LA SARDINE AU PAYS BASQUE EN 1935 (deuxième partie)
LA SARDINE AU PAYS BASQUE EN 1935.
Au début des années 1930, le port de Saint-Jean-de-Luz connaît une crise de la pêche de la sardine, avec une concurrence espagnole et surtout portugaise.
DEBARQUEMENT DU POISSON SAINT-JEAN-DE-LUZ 1933 PAYS BASQUE D'ANTAN
Voici ce que rapporta à ce sujet A. J. Barère dans le Bulletin de la Société des sciences, lettres &
Nous avons vu que la sardine recherche de préférence les eaux tempérées et c'est une des raisons pour laquelle sur la côte basque et la côte des Landes la pêche de ce poisson a lieu sans discontinuer tout au long de l''année. Il est vrai qu'il se rencontre de temps à autre des périodes creuses de pêche, mais ceci semble plutôt dû à ce que les marins de la côte profitent de la présence d'autres poissons, tels que maquereaux, anchois, thons pour s'adonner à leur pêche en abandonnant celle de la sardine.
En Bretagne, à Saint-Guenolé, et dans le quartier de Bayonne la pêche à la sardine se pratique au moyen du filet tournant ou bolinche, tandis que sur tous les autres points de la côte se pratique au filet droit.
Voyons la différence qui existe entre ces deux modes de pêche :
Filet droit. — Ce filet est ainsi dénommé parce qu'il se tient droit dans l'eau, lesté à sa partie inférieure par des plombs et à sa partie supérieure par des lièges. Suivant la grosseur du poisson à capturer on emploie le filet à petites, moyennes, ou grosses mailles.
PÊCHE AU FILET DROIT
Pour la pêche au filet droit on arrête le bateau et on rame doucement de façon à ce que le filet, immergé à ce moment-là, se déploie dans le sillage de l'embarcation.
Le filet de 30 à 40 mètres de longueur sur 10 à 13 mètres de hauteur se tient donc dans le plan du bateau à l'arrière. On jette la rogue, c'est-à-dire : des oeufs de morue salés provenant de Norvège et le poisson appâté monte. Dès que la sardine apparaît à un des côtés du filet, l'appât est alors jeté du côté opposé ; la sardine en se précipitant sur cet appât rencontre le filet et s'y maille c'est-à-dire : qu'elle se fait prendre par les ouïes.
Lorsque le filet est alourdi sous le poids des sardines capturées, on le hisse à bord et on démaille la sardine. Ce mode de pêche implique évidemment l'obligation de disposer d'autant de filets de mailles à grosseurs différentes que l'on rencontre de sardines de taille différente, car si les mailles sont trop grandes les sardines passent à travers sans y être arrêtées, et si elles sont trop petites elles ne peuvent s'y prendre.
Filet tournant. — Ce mode de pêche est complètement différent du précédent. Le filet de 100 à 110 mètres de longueur et de 50 à 60 mètres de hauteur est lesté, comme le filet droit, de plombs à sa partie inférieure et de lièges à sa partie supérieure, mais le filet comporte en haut et en bas un système de cordages passés en coulisse sur tout le bord du filet.
PÊCHE AU FILET TOURNANT
Lorsque le bateau sardinier est arrivé sur les lieux de pêche, il stoppe et on met à l'eau deux embarcations appelées "plates". Ce nom leur vient de ce que le fond du canot est absolument plat. Dans chaque embarcation se trouve un marin qui emporte avec lui un seau d'un mélange de rogue et tourteau d'arachide. S'éloignant de quelques brasse du vapeur, le "platier" (nom donné dans notre région au marin chargé d'appâter la sardine) commence à jeter ou pour mieux dire à "semer" son appât et se lève de temps à autre pour se rendre compte si la sardine monte. Dès que cela se produit, le marin lève un aviron pour faire signe au bateau sardinier qu'un banc de sardines est appâté et il continue à jeter son appât autour de lui.
Immédiatement le bateau sardinier se met en marche, jette le filet à l'eau et tourne en dévidant le filet autour des deux "platiers". Quand l'autre bout du filet est atteint, l'équipage commence à coulisser le fond du filet de façon à encercler au plus tôt la sardine dans la grande poche que forme le filet. A ce moment-là, les "platiers" cessent leur travail et sortent du cercle formé par le filet. Le filet coulissé par le bas, les marins le hissent à bord en commençant par un bout, de façon à réduire au minimum la poche formée pour y recueillir ensuite à l'épuisette les sardines capturées.
Un coup de filet peut donner, cela s'est déjà vu quelquefois, plus de 100 000 sardines, comme parfois quelques centaines de sardines seulement.
Le poisson placé à bord dans des parcs aménagés à l'avant, mis ensuite en casiers contenant de 2 à 300 sardines, est bien lavé et arrimé sur le pont.
Le bateau rentre au port et sa pêche débarquée le poisson est pesé pour en connaître la catégorie et est amené à :
L'Usine. — L'usine de conserves alimentaires, doit avant toute chose, être d'une propreté méticuleuse, l'hygiène étant le point de départ d'une excellente fabrication de conserves.
Il est en effet indispensable dans l'industrie de la conserve d'observer toutes les règles propres à préserver des microbes les matières en cours de travail. Plus on augmentera les précautions d'asepsie, plus on aura de chances d'obtenir d'excellentes fabrications.
Le sol doit être cimenté ou encore mieux carrelé et sa pente disposée vers les caniveaux d'évacuation, de manière à opérer des lavages en grand et obtenir une propreté absolue.
Dans tous les cas, le nettoyage à sec par époussetage ou balayage doit être proscrit d'une façon absolue et il ne faut recourir qu'au nettoyage humide.
La meilleure façon d'opérer c'est, en fin de chaque journée, de laver à grande eau le sol des ateliers et de le rincer avec une solution de carbonate de soude.
Les tables doivent également être lavées à l'eau chaude avec des brosses, mais ces brosses seront journellement stérilisées à l'autoclave, faute de quoi elles seraient bientôt converties en bouillons de culture.
Tous les ustensiles servant à la préparation des conserves doivent être également lavés à l'eau chaude et carbonate de soude en fin de chaque opération.
Ces premiers principes de propreté étant exposés, passons maintenant à la fabrication des conserves de sardines :
L'Etêtage. — Les ouvrières exécutent cette opération à la main, debout devant des tables. Les ouvrières saupoudrent le poisson d'un peu de sel pour que celui-ci ne glisse pas dans la main. Elles ont devant elles des paniers et munies d'un couteau à lame courte, elles coupent la tête du poisson par le dos et du même mouvement arrachent les entrailles, qu'elles déposent dans un baquet placé à leurs pieds. Elles jettent ensuite les sardines en les classant par une, deux ou trois grosseurs dans des paniers placés devant elles. Ces derniers sont ensuite repris par des manoeuvres qui les apportent au salage ou à mieux dire au saumurage.
ETÊTAGE 29 QUIMPER BRETAGNE D'ANTAN
On peut se demander, comment on n'a pas songé à employer des machines à étêter la sardine. Différents modèles ont été conçus à plusieurs reprises et ceci sans arriver à la perfection. Des machines arrivent à étêter convenablement les sardines, leur enlèvent les entrailles, soit au moyen de crochets, soit par aspiration. Ce à quoi on n'est jamais parvenu, c'est à créer des machines donnant un rendement aussi rapide que celui des femmes. En effet, une femme exercée à ce travail arrive à étêter facilement de 1 200 à 1 500 sardines à l'heure — une machine moitié moins.
Saumurage. — Le sel, scientifiquement connu sous le nom de "chlorure de sodium", est un des éléments essentiels de la conserve.
L'opération du saumurage a pour objet de saler le poisson à point voulu pour le goût du consommateur et de donner à la chair fragile de la sardine un peu plus de fermeté.
On jette le poisson dans de grandes cuves contenant de la saumure à 25° Baumé et on l'y laisse séjourner suivant sa taille et suivant la saison de 5 minutes à 2 heures trente.
Ouvrons une parenthèse sur la confection d'une saumure. Pour qu'une saumure soit "faite" c'est-à-dire : pour qu'elle mesure à l'aéromètre Baumé 25°, il faut la préparer au moins 48 heures d'avance en faisant fondre le sel jusqu'à saturation. Empiriquement la saumure est faite à 25° Baumé lorsque le sel ne fond plus, mais il est bon de toujours peser la saumure.
AEROMETRE BAUME
Au bout du temps convenable de saumurage, le poisson est repris en paniers et lorsque les ouvriers ont fini l'étêtage, elles passent à :
L'engrillage. — Cette opération consiste à placer les sardines qui viennent d'être saumurées dans des grils, c'est-à-dire : dans des cadres métalliques portatifs comportant des cases grillagées destinées à soutenir le poisson pendant les diverses opérations qui vont suivre :
ENTÊTAGE ET ENGRILLAGE 29 AUDIERNE BRETAGNE D'ANTAN
Ces grils, en fil de fer étamé à l'étain fin, peuvent contenir chacun, suivant la taille du poisson, de 100 à 150 sardines. Quand l'ouvrière a terminé la garniture d'un gril, elle le passe rempli de sardines à l'eau fraîche pour enlever les écailles ou le sang qui pourraient subsister sur les sardines et elle porte son gril au ventilateur.
Séchage.— Comme nous le verrons plus tard, seule la fabrication française comporte la cuisson à l'huile, ou pour mieux dite la friture des sardines.
Vous savez qu'il n'est pas commode et qu'il serait même imprudent de plonger le poisson humide dans de l'huile en ébullition. D'ailleurs, c'est pour cette raison que les cuisinières, pour mieux sécher leur poisson avant de la faire frire, le passent à la farine.
Voyons donc comment s'opère le séchage :
Nous avons dit que les ouvrières portaient leurs grils remplis de sardines au ventilateur. Cet appareil est constitué par un tunnel d'une vingtaine de mètres de longueur, tunnel dans lequel on fait circuler à contre courant des chariots à étagères, étagères sur lesquelles on place les grils au nombre de 60 par chariot.
A un des bouts du ventilateur, c'est-à-dire à la sortie, se trouve une soufflerie. L'air produit par cette soufflerie, en l'occurrence une hélice à pales nombreuses et de grandes dimensions (1,50 m. de diamètre environ), passe au travers de plaques chauffantes dans lesquelles on fait circuler un courant de vapeur.
L'air ainsi réchauffé a au départ une température de 35° à 40°, température qui tombe dans le parcours du tunnel à 20° environ. Suivant la grosseur du poisson, on règle la température car il faut plus de chaleur pour sécher du gros poisson et beaucoup moins pour le petit.
A noter toutefois que le petit poisson qui, lors de la pêche, en raison de sa fragilité, a perdu ses écailles, demande un temps assez long pour sécher.
La durée du séchage est d'environ une demi heure à une heure et demie, si bien qu'au bout de ce temps, on peut commencer à sortir les chariots les uns après les autres pour passer à la cuisson.
Ici il convient de faire une distinction suivant la méthode employée et suivant les pays dans lesquels on prépare ces conserves. La cuisson peut être faite par friture dans l'huile, et c'est la méthode française, par cuisson à la vapeur, c'est la méthode espagnole et portugaise."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire