LES PASTORALES EN JUILLET 1921.
La pastorale est un spectacle théâtral traditionnel du Pays de Soule, de plein air et amateur, rassemblant chaque année la population d'un village ou d'un groupe de villages.
Voici ce que rapporta à ce sujet Etienne Decrept, dans le quotidien La Gazette de Biarritz-
Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, le 11 juillet 1921 :
"Le Théâtre Basque et ses origines.
Les Pastorales.
Le théâtre basque et ses origines ? Voilà, certes, un titre bien ambitieux et dont rien à mon sentiment, ne justifie le second terme, car l'expression "origines" attribuerait à l'objet auquel je l'associe une antiquité respectable, que je lui refuse énergiquement. Si je l'adopte, c'est tout bonnement comme prétexte à gloser.
On devine qu'il s'agit de ces "Pastorales" populaires dans les cantons de Mauléon et de Tardets et à ce point inconnues dans tout le restant du Pays eskuarien que la majeure partie de ses habitants est ignorante du nom générique même d'un spectacle affirmé quatre fois centenaire par ses commentateurs.
Je ne voudrais pas railler ces Messieurs, dont la sympathie à notre égard se manifeste d'une façon tellement enthousiaste qu'elle va jusqu'à glorifier nos excroissances bâtardes, mais tout simplement les convier à une analyse plus pénétrante que celle à laquelle ils se sont livrés sur la foi de leurs antécesseurs et à l'aspect d'apparences captieuses.
Ces apparences, en vérité, ont une valeur persuasive qui suffirait à fixer l'opinion du plus rigoureux logicien si la logique des aspérités suffisait en ces matières, et il n'y a rien d'étonnant à ce que des philosophes — non des moindres, et que tout basquisant respecte — se soient laissés prendre à ce piège. Le consentement unanime d'une part, les similitudes de l'autre leur ont fait reconnaître en ces travaux informes et grotesques d'auteurs exagérément incultes une survivance des mystères au moyen-âge.
Certes, si les dissemblances sont nombreuses entre mystères et Pastorales, notamment l'absence en ces dernières des figures centrales du Christ et de la Sainte-Famille, la non indication de l'Enfer et du Paradis — parties essentielles du décor médiéval ! — les points de ressemblance ne manquent pas : Prologue et épilogue, démons et anges, mélange du bouffon au sérieux, recours au surnaturel, lutte des chrétiens et des infidèles, opposition des mauvais et des bons, fréquence des batailles, cérémonies du culte représentées sur la scène, intervention du chant et de la musique instrumentale, goût des dissertations théologiques, même dans les sujets dont le thème principal est profane... J'emprunte cette énumération à la controverse soutenue par l'excellent bascologue M. Albert Léon dans le journal Pyrénea où je m'étais permis d'exposer brièvement ma façon de concevoir la filiation des Pastorales souletines. J'y affirmais sans détours que la première en date de ces pastorales étant l'Oedipe représenté en 1769, le père indirect, mais réel du Théâtre basque, si respectueux de la Religion était — ô ironie ! — le parangon de l'Impiété au 18e siècle : Monsieur Arouet de Voltaire.
A l'appui de ce paradoxe, j'exposais qu'Oedipe, la première tragédie du spirituel écrivain qui la dédia, — par habileté ou par malice ? — à la duchesse d'Orléans, ayant eu un retentissement formidable dû, au reste, beaucoup moins à ses qualités propres qu'à ses illusions aux amours très scandaleuses du Régent, les Pères Jésuites, fiers du succès de leur disciple, avaient pu faire de son oeuvre une adaptation expurgée à l'usage des élèves de tous leurs collèges de France et de Navarre et qu'en celui de Pau, par exemple, ou d'Oloron, un prêtre d'origine basque pouvait, en s'inspirant de cette adaptation, avoir composé dans sa langue une "tragédie" pour l'agrément de ses compatriotes privés de toute joie intellectuelle.
Cette opinion peut d'autant mieux ses soutenir que les Jésuites furent aux 17e et 18e siècles grands faiseurs de tragédies scolaires et qu'en 1718, date de la Première du jeune Arouet, le bon Père Porée, son maître, se distinguait tout spécialement dans ce genre élémentaire de Dramaturgie.
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PRÊTRE CHARLES POREE |
C'est à lui que le nouveau tragique adressa la pièce et sa préface par l'entremise du Père Tournemine, secret négociateur entre la coterie du duc du Maine dont Arouet faisait partie et le fameux cardinal Albéroni, natif d'Anglet. Je note ce détail, en façon de parenthèse, parce que la commune voisine peu féconde en illustrations, — tout au moins dans le passé, — n'a pas, que je sache, commémoré par la moindre plaque de marbre la naissance de ce prince de l'Eglise et de ce premier ministre de la Monarchie espagnole qui aurait indubitablement joué un rôle encore plus considérable dans la politique universelle et dans l'histoire, si son rival Dubois n'eût entretenu de si déplorables, mais si utiles relations avec des dames de la plus basse qualité.
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CARDINAL JULES ALBERONI |
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