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mardi 14 octobre 2025

UN PÈLERINAGE À LEZO EN GUIPUSCOA AU PAYS BASQUE EN 1920 (deuxième et dernière partie)

 

UN PÈLERINAGE À LEZO EN 1920.


Dès 1203, et la fondation de Fontarrabie, sa voisine en Guipuscoa, la commune de Lezo est citée dans les textes anciens.




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SANCTUAIRE DE LEZO GIPUZKOA
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Gaulois, le 7 février 1920, sous la plume de René 

Bizet :



"Trois aspects de l'Espagne Catholique (suite).



... Devant le sanctuaire de Lezo, tout va changer. Une place étroite et qu'encombrent des chanteurs ambulants, des marchands de sabots, d'espadrilles ou d'articles de culture, contient mal une assemblée d'hommes et de femmes qui attendent leur tour de pénétrer dans la basilique déjà pleine et dont, par la porte large ouverte, on aperçoit l'autel piqué des étoiles des cierges allumés. Par bouffées, des chants en latin sortent de l'église et viennent se heurter aux chants profanes que les musiciens de la rue accompagnent de leur guitare bourdonnante. Ils ne se contrarient point. C'est le même peuple qui prie là-dedans et se distrait dehors, sur des airs également faciles, également simples. Les voix des boutiquiers et des acheteurs, les disputes, les marchandages et les rires mêlent leurs bruits aux oraisons. La prière est une expression de la vie de ce peuple de paysans, comme les querelles de marché.



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PLACE ET SANCTUAIRE LEZO GIPUZKOA
PAYS BASQUE D'ANTAN


L'attente est longue devant la porte, car il n'y a pas d'autres sorties. Pas à pas, pourtant, on se rapproche. Nous voici sur le seuil, les yeux étonnés par l'ombre, dans un bain de fraîcheur qui fait frissonner. Pas de vitraux ni de fenêtres, des ténèbres trouées seulement par brasier de l'autel. Des rangées de bancs et un va-et-vient incessant qui mêle ses bruits de pas aux prières et aux cantiques, à la voix du prêtre et des enfants de choeur.



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SANCTUAIRE DE LEZO GIPUZKOA
PAYS BASQUE D'ANTAN



Et puis les yeux s'accoutument à l'obscurité et s'arrêtent sur le "Santo Christo" imploré par toutes ces ferveurs et qui, semble, de son geste éternel, arrêter au mur du sanctuaire l'élan des oraisons obstinées. Il est là, derrière l'autel, cireux, cadavérique, les hanches cachées sous une sorte de jupon de satin noir qui rend plus funèbre encore sa maigreur tragique, tordue par la douleur. Il parle, de toute son attitude exténuée, à cette foule qui a besoin pour comprendre d'images nettes, fortes et qui disent bien ce qu'on veut qu'elle sache. Il est un de leurs morts. Ils ont vu son frère humain, étendu sur le lit de leur pauvre chambre, et ce sang qui coule de la plaie du corps et des mains et des pieds est vraiment aussi du sang humain. C'est lui qu'on supplie, c'est Lui qu'on embrasse, comme on baiserait, avant de l'ensevelir, le cadavre d'une mère ou d'un fils. Car on l'embrasse ainsi. A la base de la croix, une sorte de fenêtre est pratiquée et à toute seconde, entre l'encadrement de deux cierges, apparaît à cette lucarne un visage d'homme, de femme ou d'enfant, puis un cou qui se penche, des lèvres qui s'avancent et se posent sur la tache sanglante que le clou des bourreaux a mise aux pieds du Sauveur. Pour qui n'est point préparé à ces apparitions et à ces gestes, cette manifestation de la piété a quelque chose de théâtral et de naïf à la fois qui prête au sourire. Ces têtes apparues puis qui disparaissent derrière l'autel, cette succession de faces surgies puis comme happées par une trappe invisible a, dans l'éclairage vacillant, la houle murmurante des prières, on ne sait quoi de mélodramatique et de grotesque... Mais l'ardeur, la foi ambiante vous ressaisissent, la sincérité de tous ces baisers vous étreint. On regarde, on s'étonne, et l'on suit malgré soi la file des pèlerins. On entre dans la sacristie, où des prêtres osseux tendent des sébiles pour les offrandes. On gravit les marches de l'escalier, et les cliquetis de chapelets, les glissades d'espadrilles, les martèlements des sabots, les voeux formulés naïvement à voix basse forment une atmosphère de vie et d'irréel dont on subit l'enchantement. On ne voit que des corps, soudain guillotinés. Des baisers bruissent, immatériels ; par un coin de la petite fenêtre, on aperçoit une flamme de cierge dans les ténèbres, la petite lumière divine dans la brume fétide que nous tissent nos jours...



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CHRIST DE LEZO GIPUZKOA
PAYS BASQUE D'ANTAN



Ici, tout est mystère et groupé pour laisser aux imaginations simples libre cours. Toute cette foule n'a qu'une ardeur, un même élan, la porte vers le Christ miraculeux, les mêmes pensées hantent ces cerveaux, une même voix pourrait lancer cette force qui se recueille vers la croisade ou la bataille. Nul catholique ne se sentira étranger à ces catholiques. Tous, prêtres et fidèles, sous cette voûte, expriment une foi qui est notre foi...



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SANTO CRISTO LEZO GIPUZKOA
PAYS BASQUE D'ANTAN


Et nous sommes ramenés dans la petite nef ; la porte, au fond, large ouverte sur la plaie, découpe un morceau de ciel et de mur jaune ; des branches d'arbres se dessinent. La nature pénètre dans le temple, comme elle tressaille dans ces âmes qui vivent près d'elle. Il faut sortir. D'autres pèlerins attendent. Nous traversons la barrière qu'ils forment à l'entrée ; nous voilà dehors. Les guitares des chanteurs ambulants bourdonnent toujours, l'accent rugueux du parler basque roule toujours devant des baraques de toiles où l'on discute et, cierges en main, la troupe renforcée des fidèles oscille maintenant en rangs serrés, loin sur la route...



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VUE GENERALE LEZO GIPUZKOA
PAYS BASQUE D'ANTAN


Le soleil de dix heures illumine tout le paysage où grouillent, parmi les arbres et les maisons basses, paysans, paysannes et mendiants. Nous ne les voyons plus avec nos yeux de voyageurs, étonnés de tant de dissemblances avec nous. Ces visages-là, nous venons de voir leurs pareils courbés comme les nôtres ou émerveillés de joie. Nous nous comprenons. Notre pays basque français est proche. Nous nous y sentons chez nous. Il s'en faut de bien peu que nous n'ayons ici le même sentiment. C'est le miracle d'une foi commune, pareillement entendue, et qui fait que ces horizons, ces formes, ces gens qui les peuplent ou les entourent, émeuvent notre sensibilité, sans effort, comme l'aspect d'un coteau familier, ou d'un ami qui revient d'un long voyage."



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