LES CHUTES DE BANCA EN 1929.
En janvier 1929, a lieu une enquête officielle, en Basse-Navarre, concernant l'impact de barrages sur la Nive pour la reproduction du saumon.
Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin N°12 de la Société des Pêcheurs de la Nive, sous la
plume de M. Rocq :
"L'enquête sur les chutes de Banca.
Comme nous l'avions annoncé, une commission interministérielle est venue le 24 janvier enquêter sur la répercussion que pourrait avoir pour la reproduction du saumon en Nive, le report de Saint-Jean-Pied-de-Port à Saint-Martin d'Arrossa de la limite amont de la zone où tous barrages sont interdits.
Si cette commission estimait que la limite amont pouvait être ainsi reportée, les projets de la Société des Chutes de Banca seraient pris en considération et soumis à l'enquête légale de commodo et incommodo, enquête qui n'aurait guère pour objet que d'évaluer les indemnités pour l'assèchement à peu près total de la Nive de Baïgorry, de Banca à Arrossa, et de la Nive de Saint-Jean-Pied-de-Port, d'Ascarat à Arrossa.
Je tiens bien à préciser ce point.
Sans le saumon, sans la réserve que j'ai pu en juillet 1927 faire reconnaître comme justifiée par MM. les directeurs généraux des Eaux et Forêts et des Forces Hydrauliques, les projets de la Société des chutes de Banca auraient presque 99 chances sur 100 d'être acceptés.
Devant l'insistance de la dite Société, la Direction générale des Forces Hydrauliques accepta de faire examiner si, sans porter atteinte au principe de "la Nive, rivière réservée en France à la reproduction du saumon", on pouvait reporter à Saint-Martin d'Arrossa, la limite amont de la zone où tous barrages seraient interdits.
Une commission interministérielle fut désignée, comprenant M. le conservateur des Eaux et Forêts de Lachadenède, pour le ministère de l'Agriculture, M. l'ingénieur en chef Crescent, chef des Forces Hydrauliques du Sud-Ouest à Toulouse pour le ministre des Travaux Publics.
La Société des Chutes de Banca avait demandé à M. le professeur Roule, directeur de l'Aquarium de la ville de Paris et professeur au Muséum, de lui servir d'expert, M. le conservateur de Lachadenède me demanda de représenter les intérêts locaux, tant de la Nive que de l'estuaire. Ce fut une enquête imposante, car les services locaux intéressés y assistaient : M. Lesbre, ingénieur des Ponts et Chaussées, M. Barrère ingénieur des Travaux publics, M. Claverie inspecteur principal des Eaux et Forêts, M. Renoux, garde général ; M. Lagasse et des ingénieurs représentaient les Chutes de Banca.
M. le professeur Roule avait parcouru les bords de la Nive la veille avec M. Lagasse et visité notre pisciculture Chambeau.
Les représentants des Chutes de Banca pour démontrer "l'absence du saumon" en Nive demandèrent, paraît-il dans les boutiques de Saint-Jean-Pied-de-Port à acheter du saumon !!! Le 24 janvier ! Ils ignoraient d'abord que la pêche n'ouvrait que le 1er février ; ensuite que le saumon pris en Nive est vendu à Bayonne.
Le 24 janvier, notre directeur des piscicultures, M. Antchartechahar, montra aux enquêteurs deux frayères de saumon dans la Nive de Baïgorry, car on dirait que le saumon a tenu cette année à faire tout son possible pour contrecarrer les projets destinés à l'évincer de ses frayères.
En effet, par suite du barrage d'Halsou, les frayères de saumon furent très rares cette année comme l'an passé, mais il y en eut une de plus dans la Nive de Baïgorry que dans la Nive principale pour leur démontrer sans doute l'importance de l'Ibaïgorry !
Au point de vue du saumon, je me suis attaché à mettre en lumière les faits suivants que tous les gens du pays connaissent :
Toutes les frayères de saumon efficaces sont celles qui se trouvent en amont du confluent des deux Nives, soit sur la Nive principale, soit sur la Nive de Baïgorry, c'est d'ailleurs là où la truite domine nettement.
La théorie de M. le professeur Roule sur les besoins du saumon en oxygène dissous est tout à fait juste dans chaque rivière, c'est-à-dire que dans toute rivière où le saumon s'engage, d'après les théories généralement admises, parce qu'il y est né, le saumon remonte pour frayer vers les zones où l'oxygénation de l'eau est maximum.
Or, ces zones sont vers Saint-Jean-Pied-de-Port et dans la Nive de Baïgorry (ce sont en même temps les meilleures eaux pour la truite) et plus les frayères à saumon sont situées en amont, ou ce qui revient au même en des eaux très oxygénées, plus elles sont efficaces, donc essentielles à maintenir.
Tous les pêcheurs savent que les meilleures eaux pour les frayères du saumon commencent dans la Nive de Baïgorry au confluent pour aller jusqu'au barrage d'Eyhéralde, et dans la Nive depuis le "Chalet Double" jusqu'à Saint-Jean-Pied-de-Port.
En dehors de cette zone il reste entre le chalet double et le pont du chemin de fer numéro 3, près de l'auberge Mendiboure, une autre zone de frayère moins bonne puisque le poisson blanc s'y rencontre déjà.
Si l'on établissait les barrages projetés de Baïgorry à Arrossa et de Saint-Jean-Pied-de-Port à Arrossa : on supprimerait totalement le saumon dans la Nive.
En effet, il ne resterait plus que les quelques frayères que l'on voit en aval du barrage d'Ossès, frayères des saumons épuisés et incapables de ce fait de franchir ce barrage.
Ces frayères sont au milieu de bancs immenses de barbeaux et leur rendement est à peu près nul, ce serait donc vraiment la disparition du saumon en Nive.
M. le professeur Roule pensait que le saumon était détourné de la Nive par l'accroissement de la ville de Bayonne le long de cette rivière.
Or, il est facile de voir que le développement de Bayonne a été nul de ce côté, toutes les constructions nouvelles sont à Saint-Esprit, vers Anglet ou Blancpignon ; les égouts aboutissent dans l'Adour.
D'ailleurs, le saumon s'est chargé cette année de réduite à néant ce sombre pronostic.
Toute la montée de 1930 se fait dans la Nive, et argument plus important, cette montée avait été annoncée par notre cher collègue anglais M. Atwood Clark en janvier 1927 comme on peut le lire dans notre Bulletin n° 2, page 40.
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| BULLETIN N°2 SOCIETE DES PÊCHEURS DE LA NIVE |



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