L'IMPÉRATRICE ZITA DE BOURBON-PARME AU PAYS BASQUE EN 1924.
Zita de Bourbon, princesse de Parme puis, par son mariage, impératrice d'Autriche et reine de Hongrie, est née le 9 mai 1892 à Camaiore, en Italie, et morte le 14 mars 1989 à Zizers, en Suisse.
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| ZITA DE BOURBON-PARME |
Epouse de l'empereur Charles 1er, elle est la dernière impératrice d'Autriche, reine de Hongrie et
reine de Bohême.
L'Eglise catholique la considère comme servante de Dieu.
Voici ce que rapporta à son sujet Henry Vidal dans le quotidien Le Figaro, le 21 juin 1924 :
"L'Impératrice Zita à Léquéitio.
Bilbao, juin 1924.
Nonchalante dans une baie, courroucée dans la baie voisine où elle brûle de ses embruns les noyers et les châtaigniers qui descendent à elle, cette mer des Contabres est une mer de contradictions. Elle baigne vingt villes à peu près inconnues des touristes français : Zaraus, Ondaoa, Motrico, Guétaria, tant d'autres à la fois maritimes et montagnardes, qui jusqu'à Santander perpétuent, gardées par leurs cathédrales antiques au long desquelles sèchent des filets de pêcheurs, les traditions et les coutumes basques.
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| DETAIL DU PORT LEQUEITIO BISCAYE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Il est un de ces bourgs que chanta Miguel de Unamuno, le poète de la Biscaye, où les roses semblent plus qu'ailleurs roses, où les acacias, plus qu'ailleurs, chargent l'air de parfums. C'est Léquéitio.
A Léquéitio, le soleil de juin est si généreux que le dimanche les guipuzcoans, après avoir attaché aux balcons, avec les palmes blanches, des banderoles rouges et jaunes, se retirent dans leurs maisons fraîches comme l'aurore. Ainsi les rues étaient désertes, hier, et seules, quelques petites filles à l'abri de l'église jouaient au diabolo ou chantaient d'éternelles rondes auxquelles prenaient part les hirondelles folles, là-haut, près du clocher.
Elles jouaient, ces petites filles, devant le portail grand ouvert de la villa Uribarren que surmontent un tortil et un chiffre de fer. Mais tout à coup, leurs chants cessèrent car les cloches sonnaient, voix familières et très vieilles — un peu cassées.
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| PALAIS URIBARREN LEQUEITIO BISCAYE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Alors, de la villa Uribarren sortit une ombre. Couverte de crêpes, elle descendit les degrés du perron, traversa le jardin et entra dans l'église — dans l'église gothique au maître-autel filigrané où sur les dalles, devant chaque prie-Dieu, brûle, petite flamme d'or, un rat de cave jaune. L'ombre qui s'empressait de la sorte aux offices était S. M. la reine de Hongrie et impératrice d'Autriche.
Les fillettes qui s'étaient tues à son passage recommencèrent de jouer. Elles lançaient leur diabolo dans les magnolias et, quelquefois, la toupie dans sa course frappait une fleur blanche dont les pétales détachés étaient, par les enfants, transformés en diadème.
J'entrai dans le jardin où tout le monde peut entrer. J'essayai de m'intéresser aux statues de l'escalier, aux troupes de frelons à qui, dans les giroflées odorantes, des moineaux déclaraient la guerre ; je voulus voir si dans la vasque il y avait des poissons argentés. Mais rien ne savait me distraire. Les voiles noirs avaient tout obscurci, la mer n'était plus aussi bleue, les roses aussi rouges, l'air aussi fluide et embaumé...
Dans la villa Uribarren, à Léquéitio, sur la côte cantabrique, s'achève silencieusement un drame qui commença à l'automne de 1918.
L'armistice signé, l'empire austro-hongrois démembré, Charles de Habsbourg, la reine Zita et leurs enfants se réfugièrent à Prangins, dans la Suisse hospitalière aux détresses politiques. Pendant un long temps le monde ne s'occupa plus de ces souverains détrônés qui, d'ailleurs, semblaient se résigner à leur sort et se plaisaient, disait-on, dans l'oubli. Et puis, au printemps de 1921, soudain, l'on apprit que Charles de Habsbourg était rentré dans ses domaines. Le jour de Pâques, il s'efforça, à Budapest, de reconquérir le pouvoir. Il échoua, se retira dans le palais épiscopal de Szombathély où, malgré tout, durant une semaine, il refusa de croire à l'effondrement de son rêve. La Hongrie occidentale, lui assurait-on, faisait sienne la cause de son ancien roi. Le colonel Lehar et quarante mille hommes se disposaient à investir la capitale. Szombathély était en fête. On espérait... Mais au bout de huit jours, on sut que la Petite-Entente mobilisait ses divisions pour chasser Charles VI, on sut que le régent avait fait bon marché de ses convictions monarchiques, on sut enfin que les ambassadeurs, conférant à Paris, lui rappelaient les termes d'une déclaration prononçant l'exclusive contre la dynastie.
Charles de Habsbourg reprit le chemin de la Suisse. A Szonbathély, il fit à un peuple vibrant des adieux attristés, mais il se proclama quand même roi de Hongrie, roi couronné...
Puis un été passa. Fixé à Hertenstein, sur le lac des Quatre-Cantons, l'Empereur occupait avec sa famille une maison cachée dans les fleurs et les frondaisons. Un jour — c'était le 20 octobre — un avion géant monta de Dubendorf, se mira dans l'eau de Constance, disparut dans la rue, franchit d'un bond les montagnes bernoises et, à la nuit, atterrissait près d'Oedembourg, dans le célèbre vignoble hongrois. Une femme était du voyage. Le château de Csirsky donna asile à ces augustes pèlerins. Le lendemain, le Roi en repartait pour Budapest, dans un wagon blindé, suivi par trois trains militaires.
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| CHARLES 1ER ZITA ET LEURS ENFANTS A HERSTENSTEIN SUISSE 1921 Par Auteur inconnu — Imperial Twilight by Bertita Harding pg 219, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=11340464 |
Aux portes de la capitale ses troupes se heurtèrent aux troupes du régent. Le sang coula — très peu. Charles VI hésita... Avec l'Impératrice il fut fait prisonnier à Papatovaros, avec elle interné dans l'abbaye de Thiany, sur le lac Balatos.
L'Europe s'irrita de son obstination. Elle décida, par la voix de ses diplomates, l'éloignement définitif du prince qui ne voulait pas renoncer. Ce fut l'embarquement sur le vapeur Cardiff, l'exil dans une "Sainte-Hélène en rose".
Quelques mois encore de silence. Et le 1er avril, un après que le cloches de Pâques avaient sonné joyeusement, l'empereur Charles de Habsbourg mourait dans cette villa de Madère que lui avait ouverte un noble portugais.
Les tentatives du monarque déchu, ses ambitions pour recouvrer une couronne qu'il estimait avoir perdue au mépris de toute justice, avaient été brisées par la volonté des nations alliées, sans doute, mais aussi par cela que Charles Vi ne possédait pas les sommes d'argent nécessaires à de pareilles entreprises.
Ce n'est point un secret que le couple royal, quand il s'établit à Prangins, connut tout de suite la gêne. Quelques partisans apportèrent au prince leurs revenus diminués, mais lorsqu'il résolut de rentrer en Hongrie, il dut abandonner à d'âpres négociants une part des joyaux venant de la Couronne. Au lendemain de son dernier revers, il ne restait au Roi que son bagage d'émigrant. A ses projets très chers il avait tout sacrifié.
De quoi vécurent, à Funchal, les souverains proscrits ? Des journaux autrichiens, attentifs à combler la curiosité populaire, ont imprimé alors mille fausses nouvelles. Ils nous ont dit que des accords s'étaient conclus entre l'empereur Charles et le gouvernement tchécoslovaque pour la liquidation de terres séquestrées ; ils nous ont dit que dans les Amériques des quêtes étaient faites au profit des réfugiés. Plus tard, après les obsèques, à Do Monte, quand la courageuse impératrice vint habiter l'Espagne, les gazettes nous firent de l'indigence dans laquelle se trouvait cette princesse infortunée, des récits émouvants. Hélas ! ils contenaient beaucoup de vérité. Il est exact que, depuis les jours de Madère et jusqu'aux jours présents, les errants que sont les Habsbourg vivent non pas d'aumônes, mais de pieuses offrandes. De fidèles Hongrois fauchent chaque an, à l'intention de l'Exilée, une part de leurs céréales — pour Elle, pour l'Impératrice, pour Lui, le prince Otto, leur petit Roi.
Parfois aussi arrive, dans le port, quelque envoi anonyme : une maman française adresse à l'héritier de l'Empire d'Autriche un modeste cadeau. Et, ce soir-là, c'est pour la France que prient les archiducs et les archiduchesses. La France !... Notre sol leur est défendu — notre sol seulement. S'ils ne le peuvent pas fouler, du moins, à l'heure où le jour meurt, écoutent-ils des voix qui, par-dessus la mer, leur viennent de Paris. C'est leur seul luxe, à ces enfants de Roi : un appareil téléphonique avec lequel ils captent des chansons et des musiques aériennes. "C'est la Tour ! Ecoutons..."
J'ai lu, dans un journal romain, que ces petits bannis allaient être moins pauvres. La Reine, assurait-on, va pouvoir retirer la "rose Florentine" que détenait une banque de Berne.
Le "Florentin" fameux ne verra pas l'encan pour la raison qu'il n'est pas plus en possession d'un banquier suisse qu'il ne sera rendu à la reine Zita. Cette gemme, qui appartint au Téméraire et eut de belles aventures, est détenue par un inconnu. Quelques heures avant sa fin, Charles VI paral d'elle :
— Le "Florentin", dit-il, a été confié au plus zélé de nos amis. Le jour même où Otto recevra la couronne, le diamant lui sera remis.
Il n'en a pas dit davantage. L'Impératrice s'est inclinée. Le diamant est sous bonne garde. Elle n'a pas à y songer. Mais ses pensées, par contre, elle les donne toutes à l'éducation de son fils — son fils qui doit régner.
Le jeune prince Otto est un vaillant garçon. Sa mère dit de lui qu'il est prudent et sage. Sous la direction de personnes pour qui la charge est un apostolat, il étudie les langues, les sciences, les arts. A onze ans et demi, il sait beaucoup de choses. L'Impératrice, elle, s'est réservé de cultiver son coeur. Elle est assez bonne, et sensible, et brave pour faire de son Roi le plus digne des Rois.
Montera-t-il quelque jour sur le trône ? L'Impératrice en a la certitude. Elle croit que si Dieu l'a durement frappée, il la récompensera dans son fils. Elle s'étonne que les hommes aient été si cruels, qu'ils aient été impitoyables à l'égard du "Mort de Madère" que la tuerie des peuples révoltait, et généreux pour les coupables. Elle ne comprend pas "qu'avoir voulu la paix" mérite une plus rude peine qu'avoir voulu "la fraîche et la joyeuse guerre"...
Son fils ! "Dieu le regarde !" répète-t-elle en contemplant son front et ses grands yeux de nuit où brillent des lumières. "Dieu le regarde !"...
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| AUTEL MAJEUR EGLISE LEQUEITIO BISCAYE PAYS BASQUE D'ANTAN |





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