manie ses deux avirons, jette son filet, l'arrose de rogue, le reporte, si la pêche donne, chargé de poisson, au vapeur ou à la pinasse, prend s'il y a lieu, un nouveau filet, recommence. C'est rapide et efficace, mais beaucoup moins précautionneux que la pratique bretonne — une seule annexe avec un seul filet à l'arrière et cinq hommes à bord.



Je m'en étonne tout haut devant un équipage de Douarnenistes que je trouve appuyés au parapet du quai.



USINE DE FABRICATION DE BOÎTES DE SARDINE
29 DOUARNENEZ


— C'est vrai, me dit le patron. Chez nous, on travaille plus finement. Mais vous voyez : ici on pêche tout de même. C'est du poisson bête.



Toute une colonie bretonne.



Comme dans les ports lointains du Finistère, la flottille s'ébranle chaque nuit, fait cap au Nord, guidée par les deux éclats consécutifs du feu blanc de Biarritz. Parmi les mareyeurs qui attendent, l'après-midi, son retour, il en est un qui est venu de Douarnenez s'installer ici, et sur les cinq usines édifiées en six ans, il y en a deux, y compris la première par ordre de dates, qui sont des maisons bretonnes avec un personnel aux trois quarts breton.



Au pied de la Rhune, comme en face de son Menez, la colonie bretonne affirme sa personnalité sans aucune gêne, et même avec des éclats de voix, des rires, des plaintes, parfois des cris qui rappellent le grouillement du port natal et pourraient bien trahir une secrète assurance de conquérants.



Les ménages résident l'hiver à Saint-Jean-de-Luz et l'été retournent au pays natal : le mari pêche, la femme raccommode les filets. D'autres femmes travaillent aux usines sardinières. La plupart sont originaires de Douarnenez ou d'Audierne. L'usinier les loge, leur installe des dortoirs et une cuisine, leur paie le voyage et une mensualité fixe de 200 francs, qu'il y ait pêche ou non, qu'elles travaillent ou qu'elles chôment.



Mais la Bretonne se nourrit mal ; elle expédie les grands repas. Au début de la dernière campagne, les Audiernoises prétendaient sur les 200 francs de leur mois, en envoyer 150 à leur famille. Elles se nourrissaient uniquement de bouillons ultra-maigres faits du jus de quelques tomates. L'usinier dut intervenir et les alimenter presque de force.



Les Bretons sont sobres : ils mangent à leur faim, mais dispensent peu pour leur nourriture. Ils boivent moins qu'en leur pays et surtout moins d'eau-de-vie.



Peu à peu, ils se sont habitués aux moeurs du pays basque. Déjà les hommes commencent à se mêler aux équipages indigènes ; déjà les filles portent des bérets et ont abandonné leur coiffe ; déjà des mariages allient les deux races. On peut beaucoup attendre du croisement de ces belles races de marins, conclut M. Dupouy.



Mais déjà les Bretons ont apporté sur ces côtes lointaines tout un art, qui a permis de ressusciter en partie une pêche, en partie abandonnée depuis longtemps et qui assure à cette région une prospérité nouvelle par l'exploitation méthodique des trésors dédaignés de la Côte d'Argent."



A suivre...









Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 6 700 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire