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jeudi 11 septembre 2025

LES PÊCHEURS BRETONS AU PAYS BASQUE EN 1922 (première partie)

LES PÊCHEURS BRETONS AU PAYS BASQUE EN 1922.


Depuis de très nombreuses années, les Bretons sont venus au Pays Basque et nombre d'entre eux y ont fait souche.


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PORT DE SAINT-JEAN-DE-LUZ 1921
PAYS BASQUE D'ANTAN





Voici ce que rapporta Jean Poulhazan à ce sujet le quotidien L'Ouest-Eclair, le 24 mars 1922 :



"Les pêcheurs bretons au pays basque.

On se croirait, à Saint-Jean-de-Luz, transporté en pleine Basse-Bretagne !



Saint-Jean-de-Luz, 21 mars (De notre correspondant particulier).



— Ce n'est pas l'agrément du climat, ai-je besoin de le dire, ni la splendeur du paysage, ni davantage les souvenirs historiques qui s'attachent à Saint-Jean-de-Luz, où Louis XIV vint épouser Marie-Thérèse, et à Ciboure, port d'attache des anciens baleiniers du golfe de Gascogne, qui attirent ici, une colonie, plus nombreuse chaque hiver, d'ouvrières et de pêcheurs bretons.



De novembre à la fin du mois de mars, dans les ports de notre pays sardinier, c'est le chômage. Une ressource unique ou à peu près et seulement à la portée des plus vigoureux : la rude pêche d'hiver avec ses périls et ses maigres profits. Dans la baie de Biscaye, située en avant de Saint-Jean-de-Luz et de Ciboure, c'est au contraire dans le coeur même de la mauvaise saison, que le poisson afflue : la sardine en novembre, décembre et janvier ; le maquereau en février et en mars.



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PORT DE SAINT-JEAN-DE-LUZ 1920
PAYS BASQUE D'ANTAN



L'exploitation d'un pays neuf.



Quelques marins de Douarnenez, venus faire la pêche à Arcachon, il y a une quinzaine d'années, à l'époque où la crise de pénurie sévissait sur le littoral finistérien et qui eurent l'idée de pousser jusqu'ici, furent frappés de ce contraste.



A mesure qu'ils s'avançaient vers le Sud, ils avaient en outre l'impression de s'enfoncer dans un véritable pays neuf où presque tout restait à créer au point de vue de la pêche côtière. Quelques barques, d'ailleurs pas mal équipées du tout, prenaient bien la mer, çà et là, et suffisaient même à l'approvisionnement de la commission locale. Mais aucune science, aucune méthode, aucun métier dans les procédés de pêche. On allait à l'aventure. Le seul indice par lequel on sut déceler la présence de la sardine, était l'apparition des bandes de marsouins devant qui l'on s'empressait de tendre de vastes filets tournants, engins redoutables, auxquels n'échappait rien de ce qui se trouvait dans leur rayon. Pour le maquereau, on coulait dix à douze brasses de lignes dans la profondeur et l'on attendait.



Les émigrants bretons firent figure de novateurs parce qu'au lieu d'attendre ils s'efforçaient de "lever" le poisson, c'est-à-dire de la faire monter, au moyen d'appâts divers, pour le capturer en surface.



Dans les ports vendéens et charentais, ils avaient éprouvé un matériel d'embarcation à moteur et tout un outillage moderne difficile à introduire actuellement chez nous, en raison des bouleversements qu'il y provoquerait dans les situations acquises. Ici, le champ se trouvait libre d'un outillage à grand rendement, mis au service de qualités professionnelles formées au cours d'une longue expérience héréditaire, donna les résultats que l'on pouvait augurer. Quatre-vingt à cent mille sardines, huit cent mille et douze cents kilos de maquereaux sont couramment débarqués par une seule finasse, au retour de son voyage quotidien.



A l'appel d'une production qui croissait sans cesse, se créèrent les industries connexes : des usines se bâtirent pour la préparation de la conserve dans l'huile, le commerce de la marée se développa. Celui-ci est demeuré, jusqu'à présent, entre les mains des maisons indigènes, à côté desquelles la maison Urvoy-Berre, de Douarnenez, vient faire la saison depuis trois ans. Quant à l'industrie de la conserve, fondée ici par des maisons bretonnes, elle a gardé la physionomie d'une industrie bretonne, employant un personnel en grande majorité composée de Bretons. Et je n'ai point parlé de la réparation des filets et "bauniches" qui offre de lucratifs et chaque jour plus vastes débouchés à l'habile activité de nos ouvrières.



"Ici, l'hiver, on gagne sa vie plus aisément et mieux que que de nos côtés, me disait l'autre jour, un marin, sur le quai de Saint-Jean-de-Luz. Avant quelques années, nous y serons si nombreux que ce port-ci sera devenu comme un port breton."



Une colonie bretonne.



Est-il même encore besoin d'attendre ? En pénétrant, à de certaines heures, dans les quartiers qui avoisinent le port de Saint-Jean-de-Luz et de Ciboure, on a bien déjà l'impression de se trouver subitement transporté en plein Basse-Bretagne. A chaque pas, l'on croise des groupes de pêcheurs aux vêtements tannés ou de femmes aux gracieuses coiffes blanches qui s'expriment en langue bretonne. Et si le coquet bonnet de tulle que l'on porte avec tant d'élégante distinction à Douarnenez, Tréboul, Audierne et Concarneau est celui qui prédomine, ainsi qu'on pouvait s'y attendre, on rencontre pareillement la "bigouden" hiératique du Guilvinec et de Saint-Guénolé, la conque austère des filles du Cap, la majestueuse fouénantaise, la "bourléden" étriquée et même les velours et les bigarrures des alentours de Baud et du Faouët. On dirait d'un microcosme où les divers pays de l'Armor seraient représentés.



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LA BIGOUDEN
29 PONT L'ABBE



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LA BOURLEDEN
29 QUIMPER



Que l'harmonieuse fraicheur de tous ces costumes a ici de séduction et combien, au milieu de la commune banalité, on en apprécie le bon goût.



Le bilan de la campagne.


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VIEUX PÊCHEUR BRETON


Essayons de dresser le bilan de la campagne qui s'achève :


Passif : deux sinistres : la perte des pinasses Araok-Atao, à M. Constant Hélias, de Douarnenez et Petite Bretonne, de M. Bescon de Tréboul.



Victime d'une panne de moteur, la première fut emportée par la bourrasque et réduite en pièces. La seconde a péri dans un incendie consécutif à une explosion de son moteur. Pas de pertes de vies humaines à déplorer.



Au compte passif, on inscrira encore les longues semaines de chômage imposé par l'état de la mer, de la mi-décembre à la mi-février. Chômage total, du côté des pêcheurs bretons et d'autant plus exaspérant pour eux qu'à la moindre accalmie, les "bauniches" (filets tournants) des Basques permettaient à ces derniers des sorties fructueuses tandis que les filets bleus à mailles , excellents en eau claire, dont se servent exclusivement nos compatriotes, n'arrivaient pas à fixer le poisson, dans une mer troublée.



La fréquence des tempêtes et leur longue durée, la saison même où la pêche se pratique en ce pays y rendent l'usage des "bauniches" indispensable. Si dispendieuse que puisse être pour eux l'acquisition de ces engins, les pêcheurs bretons devront se résigner à s'en procurer. Telle est la leçon qui se dégage de la campagne.



Actif : Pêche très abondante et prix peu élevé, durant tout le mois de novembre. Pour les usines, ce fut la meilleure période de la saison. Dans la première quinzaine de décembre : pêche moyenne avec hausse des cours. De la mi-février, enfin, jusque vers la mi-mars : pêche excellente à tous égards.



Dans l'ensemble, il n'est pas douteux que la campagne ait été rémunératrice. Pour ne parler que des pêcheurs, on estime entre trois et quatre mille francs le denier qu'elle aura rapporté à chaque homme d'équipage. La satisfaction est générale et l'on se promet de revenir, l'année prochaine."






A suivre...









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