LES PÊCHEURS BRETONS AU PAYS BASQUE EN 1922.
Depuis de très nombreuses années, les Bretons sont venus au Pays Basque et nombre d'entre eux y ont fait souche.
Voici ce que rapporta Le Gall à ce sujet le quotidien L'Ouest-Eclair, le 16 avril 1922 :
"Les Bretons au pays basque.
Pour intensifier l'exode de nos pêcheurs vers la riche et poissonneuse baie de Biscaye.
Lorient, 15 avril. (De notre correspondant particulier.)
Dans son numéro du 24 mars dernier, l'Ouest-Eclair publiait un article très intéressant, sur les Pêcheurs bretons au pays basque.
On en a beaucoup parlé sur la côte bretonne et notamment dans les ports de pêche du littoral sud-finistérien et morbihannais, où le chômage, l'hiver, serait de rigueur, s'il n'y avait pas, dans les maisonnées, tant de bouches à nourrir. Alors, nos pêcheurs dont le courage et le mépris du danger sont légendaires, affrontent tout de même la haute mer, si périlleuse, si dure ; mais celle-ci se venge, hélas trop souvent, en prenant les hommes.
Le moyen de faire autrement ? L'Ouest-Eclair l'a indiqué dans l'exposé si documenté de M. Jean Poulhazan. Après l'émigration rurale en Bretagne, nous aurions donc l'émigration maritime, avec cette différence cependant que cette dernière ne serait pas permanente, mais saisonnière, avec la perspective, en outre, d'avantages indéniables dans un minimum de risques, le mauvais temps n'étant pas à redouter à Saint-Jean-de-Luz, qui possède une très belle rade à proximité des lieux de pêche.
Mais... il faudrait d'abord un port.
C'est l'exploitation d'un pays neuf, a-t-on dit. C'est vrai, et voilà pourquoi il y a tant de choses essentielles à créer pour rendre possible, et sur une vaste échelle, l'exode de nos pêcheurs bretons vers la baie de Biscaye, où le poisson argenté est si abondant que les pêches qualifiées de miraculeuses, chez nous, sont là-bas choses courantes.
Mais à ce tableau si séduisant, il y a une ombre : l'exploitation de ce magnifique domaine de l'Océan est conditionnée par l'existence d'un port normalement accostable. Or, ce n'est pas le cas du port de Saint-Jean-de-Luz-Ciboure.
J'ai eu l'occasion de m'entretenir, à ce sujet, avec un industriel, très au courant de la situation là-bas, et voici que qu'il m'a dit, concernant d'abord le port.
"Ce qui frappa tout de suite les intéressés, à leur arrivée à Saint-Jean-de-Luz, dans les premiers jours de 1918, c'était l'état défectueux du port envasé. Les bateaux s'y comportent très mal dans les coups de mauvais temps d'Ouest de Nord-Ouest, le ressac ayant une prise très forte sur ces petits fonds.
A cause de cet envasement, il reste peu de place pratique pour les mouillages des bateaux de pêche, la bonne place étant occupée, cela se conçoit, par les bateaux du port.
La pêche donnant d'une façon très abondante, cette année-là, les industriels venus pour s'y établir, projetèrent de faire curer le port, de façon à y attirer une bonne partie de nos pêcheurs bretons. Il s'adressèrent aux deux municipalités intéressées : Saint-Jean-de-Luz et Ciboure.
Toutes les démarches ont été vaines de ce côté, les deux municipalités ne pouvant pas arriver à s'entendre sur un projet commun, alors que leurs intérêts le leur commandait, car le port de Saint-Jean-de-Luz est, par rapport à ces villes, ce que bassin à flot de Lorient est au cours des Qais et au quai Rohan.
Saisie à plusieurs reprises, la Chambre de Commerce de Bayonne a toujours répondu aimablement, en demandant des rapports qui lui furent fournis et soumis par elle au Conseil général, mais sans résultats. Il aurait été possible de confier ce travail à une société privée, car on aurait trouvé les fonds nécessaires, mais on objecta que des difficultés se seraient produites entre pêcheurs et armateurs dans l'application du droit de péage nécessaire à l'amortissement du capital engagé. En réalité, les gens du pays ne visent qu'à garder leur port pour eux seuls ; ils sont opposés à l'introduction des pêcheurs bretons chez eux, et même des Arcachonnais qui sont cependant leurs voisins."
Un beau bilan.
Et pourtant, on va voir, par ce qui suit, combien est productive la pêche de tous genres, sur cette partie du littoral français qui jouit en outre d'un climat délicieux.
Comme bateaux affranchis du port, on peut compter environ 25 vapeurs qui font la sardine, l'anchois, le thon, et une cinquantaine de petits bateaux, soit au moteur, soit à la rame, et voile, qui se livrent uniquement à la pêche à la ligne. Ces bateaux sont armés, si non la moitié, du moins le grand tiers, par des pêcheurs espagnols.
La pêche des vapeurs.
Les vapeurs s'adonnent à la pêche de la sardine, à la maille, comme en Bretagne, des premiers jours de novembre jusqu'à fin mars en général, mais au lieu d'avoir un seul canot comme en Bretagne, chaque vapeur porte huit doris et dans chacun un homme fait sa pêche que le vapeur ramasse au fur et à mesure que le filet est garni de poissons.
La pêche en général est abondante, il n'est pas rare de voir des pêches de 80 et 100 000 sardines par vapeur.
Cette année, contrairement aux anciennes habitudes, on a embarqué la senne "dite Bolinge", dès le courant du mois de décembre et cela dans le but de faire déguerpir les Bretons qui, eux, n'ont pas ces engins.
La pêche a été bonne, le poisson s'est tenu de beau moule et a atteint des prix élevés à la vente au frais, mais les usines n'ont pu rien faire en raison des prix élevés.
A partir de fin mars, à l'approche du marsouin, qui pousse les petits poissons vers la côte, les pêcheurs embarquent la senne "dite Sarda", spéciale pour l'anchois. Cet engin est manoeuvré mécaniquement ; on pêche indifféremment en avril et en mai la sardine et l'anchois.
Cette pêche donne parfois des coups de 5 et 6 tonnes de poissons.
Vers les premiers jours de juin, quelquefois fin mai, on part pour la pêche au thon rouge, qui se continue jusqu'à fin octobre.
Cette pêche a ses aléas comme les autres, mais donne souvent de bons rendements.
Tout ce poisson est acheté par les mareyeurs pour la vente au frais et souvent à des prix très élevés, parfois 8 et 10 francs le kilog. Le grand centre de vente est Marseille, car on est très friand de ce poisson sur tout le littoral de la Méditerranée.
La pêche des petits bateaux.
Les petits bateaux qui vivent de la ligne pêchent le maquereau de novembre à fin mai ; vers fin avril commence aussi à arriver dans les parages le gros chinchard et un autre poisson que l'on appelle gros yeux, ce poisson est de la famille de la bonite de la Méditerranée, on y pêche aussi le merlan.
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BATEAUX SE PREPARANT POUR LA PÊCHE AU MAQUEREAU 29 CONCARNEAU BRETAGNE D'ANTAN |
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