LE BATEAU L'"ÉCLAIR" DE BIDACHE À BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1949 (première partie)
LE BATEAU L'"ÉCLAIR" DE BIDACHE À BAYONNE.
Pendant 51 ans, ce bateau aura marqué l'histoire de la Bidouze et de l'Adour.
DEBARCADERE DU BATEAU ECLAIR BAYONNE PAYS BASQUE D'ANTAN
D'une longueur de 21 mètres et de 4 mètres de large au maître-bau, ce petit bateau à vapeur et à
hélice avec cheminée rabattable, a été lancé, en 1893, à Langon (Gironde).
Avec une charge maximum de 10 tonnes, une jauge brute de 20 tonneaux, son tirant d'eau est de
1,25 m en charge.
Son équipage de 3 hommes (pilote, chauffeur et mécanicien) a assuré, jusqu'en septembre 1948,
avec une vitesse maximum de 8 noeuds, un service régulier entre Bayonne et Bidache ou
Peyrehorade, les jours de marché, de passagers mais aussi d'animaux.
Voici ce que rapporta à ce sujet M. André Tournier dans le Bulletin de la Société des sciences,
lettres & arts de Bayonne, en janvier 1949 :
"Le bateau l'"Eclair".
C'est avec une compréhensible tristesse que tous les vieux Bayonnais, tous les riverains de la Bidouze et de l'Adour, de Bidache jusqu'à Bayonne, ont appris, le 22 septembre 1948, que le bateau "Eclair", "Lou Bachet de Bidache" avait descendu une dernière fois le fleuve pour entrer dans un chantier de démolition.
Ce petit vapeur s'en allait, en effet, emportant les souvenirs émus de la plupart de ceux qui ont vécu dans le pays à l'époque où il faisait si bon vivre (n'en déplaise aux jeunes qui ne croient pas ceux qui parlent du bon vieux temps). Je l'ai particulièrement connu, ce brave "Eclair", qui, tous les lundis et tous les jeudis, les jours du marché d'alors, descendant d'abord la Bidouze, de Bidache à Guiche, puis l'Adour, de la Bidouze à Bayonne, chargé de passagers pittoresques, de volailles et parfois même de veaux amarrés à la rambarde de la proue.
Il avait un air bon enfant et campagnard au temps où les filles portaient, non des permanentes, mais un chignon enveloppé dans un "mouchoir de tête" noir. Pour tous, il venait de la vraie campagne gasconne : témoin cette réplique que l'on peut lire dans le livret d'une des premières revues locales bayonnaises : "Madame Pou trique".
"Es bertat, Balty qu'és badude à Peyrehourade ?
— Amic, n'as pas mentit. Que souy arribade à Bayoune per lou bachet de Bidache, dap un gouyat escarabilhat."
Balty, en effet, actrice parisienne, qui avait bien voulu accepter un rôle dans cette revue, était originaire de Peyrehorade. Pourtant, bien que l'"Eclair" assurât tous les mercredis le service Bidache-Sainte-Marie-Peyrehorade, je doute qu'elle ait choisi ce moyen de transport pour venir à Bayonne. L'"Eclair" était, en effet, le bateau de Bidache et du marché de Bayonne.
ACTRICE LOUISE BALTHY
Bidache, chef-lieu de canton important, n'est pas desservi par le chemin de fer et, en ce temps-là, il n'existait pas d'autobus. Guiche et Sames eux-mêmes n'étaient desservis que par des haltes qui n'enregistraient pas de bagages. Les riverains de l'Adour n'avaient même pas de route terrestre pour sortir de chez eux, le chemin de halage étant en principe interdit aux voitures et, de plus, trop étroit, en maints endroits, pour que l'on puisse y rouler autrement qu'à bicyclette. Tout cela incita mon père, M. Félix Tournier, à mettre sur pied un service régulier par eau.
Il y avait eu, à vrai dire, des précédents.
Sans parler des gabarres couvertes, sortes de coches d'eau, qui descendaient à la "cirgue" et, aidées par la marée, de Peyrehorade, Bidache et Guiche, et qui continuèrent longtemps leur service, même après la cessation du service de l'"Eclair", il y avait eu autrefois sur l'Adour un bateau à roues dont m'a parlé ma grand'mère. Il remontait l'Adour jusqu'à Dax, les mercredis, je crois, commandé par un certain Pauc, qui criait beaucoup du haut de sa passerelle et particulièrement : "Estope à la machine". Il a dû disparaître entre 1850 et 1860, tué par le chemin de fer. Il me semble me rappeler qu'il s'appelait "La Ville de Dax".
Plus récemment, quelque temps avant l'"Eclair", existait le "Progrès", petit bateau en bois, qui fit naufrage et que j'ai vu, pendant de longues années, pourrir et se désagréger en face d'Urt, près de Castillon, dans la sorte de baie que forme là le fleuve.
L'"Eclair" fut acquis pour le remplacer et fut lancé à Langon, sur la Garonne, vers 1893. Ma mère se rappelle très bien avoir fait le voyage pour aller le voir quand j'étais encore tout petit.
Il mesurait 21 mètres de long, 4 mètres de large au maître-bau et avait un tirant d'eau de 1 m. 25 en charge.
Sa jauge était de 25 tonneaux et sa charge maxima de 10 tonnes. Sa chaudière verticale produisait la vapeur nécessaire à un unique piston dont les points morts obligeaient à une manoeuvre assez pénible pour la mise en marche et surtout quand il fallait faire brusquement marche arrière. Le mécanicien devait alors, à l'aide d'un levier qu'il engageait dans des trous "ad hoc" sur sa périphérie, faire faire au volant, dans le sens voulu, une portion de tour assez importante.
Ce piston développait une puissance de 48 CV qui, malgré un nom prometteur de grande rapidité, ne permettait certainement pas à l'"Eclair" de filer plus de 7 ou 8 noeuds. C'est dire que la marée, montante ou descendante, avait une incidence assez marquée sur l'horaire.
Tous les villages de la région dont le territoire touche à une rivière tant soit peu navigable ont un "port", souvenir de l'ancienne importance des transports par eau. Même Bardos, dont le clocher est pourtant perché bien haut et bien loin de l'eau, possède son "port" sur l'Aran, comme Mouguerre sur l'Adour.
Le bateau quittait donc le "port" de Bidache vers 7 heures, emportant, dans la fraîcheur du matin, un certain nombre de Bidachots, dont les noms sont restés dans ma mémoire. Les Perret, les Pourquié, les Ponsolle, la commissionnaire Eulalie, etc... ; des Basques, venus à pied du côté de la route de Saint-Palais ou d'Orègue, des gendarmes. On ne perdait de vue les ruines du château des ducs de Gramont à Bidache, où Henri de Navarre venait retrouver la belle Corisande, comtesse de Guiche, que pour apercevoir les ruines, plus anciennes et couvertes de lierre, du château de Guiche.
RUE DE LA TOUR ET VIEUX CHÂTEAU GUICHE PAYS BASQUE D'ANTAN
Nous sommes, en effet, en plein fief de cette illustre famille qui, sous les noms des comtes de Guiche, ducs de Gramont, ducs de Guiche, princes de Bidache, s'illustra tout au long de l'Histoire de France dans la carrière des armes et la diplomatie.
Les ruines du château de Guiche dominent la rivière du bord d'une falaise calcaire faisant face à la plaine de Hapches (Haches en gascon), dont le nom vient, dit-on, des armes qu'on y retrouvait jadis, armes provenant d'une bataille livrée en 1449 par Gaston de Foix, époux d'Eléonore de Navarre, venu pour assiéger le château, contre l'armée de secours composée de Basques et de Bayonnais, partisans des Anglais et commandés par Ogerot de Saint-Pée et John Astley, maire anglais de Bayonne.
VIEUX CHÂTEAU DE GRAMMONT GUICHE PAYS BASQUE D'ANTAN
Cette armée, mise en déroute, fut poursuivie jusqu'à Bayonne et Saint-Pée, et le château se rendit le 15 décembre.
A Guiche, on embarquait, bien entendu, des Guichots, mais aussi des Samots venus des rives droites de la Bidouze, du quartier Saint-Jean surtout ; et n'allez pas confondre, je vous prie, les gens de ces deux communes, comme ont tendance à le faire les nouveaux venus, ignorants des choses du pays depuis qu'il existe une gare baptisée Sames-Guiche. Bien qu'à son parler, on distingue un Samot. Quant aux Guichots, ils ont gardé, auprès de leurs voisins tout au moins, une assez mauvaise réputation, depuis que les bandes des comtes de Guiche se sont installées à la bourgade, autour du château.
Bientôt l'"Eclair" débouchait par-dessous le pont du Bec de la Bidouze sur les ondes du vaste fleuve.
BATEAU ECLAIR PEYREHORADE LANDES D'ANTAN
La vue, dans cette partie du trajet, est splendide et s'étend par-dessus le miroir de l'Adour, sur les coteaux et les montagnes, avec la Rhune, comme fond de décor, exactement dans l'axe du fleuve.
Bientôt on faisait une courte halte au Cousté, sur la rive droite, à l'extrémité du chemin descendant de Sainte-Marie-de-Gosse.
Puis, pour éviter les bancs de sable de Mate-Pedouilh (tue-pou, tue-vermines), ainsi nommé parce que l'endroit était commode pour se baigner, l'"Eclair" se rapprochait de la rive gauche, déjà basque par les noms de ses maisons : "Etchechoury", "Balin", "Etchebiague", "Etchart", "Etchebeheiti", etc.
Un peu avant 8 heures, il accostait à l'embarcadère de Maribère, devant chez nous, aux confins à la fois de Guiche, d'Urt et de Bardos."
A suivre...
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
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