L'OEUVRE DE LUIS MICHELENA-ELISSALT.
Koldo Mitxelena Elissalt ou Luis Michelena ou Koldobika Mitxelena, né le 20 août 1915 à Renteria (Gipuzkoa) et mort le 11 octobre 1987 à Saint-Sébastien (Gipuzkoa) est un linguiste, écrivain, professeur de philosophie et académicien Basque espagnol de langue Basque et espagnole.
Voici ce que rapporta Pierre Lafitte, de l'Académie de la langue basque, à son sujet dans le
Bulletin du Musée Basque N° 27 de 1965 :
"Etudes Basques.
L'oeuvre de Luis Michelena-Elissalt.
Luis Michelena-Elissalt est né à Renteria (Guipuzcoa) en 1915. Il est licencié en Philosophie et Lettres (section de Philologie classique de Madrid). Il a brillamment passé son Doctorat en janvier 1959.
Depuis 1954 il est directeur technique du Séminaire de Philologie basque "Julio de Urquijo" créé à Saint-Sébastien par la "Diputacion de Guipuzcoa" et rattaché à l'Université de Valladolid. Il a été chargé de cours soit à l'Université de Salamanque soit à celle de Pampelune. Il est membre de l'Académie de la Langue Basque et même Secrétaire général. Il fait partie de la Société de Linguistique de Paris et collabore à l'"Instituto de Investigaciones Cientificas".
Secrétaire de Rédaction du "Boletin de la Real Sociedad Vascongada de los Amigos del Pals", il écrit dans de nombreuses revues : Emérita (Madrid), Piréneos (Saragosse), Archivum (Oviedo), Bulletin de la Société de Linguistique (Paris), Via Domitia (Toulouse), Word (New-York), Principe de Viana (Pampelune), Zephirus (Salamanque), etc.
L'Académie de la Langue Basque l'a chargé de remanier et mettre à jour le "Dictionnaire basque-espagnol-français" de D. Resurreccion Maria de Azkue.
RESURRECCION MARIA DE AZKUE ABERASTURI |
C'est dire la place éminente de Luis Michelena dans le monde des études basques et de la linguistique en général.
Cet article bibliographique voudrait donner aux lecteurs du "Bulletin du Musée Basque" une idée générale de la doctrine et des travaux du déjà célèbre errenteriar.
Voici la liste des principaux ouvrages de Luis Michelena en ce début de 1965 :
Apellidos vascos, Saint-Sébastien, 1953, réédité en 1955.
Las escrituras apocrifas de Andramendi, en coll. avec M. Bidegain, Saint Sébastien, 1954.
La position fonética del dialecto vasco del Roncal, Toulouse, 1954.
De onomastica aquitana, Saragosse, 1954.
Hispano antiguo y vasco, Oviedo, 1958.
A propos de l'accent basque, Paris, 1958.
Dictionarium Linguae cantabricae de N. Landuchio, de 1562, en coll. avec Manuel Agud, Saint-Sébastien, 1958.
Las antiguas consonantes vascas, Canarias, 1958.
Los cantares de la quema de Mondragon, en coll. avec Rodriguez Herrero, Saint-Sébastien, 1959.
Historia de la literatura vasca, Madrid, 1960.
Fonética historica vasca, Saint-Sébastien, 1961.
Los nombres indigenas de la inscription hispano-romana de Lerga, Pamplona, 1961.
Lenguas y protolenguas, Salamanque, 1963.
Textos arcaicos vascos, Madrid, 1964.
Sobre el pasado de la Lengua vasca, Saint-Sébastien, 1964.
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LIVRE SOBRE HISTORIA DE LA LENGUA VASCA KOLDO MITXELENA |
La doctrine de Michelena.
Au lieu de suivre l'ordre chronologique de parution des travaux de Michelena, nous avons pensé qu'il était préférable de commencer par rendre compte de Lenguas y protolenguas, où se trouve synthétisée sa doctrine linguistique. Cela nous dispensera de redites en parlant des autres ouvrages.
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LIVRE LENGUAS Y PROTOLENGUAS LUIS MITXELENA |
En 1961-1962 Luis Michelena donna une série de leçons à l'Université de Salamanque. Son propos était d'exposer et de discuter les principes et les méthodes de la reconstruction linguistique.
Dans Lenguas et protolenguas c'est précisément la substance de ce cours que l'auteur nous propose. Il y étudie moins les techniques dans leurs détails que leur valeur et leurs limites : en somme il fait œuvre de démystification à l'égard des linguistes tentés de majorer la portée de leurs méthodes, mais œuvre de revalidation face à des sceptiques décourageants.
D'entrée, Luis Michelena dénonce deux écueils qui menacent les comparatistes : une spécialisation trop étroite ou un universalisme superficiel. Il s'excuse de prendre beaucoup d'exemples à la langue basque ; mais c'est pour lui un terrain familier, et, d'autre part, la linguistique générale n'a rien à y perdre.
Le premier chapitre est intitulé Histoire et préhistoire des langues.
La langue nous est présentée comme un système ordonné de phonèmes, de formes, de constructions étagées en strates d'âges différents. Le problème est de les déterminer et de les dater.
Pour ce qui est du basque, quoi qu'en pensât Meillet, il a une histoire, moins longue et moins complète que celle d'autres langues, mais qui remonte à dix siècles grâce à des textes médiévaux et même plus haut à travers les noms propres de l'épigraphie latine. On est à même ainsi de connaître au moins l'évolution phonique de l'eskuara pendant une longue période, — ce qui n'est pas le cas de toutes les langues.
Cette évolution s'est faite selon certains modes réguliers que l'on peut continuer à appeler "lois phonétiques", même si l'expression est prise dans un sens plus large que chez les néo-grammairiens.
Selon Luis Michelena, c'est le caractère clos et autarcique des langues, leur structure stricte et organique qui empêche dans l'ensemble les changements de se produire dans le désordre, et donne au linguiste la possibilité d'une reconstruction "interne" des anciens "états de langue".
La méthode comparative complète heureusement ce travail. A ce propos Saussure affirmait "qu'on ne pouvait rien tirer du basque, parce que, étant isolé, il ne se prête à aucune comparaison". Luis Michelena réplique que le basque n'est pas totalement isolé : on peut le comparer au moins au latin et aux langues romanes voisines.
Le second chapitre (Les règles du jeu) s'occupe des principes qui président à la linguistique diachronique et au fonctionnement des méthodes de reconstruction.
Luis Michelena demande que l'on s'appuie sur des constantes dûment reconnues pour rattacher les formes actuelles à de plus anciennes. Ces lois peuvent suggérer des hypothèses : encore faut-il que celles-ci soient, sinon attestées, du moins vraisemblables, et offrent quelque concordance sémantique.
Des exemples nous sont donnés de l'efficacité de cette méthode ; mais si l'on a quelque sécurité en descendant des formes anciennes vers les formes actuelles, il n'en va pas de même en sens inverse : les explications risquent d'être aventureuses. Notre professeur Joseph Anglade nous disait : "de milan on pourrait remonter à mediolanum aussi logiquement qu'à milanum".
Luis Michelena estime valables deux postulats : celui de la simplicité et celui de la tolérance. Le premier refuse les intermédiaires trop nombreux ou trop compliqués entre deux formes tirées l'une de l'autre ; le second permet au comparatiste, dans le cas où un son d'une langue a plusieurs correspondants dans une autre, de choisir en chaque occasion celui qui l'arrange, pourvu que d'autres bonnes raisons corroborent son choix.
Problème : un comparatiste, privé des lumières de l'histoire externe, pourrait-il savoir lequel de deux états de langue apparentés et coexistants est le plus ancien ? Pulgram penche pour la négative. Luis Michelena, avec quelques nuances, est beaucoup plus optimiste : il montre qu'en plusieurs domaines la critique interne est arrivée par ses propres moyens à déterminer l'antériorité de certains faits en face des autres : on n'a pas besoin de révolution particulière pour deviner que behar dut est antérieur à behaut.
Néanmoins, en fin de chapitre, Luis Michelena avoue que ce genre de recherche relève en partie de l'art et exige quelque sympathie à l'égard de l'objet étudié."
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