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dimanche 12 octobre 2025

COUTUMES FUNÉRAIRES À IHOLDY EN BASSE-NAVARRE AU PAYS BASQUE AUTREFOIS (deuxième et dernière partie)


COUTUMES FUNÉRAIRES À IHOLDY.


La mort est un événement important dans les rituels du Pays Basque d'Antan.




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PLACE ET EGLISE IHOLDY BASSE-NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin du Musée Basque N° 37 1967, sous la plume de Jean 

Haritschellar :



"Coutumes funéraires à Iholdy (Basse-Navarre).

Communication présentée par M. Jean Haritschelhar, directeur du Musée Basque de Bayonne, au colloque d'études ethnographiques Rocha Peixoto de Povoa de Varzim (Portugal), le 28 octobre 1966.




... Le convoi funèbre.



Le jour de l'enterrement, à l'heure prévue, le prêtre se présente à la maison et procède à la levée du corps, en récitant les prières de la liturgie romaine. Le convoi s'ébranle. En tête, le premier voisin porte la croix. Il est suivi par le deuxième voisin porteur de deux cierges. Puis viennent les porteurs de la croix de marbre qui sera posée sur la dalle mortuaire, de couronnes et de gerbes de fleurs, tous gens du quartier et proches voisins de la ferme où a eu lieu le décès. Ces personnes marchent sur une file, les unes à la suite des autres, précédant le drap du Tiers Ordre et le drap du Rosaire qui est, selon le sexe du défunt, tenu par des hommes ou des femmes. Selon une préséance depuis longtemps établie, les hommes du village s'avancent après le voisinage, toujours sur un rang, du moins jusqu'en 1966 où la marche du cortège funèbre a commencé à se faire sur deux rangs. Le prêtre flanqué de l'enfant de chœur et le chantre alternent leurs chants rituels ; ils sont placés juste avant le cercueil porté à dos d'hommes par les hil ketariak ou transporté dans le corbillard. Immédiatement après le cercueil vient le deuil. Les hommes sont simplement habillés d'un costume sombre. Aux épaules a été fixée la petite cape de deuil assujettie par des épingles et qui, tombant le long du dos, est ensuite reprise et passée sur le bras gauche. Mon oncle m'affirme qu'avant la guerre de 1914 les hommes revêtaient la grande cape de deuil semblable à celle qui est portée en Labourd, à Sare en particulier. A la suite de la guerre de 1914, le port de la petite cape s'est généralisé et il tend à disparaître aujourd'hui. On peut même dire qu'il s'est perdu en 1966. Les femmes ont revêtu la grande cape ou mantaleta qui descend jusqu'aux pieds. Leur visage est caché par un voile qui va jusqu'à la poitrine. Le vêtement de deuil féminin est d'ailleurs le même dans les trois provinces françaises du Pays Basque. Les femmes du village ferment la marche dans ce défilé extrêmement long qui depuis cette année s'est singulièrement raccourci par l'application de la nouvelle coutume qui consiste à marcher deux par deux.



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MANTEAU DE DEUIL
PAYS BASQUE D'ANTAN


A l'église.



Au moment où le cortège rentre à l'église, la première voisine allume les rouleaux de cire (ezkuak) qui sont alignés juste devant le premier rang de chaises, endroit où le deuil féminin viendra s'agenouiller pour la cérémonie. Ces rouleaux de cire sont ceux de la famille, des parents et aussi ceux des voisins. Le deuil des hommes se met dans les galeries, très exactement dans la tribune qui fait face au maître-autel et, selon la tradition, les hommes qui assistent à l'enterrement vont aux galeries où ils prennent la place qu'ils ont l'habitude d'occuper le dimanche tandis que les femmes occupent les chaises du bas, chacune retrouvant l'emplacement qui est le sien.



La liturgie des funérailles est depuis très longtemps fixée et ne se modifie actuellement que par l'introduction de l'eskuara qui prend la place du latin dans les parties où l'église l'autorise. Après la lecture de l'évangile a lieu la quête. Ceux qui veulent donner une messe pour le repos de l'âme du défunt mettent le montant de la messe soit dans une enveloppe, soit dans un bout de papier portant leur nom suivi du nom de la maison. Le quêteur met les enveloppes dans sa poche pour bien les séparer de la quête proprement dite dont le produit sert à l'église. Ensuite a lieu la cérémonie de l'offrande ou du baisement de croix qui est réservé à tous ceux qui n'ayant pas donné de messe peuvent ainsi apporter une participation de messe. Le défilé commence toujours par les hommes qui descendent des galeries et se termine par les femmes.



La messe dite, l'absoute chantée, aux accents de In paradisum le cercueil est conduit au cimetière qui, à Iholdy, entoure l'église. Mais seuls les hommes ont le droit de sortir. Le deuil complet (hommes et femmes) ainsi que les femmes qui sont à la cérémonie restent en prières à l'intérieur de l'église. Le cercueil est mis en terre et le cortège revient vers le porche de l'église. Le curé rentre, se déshabille et ressort avec le deuil et les femmes et il retrouve les hommes qui sont restés sous le porche de l'église. Là un De Profundis est récité par tout le monde, tandis que, avant de se séparer, le curé invite à manger de la part de la famille en deuil, tous ceux qui ont pendant quelques jours participé réellement et aidé ceux qui étaient dans la peine.



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MANTEAU DE DEUIL
PAYS BASQUE D'ANTAN



Retour à la maison.



Le retour à la maison donne lieu à Iholdy à une coutume spéciale que je n'ai pas eu l'occasion de voir en d'autres endroits. Lorsque le deuil se présente devant la maison, une des personnes du voisinage qui est occupée à préparer le repas allume dans la cour un petit feu de paille. Le deuil se réunit tout autour. Le chantre ou le premier voisin récite des prières : le Gure Aita, l'Agur Maria et le De Profundis. Ce n'est qu'après la récitation de ces prières et après que le feu de paille se soit éteint que le deuil pénètre dans la maison. Quelle en est la signification ? Mes informateurs n'ont pu me la donner. Rite purificateur vraisemblablement, cette coutume est enracinée à Iholdy et durera — déclare le chantre — tant que lui-même vivra. Faut-il rapprocher cette coutume de celle qui existait autrefois à Sare et que relate Arçuby : "après la cérémonie des funérailles les dépouilles de maïs (lastaira) qui entraient dans la composition de la couchette du défunt étaient brûlées sur le carrefour le plus proche de la maison mortuaire. Les passants qui en comprenaient la signification s'arrêtaient pour adresser une prière à la mémoire du disparu". A partir du moment où le matelas de laine a remplacé l'humble paillasse (dans lastaira on a lasto qui signifie paille), le feu de paille symbolique n'est-il pas venu se substituer à la cérémonie hygiénique et par conséquent purificatrice de l'incinération de la paillasse ?



Le repas réunit les membres de la famille, les voisins et tous ceux qui se sont rendus utiles dans le temps de douleur. On traite bien les invités : la poule au pot, le mouton rôti sont traditionnels à Iholdy dans les repas qui suivent les funérailles. A la fin du repas le premier voisin recueille les messes qui sont données par les parents et amis. Il en dressera une liste à laquelle s'ajouteront les messes qui ont été collectées au cours de la quête, ainsi que le produit de l'offrande. Avant de se séparer le premier voisin ou le chantre récite devant toute l'assemblée qui répond les prières rituelles : Gure Aita, Agur Maria et De Profundis. Dès lors le premier voisin a rempli entièrement son devoir, le maître de maison reprend ses droits.


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LE DEUIL AU PAYS BASQUE
PAR JACQUES LE TANNEUR


L'année qui suit le décès : le grand deuil.



La neuvaine commence le lendemain même de l'enterrement. Cela signifie que la famille en deuil se rend chaque jour de la neuvaine à la messe du matin, habillée comme le jour des obsèques. Le premier dimanche, elle est tenue d'aller, toujours en habits de deuil, à la grand-messe au cours de laquelle, au moment du prône, sera lue la liste des messes données pour le repos de l'âme du disparu. En premier, celles de la famille, puis celles de tous ceux qui les ont offertes, enfin celles qui résultent de l'offrande. Des dons sont faits par la famille du défunt au profit de l'école libre quand il y en a une et des œuvres de la paroisse. Il existait, il n'y a guère, deux sortes de messes : les messes chantées et les messes basses. Depuis une dizaine d'années environ, il n'existe plus qu'une seule classe de messes. Pendant toute une année le luminaire de la famille (ezkua) restera en permanence à l'église et il sera confié aux bons soins de la benoîte qui l'allumera chaque matin pendant les offices moyennant une certaine redevance. Chaque fois que l'on se rend à l'église ou au bourg on ne manque pas d'aller prier sur la tombe familiale car au Pays Basque le culte des morts est profondément enraciné.



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ECOLE IHOLDY BASSE-NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Enfin, un an après, le jour de l'anniversaire du décès, tous les membres de la famille se rendront en habit de deuil à la messe du premier anniversaire qui a été demandée assez longtemps à l'avance au curé de la paroisse.



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EGLISE ET CHÂTEAU ELISABELLAR IHOLDY
PAYS BASQUE D'ANTAN


Désormais il est possible de quitter les habits de grand deuil et d'adopter les couleurs de demi-deuil qui sont le blanc et le violet. Au retour de la messe d'anniversaire le maître de maison se rendra à l'étable. Il reprendra les cloches et clochettes qui avaient été rangées le jour du décès pour les attacher au cou des vaches et des moutons. Les bêtes ne sont plus en deuil ; elles ont désormais le droit d'oublier."









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