DU THÉÂTRE BASQUE À BILBAO EN 1910.
L'opéra Maïtena des Labourdins Etienne Decrept et Charles Colin, créé à Bilbao le 9 mai 1909, est présenté en Biscaye en juin 1910.
| OPERA MAÎTENA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Petite Gironde, le 10 juin 1910 :
"Le Théâtre basque à Bilbao.
Actuellement, au théâtre des Campos Elyseos, à Bilbao, capitale de la riche province de Viscaye, se développe une manifestation artistique du plus haut intérêt. Il s'agit de l'éclosion de l'art dramatique basque et de la fondation définitive d'un théâtre spécial ne jouant que des opéras inspirés par la musique populaire des curieuses et admirables provinces de l'Euskal-Erria.
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| THEÂTRE DES CHAMPS ELYSEES BILBAO PAYS BASQUE D'ANTAN |
Cette tentative, que couronne un prodigieux succès, est l'oeuvre d'une Société d'artistes, remarquablement énergiques et enthousiastes, intitulée : Société chorale de Bilbao.
L'an dernier, vers cette époque, la première oeuvre qu'elle présenta au public fut accueillie avec un enthousiasme indescriptible. Elle avait nom Maitena, pastorale lyrique basque de MM. Etienne Decrept pour les paroles et Charles Colin pour la musique. Les deux auteurs, Basques de nos régions françaises, furent acclamés comme les novateurs d'un art qui n'avait encore été que pressenti. Cette année, trois nouveaux drames ou contes lyriques basques sont représentés à grand spectacle sur la scène du même théâtre des "Campos Elyseos" et passionnent chaque soir près de deux mille spectateurs.
Les quatre pièces sont entièrement distinctes quant au style musical et au sentiment littéraire.
Maitena, dont le précieux livret a su captiver à la fois l'admiration des lettrés et de la gent populaire, a été écrit par le musicien dans la forme de l'opéra-comique classique, avec récits, airs, duos, quatuors, choeurs, etc. ; l'auteur a ajouté en outre tout au long de sa partition quelques mélodrames musicaux soulignant certaines scènes du dialogue. L'instrumentation, sans prétention aucune, est cependant colorée et sonore ; les motifs sont mélodieux, variés et nombreux ; mais ce qui a surtout séduit les auditeurs, c'est qu'en dehors des trois ou quatre airs populaires employés avec goût par M. Colin, toute la musique de l'ouvrage est imprégnée d'une saveur basque incontestable et persistante. Les personnages, de simples paysans du Labourd, sont dessinés de main de maître. Les malheurs de Maitena, qui a quitté les siens et l'heureuse maison de Landaburu, où elle a été élevée et choyée, pour suivre Domingo, qu'elle aime et qu'on lui refuse ; son triste retour dans es vêtements sombres de veuve, le sympathique rôle tout de douceur de la belle-soeur Chaadiâ, les éclats de colère du vieux Piarrès, la fidélité du brave Ganich, qui offrira de nouveau à la désespérée son nom et son appui ; enfin, l'allégresse du final après l'heureux dénoûment de la pièce, sauront longtemps encore attendrir et charmer le public.
La seconde pièce, dont la première représentation a eu lieu le 20 mai, est écrite par M. José Power, président actuel de la Chorale. Le sujet en est simple, net et dramatique. Mendi-Mendiyan (En Pleine Montagne), tel est son titre. L'action se déroule, en effet, dans les pâturages des sommets pyrénéens, entre bergers. Le drame, coupé par une Romeria (fête villageoise) autour d'une petite chapelle isolée, se termine par un lâche assassinat : l'amoureux évincé a poignardé son rival. Un épilogue vient ensuite qui a profondément ému l'assistance. La jeune bergère, dont le fiancé a été tué, vient par un sinistre temps de neige se lamenter sur la place, marquée d'une croix de branches, où est tombé son bien-aimé. En vain, son grand-père, vieillard débile, et son frère, un enfant, la supplient de les suivre dans la montagne ; il faut pour qu'"Andréa" reprenne conscience de son devoir filial que l'aïeul tombe sur le sentier glissant, alors que l'enfant est trop faible pour le relever. La pauvre désolée court vers le vieillard à terre, et tous trois reprennent tristement le chemin de la montagne.
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| MENDI-MENDIYAN MUSIQUE DE JOSE MARIA UZANDIZAGA |
José-Maria Uzandizaga, jeune musicien guipuscoan, a composé sur ce livret une oeuvre musicale d'une rare puissance.
Fidèle aux procédés chers à l'école moderne, sa partition tient plus du drame lyrique que de l'opéra. Ses motifs — des motifs basques, bien entendu — sont développés avec une science parfaite. L'instrumentation énergique, violente même, s'adapte admirablement à l'esprit du sujet qu'elle dramatise encore. Quant à l'épilogue, il a donné au sympathique compositeur, qui touche à peine à sa vingt-troisième année, l'occasion d'écrire une page musicale de tout premier ordre. Le succès a été spontané, sincère, très grand et très mérité.
Est venu ensuite le "conte lyrique" intitulé : Lide ta Ixidor — Lydie et Isidore — dont le sujet gracieux, la musique agréable et l'admirable mise en scène ne peuvent que charmer le public de dilettanti passionnés qui se pressent chaque soir au théâtre des "Campos Elyseos".
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| LIDE TA IXIDOR DE SANTOS INCHAUSTI |
"Lide" et "Ixidor" sont deux enfants, le frère et la soeur, et la pièce est un rêve qu'ils font tous deux sous une influence quasi féérique. Il y a là des choeurs et des ballets exécutés par une centaine d'enfants, élèves de la Chorale ; dans de délicieux décors peints par l'unique "Escenograph" de tous les ouvrages, le bon artiste Eloy Garay. L'auteur de ce conte plein de détails charmants est M. Alfredo de Echave, précédemment président de la Chorale. La musique en a été confiée à M. Santos Inchausti, organiste, pianiste, chef des choeurs de la Chorale. Les motifs basques abondent dans la partition, où sont à noter plusieurs morceaux remarquables. L'ouvrage ne comprend pas moins de quatre actes, illustrés par une musique douce et mélodieuse.
Quant à la quatrième pièce mise à la scène par la Chorale, elle a pour titre : Mirentchu (petite Marie). Elle est l'oeuvre, comme la précédente, de M. Alfredo de Echave. C'est un mélancolique drame campagnard. La jeune Mirentchu, fille d'un meunier, est recherchée par Raymondo, qu'elle aime. Raymondo, de caractère un peu léger, s'est amouraché également de l'amie de Mirentchu, Presen. En réalité, c'est Presen qu'il aime, et il s'est imprudemment avancé en faisant la cour à Mirentchu. Mais celle-ci est une pauvre petite phtisique qui ne doit pas vivre longtemps. Aussi Presen chasse-t-elle de son coeur tout sentiment de rancune ou de jalousie. Raymondo, malgré son amour pour Presen, maintiendra Mirentchu dans la douce illusion de leur prochain mariage. Mais Mirentchu surprend son fiancé et son amie enlacés ; le coup est si rude qu'elle en meurt, en leur pardonnant.
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| MIRENTCHU D'ALFREDO DE ECHAVE |
Le musicien auteur de la partition de Mirentchu est M. J. Guridi, natif de Vittoria (province d'Alava), mais considéré comme enfant de Bilbao, où il habite. Du même âge que son collègue Uzandizaga, il a fait ses études musicales avec celui-ci à Paris.
Guridi fait preuve dans la musique de Mirentchu d'un talent personnel et d'un goût épuré. Ses mélodies, développées avec cette science de la fugue dont sont si fiers les musiciens modernes, conservent leur charme sous le travail des variations et sonnent agréablement à l'oreille. La composition de scènes musicales révèle chez le jeune artiste un réel sens de la "ligne". L'instrumentation, plus sobre mais non moins habile que celle d'Uzandizaga, se confie plus souvent à la belle sonorité du quatuor à cordes. Le succès de Mirentchu a été très vif.
L'exécution de tous ces ouvrages est confiée uniquement aux éléments de la Société chorale de Bilbao, qui, parmi les 250 choristes — hommes, femmes et enfants — qui la composent, a su former un lot de chanteurs et de chanteuses d'opéra qui feraient fort bonne figure sur nos premières scènes françaises, et que dirige avec un art consommé le vétéran directeur vénéré de la Chorale, le maestro Valle.
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| MAESTRO AURELIANO VALLE TELLAECHE |





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