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vendredi 24 octobre 2025

LA VIE AGITÉE D'ÉTIENNE-ROMAIN DE MENDIRY NOBLE BASQUE SOUS LA RÉVOLUTION ET SOUS L'EMPIRE

ÉTIENNE-ROMAIN DE MENDIRY.


La famille De Mendiry est une famille noble et ancienne de la province de Basse-Navarre.





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BLASON FAMILLE DE MENDIRY



Voici ce que rapporta à ce sujet René Cuzacq dans le bulletin de la Société des Sciences, Arts & 

Lettres de Bayonne, le 1er juillet 1931 :



"Un notable du Pays Basque sous la Révolution et sous l'Empire : La vie agitée de M de Mendiry.



M. de Mendiry ! Si jamais nom fit parler de lui en Basse-Navarre à la veille même de la Révolution, ce fut bien celui de l'un des défenseurs des droits du pays contre le malheureux traité de 1785. Les lecteurs du tome III du savant ouvrage de MM. les chanoines Dubarat et Daranatz, Recherches sur l'Eglise et la Ville de Bayonne, savent quelles colères souleva, dans la contrée l'accord où Sa Majesté Très chrétienne, pour des raisons d'ordre général et de haute politique, sacrifiait à son alliance avec Sa Majesté catholique les intérêts particuliers de la Navarre française. Dans la conclusion du traité officiel qui laissait aux Espagnols la majeure partie des pâturages et des forêts indivis, M. de Mendiry avait été l'un des soutiens actifs des droits locaux : tout le poids de l'émotion populaire retombant brusquement sur le négociateur M. d'Ornano, assurait au contraire de sa reconnaissance durable de M. de Mendiry.



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COMTE D'ORNANO



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GENERAL DON VENTURA CARO



On n'appartenait pas d'ailleurs impunément dans la France du 18e siècle à une vieille famille du pays ; le rôle de notable, pour employer ce terme moderne, n'était nullement encore un vain mot ; vieille maison noble du pays de Cize, les de Mendiry comptaient de droit traditionnel parmi les conseillers et les dirigeants de la Cize. M. de Mendiry eut beau disparaître en 1791, son fils se trouva tout naturellement placé aux premiers rangs de l'histoire navarraise dans l'époque troublée qui commençait : la vie de Etienne-Romain de Mendiry n'en fut que plus agitée et n'en est aussi que plus intéressante à retracer aujourd'hui. Combien de ces familles françaises, dominant leur petit canton ou leur petite commune, connurent-elles alors des avatars analogues à ceux d'Etienne-Romain de Mendiry !



Car c'est du fils du malheureux adversaire du traité de 1785 que nous voulons parler ici-même. De père en fils, les de Mendiry étaient héréditairement alcades et juges royaux du pays de Cize, titre qui remontait à "l'ancienne constitution de la Navarre" et qui donnait à son titulaire la justice, l'administration et la police de la contrée. M. de Mendiry père l'occupa 54 ans ; il avait en outre droit d'entrée aux Etats de Navarre ; mais il mourut en février 1791 à l'heure même où les antiques franchises d'Eskual-Herria subissaient le sort commun de celles des autres villes ou provinces françaises.



Son fils aîné Etienne-Romain de Mendiry était alors le chef de la famille, "de la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port" ; "héritier coutumier", il devint le possesseur des biens de Mendiry en Labourd et en Basse-Navarre. Depuis 1776, il était avocat au Parlement de Pau, où il suivit le barreau pendant dix ans, s'occupant aussi par prédilection native et goût personnel "de l'Administration". Il se fit remarquer par le "vertueux" M. de Boucheporn, "dernier intendant de la Généralité de Pau et Bayonne" : tout naturellement, il devint en mars 1787 son subdélégué pour le département de Navarre. Correspondance, contentieux, comptabilité, routes, subsistances, surveillance intérieure et des frontières connurent alors l'inlassable activité du nouveau subdélégué : au siècle des lumières, ce juriste à la mode de la France nouvelle tint à montrer partout son administration éclairée. Etienne-Romain de Mendiry s'occupa même, à l'en croire, d'affaires plus importantes avec M. Colcheu, "alors secrétaire général", sous la confiante et bienveillante égide de l'intendant, il adressa divers mémoires au gouvernement sur les projets d'améliorations publiques dont ce dernier avait saisi l'intendant.



Mais à la fin de 1790, c'était d'un tout autre Département (avec un grand D au sens moderne du terme) qu'il s'agissait. Serviteur de l'Ancien Régime rallié sans effort à l'oeuvre de la Constituante, E. R. de Mendiry fut en août 1790 "l'un des électeurs du canton de Saint-Jean-Pied-de-Port" et coopéra à ce titre à la formation des Basses-Pyrénées. On parla de lui pour la mise en marche du nouveau mécanisme administratif : cependant après divers tours de ballotage, un concurrent l'emporta sur lui de 4 voix à Saint-Palais pour les fonctions de procureur-syndic du District, c'est-à-dire du nouvel arrondissement.



C'est alors, toujours à la fin de 1790, qu'il fut nommé Commissaire du roi, à vie, près le Tribunal du District de Saint-Palais ; il y exerça "avec zèle, courage et persévérance" si nous l'en croyons lui-même, jusqu'au 10 août 1792.



Car 1793 arrivait : "retiré dans mes foyers, accablé de chagrins et de fatigues", il y fut "successivement désarmé, désigné au contingent forcé (c'est-à-dire au service militaire) où je me fis remplacer (c'est-à-dire qu'il fut assez heureux pour trouver un remplaçant)". Un moment interné à la maison de réclusion de Pau jusqu'en août 1793, il fut arrêté de nouveau à Saint-Jean-Pied-de-Port en octobre 1793, amené aux prisons de Saint-Palais, puis à la maison de réclusion de Nay. Il y passa 14 mois. Telle fut sa "pénible destinée" en 1793 et 1794.



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PRISON DE SAINT-PALAIS BASSE-NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Rendu à la liberté par la chute de Robespierre, il n'aspirait plus qu'au repos. Mais les thermidoriens vainqueurs se penchaient volontiers sur les anciens administrateurs de 1790-1791 : un arrêté d'Auguste Izoard, représentant en mission, épurant les corps constitués, l'invita "à peine de suspicion" à occuper à Bayonne les très importantes fonctions de procureur-syndic du district. La place était d'importance et le choix d'Izoard était à coup sûr un hommage aux capacités d'E. R. de Mendiry, ou plutôt d'E. R. Mendiry tout court comme lui-même s'intitulait désormais.



Dans la grande ville du pays, encore toute vibrante de l'an II, "avec les coopérateurs" que lui désignait l'arrêté d'Izoard, E. R. de Mendiry vécut les années essentielles de sa carrière politique. Lui-même définit ainsi son rôle : "dissiper la Terreur ; rétablir la sécurité ; lever les séquestres (des biens des suspects) ; rappeler les fugitifs et les proscrits", telle fut la tâche consolante dont je m'acquittai avec satisfaction". La Constitution de l'an III mit fin à cette période décisive de sa vie administrative.



Aussitôt le canton de Cambo l'élut comme juge de paix, en assemblée primaire : il accepta provisoirement puis se retira à la fin de l'an IV, rentrant pour la troisième fois dans ses foyers afin d'y vaquer "au rétablissement de mes affaires domestiques". Celles-ci en effet étaient plus ou moins à l'abandon tandis que se déroulait l'existence troublée de M. de Mendiry.



"La Révolution du 18 Brumaire" voulut le remettre sur la brèche : il refusa les postes pour lesquels on l'avait pressenti ; on passa outre, on le porta au tableau des juges du tribunal de première instance de l'arrondissement de Bayonne : sous l'Empire, il présidait ce même tribunal. De plus, en 1809, M. E.R. de Mendiry avait été nommé membre du collège électoral du Département des Basses-Pyrénées pour le canton de Saint-Jean-Pied-de-Port, son lieu natal.



En 1814, la Restauration survenait enfin. M. de Mendiry, par tradition, était tout prêt à se rallier au nouveau régime ; lui-même jugeait alors en ces termes sa vie écoulée : "ainsi j'ai parcouru durant 26 années diverses fonctions publiques", dans des temps orageux et dans les circonstances les plus épineuses, avec la satisfaction, j'ose le dire, de m'être concilié l'estime publique et d'avoir fait tout le bien que j'ai pu. C'est le fruit que j'ai retiré de mes sacrifices ; j'y ai aussi acquis l'expérience des hommes et des choses."



C'est ainsi que le Président du Tribunal de Bayonne retraçait son passé d'homme public dans le mémoire daté du 12 avril 1814 qu'il rédigeait alors à Pau. Depuis le 31 mars, Paris avait succombé, le 6 avril Louis XVIII était roi de France. De Saint-Jean-de-Luz, son neveu le duc d'Angoulême (fils du comte d'Artois) avait gagné Bordeaux. Tandis que Bayonne résistait encore durant tout ce mois d'avril 1814, le duc d'Angoulême envoyait à Pau réaliser la Restauration dans les Basses-Pyrénées un général de l'Empire, aussi habile et mesuré qu'habile et clément. L'action du général comte de Niel-Castel y fut décisive ; auprès des Béarnais ne pouvait-il pas d'ailleurs se vanter de sa qualité d'aide de camp de Bernadotte ? Les pétitions affluèrent bien vite en nombre considérable et c'est à l'une d'entre elles qu'est annexé le mémoire d'E.R. de Mendiry. Pourquoi cependant le 12 avril le Président du Tribunal de Bayonne était-il à Pau et non dans sa ville assiégée ? Comme tant d'autres, ne voulut-il pas se laisser enfermer derrière les remparts, et plus tard ne devina-t-il pas la tournure qu'allaient prendre les événements ?



Quoiqu'il en soit, dès le 12 avril 1814, le Président du Tribunal de Bayonne envoyait au général-comte de Niel-Castel l'exposé succinct de ses services, avec prière d'en faire agréer "l'hommage au Roi, et aussi l'assurance de son inaltérable dévouement à son Auguste personne et à toute la famille royale". "Depuis plus de vingt ans, mes principes et mes sentiments n'ont jamais dévié de mon attachement à l'illustre Dynastie des Bourbons et j'attendais avec une vive ardeur le moment favorable de le manifester. Il est enfin arrivé et je m'en applaudis avec tous les bons français". Le ton se maintenait jusqu'au bout aussi digne et aussi ferme  : comme beaucoup d'autres bonnes volontés, M. de Mendiry se tournait du côté des Bourbons reparus. Mais à l'âge mûr de sa carrière, M. de Mendiry ne tenait pas seulement à faire acte de loyalisme, il se rappelait ses jeunes années, alors qu'il avait débuté dans la carrière administrative. "Plus que jamais", de tout son zèle, de son dévouement et de son expérience, il tenait à y rentrer, prêt à apporter dans le poste dont il serait jugé digne "le caractère et les sentiments qui n'ont cessé d'être les bases invariables de ma conduite publique et privée".



Petit-fils du général de Niel-Castel, M. Duverdier, rue Lormand à Bayonne, a bien voulu nous communiquer — et nous l'en remercions vivement — la lettre et le mémoire qui nous ont permis d'esquisser cette brève biographie. Détail piquant : après avoir assuré le comte de Niel-Castel de ses sentiments respectueux et de sa considération la plus distinguée, il ajoutait "votre très humble et très obéissant serviteur, E.R. Mendiry — tout comme en tête du mémoire annexé à sa missive. En revanche, la particule reparaissait au bas de ce même mémoire, où comme avant 1789, M. E.R. de Mendiry relevait sa marque extérieure de noblesse.



Les bons offices de M. de Mendiry ne furent pas agréés par le nouveau régime, du moins à ce qu'il semble. Un calendrier bayonnais pour 1822 nous donne comme président du tribunal M. Mendiry, 21, rue Port-Neuf (c'est l'actuel n° 6, à la suite du nouveau numérotage décidé en 1855) ; il est vrai qu'il y a lors un président provisoire, M. Monclar, rue du Port-Mayou. Mais en 1829, L'Annuaire judiciaire et administratif des Basses-Pyrénées nous cite le seul M. de Mendiry comme Président du Tribunal de Bayonne. Que devint-il ensuite ? Reçut-il le contre-coup de la Révolution de 1830 ou au contraire disparut-il pour d''autres motifs que nous ignorons ? Toujours est-il que d'après le même Annuaire, M. Ducéré, avocat et juge suppléant en 1822, présidait en 1833 aux destinées de notre tribunal bayonnais.



Telle st, brièvement rappelée, la carrière de M. E.R. de Mendiry, si ce personnage a joué dans notre histoire locale un rôle nullement négligeable, l'histoire de sa vie est pour une large part caractéristique de celles de bien d'autres familles de nos pays et même de toutes nos provinces, au lendemain de 1789 : à ce titre aussi, elle méritait d'être rappelée ici."



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