LES BASQUES À SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON.
C'est sur un territoire de 242 km2, composée de deux îles principales : Saint Pierre et Miquelon, à vingt kilomètres du Canada avec Terre-Neuve, et ses célèbres bancs de morue que s'est constituée cette huitième province Basque, non officielle.
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Ce Soir, le 22 mai 1938, sous la plume de Louis Parrot :
"...Pendant tout le 19e siècle, Saint-Pierre fut le rendez-vous des pêcheurs de morue. Centre de ravitaillement des marins français des grands bancs, Saint-Pierre était aussi un entrepôt ; on venait y décharger le poisson que de longs courriers transportaient ensuite à Bordeaux.
Hélas ! un jour, on vit venir de l'Est de grands trois-mâts et des chalutiers à vapeur. Ils emportaient assez d'approvisionnement pour s'abstenir de faire escale à Saint-Pierre. Avaient-ils besoin de charbon ? Ils allaient à Sydney, en Nouvelle-Ecosse. Les relâches à Saint-Pierre se firent plus rares. Les gros bateaux oublièrent que toute une colonie allait se trouver à peu près sans ressources. La pêche locale, poursuivie avec des moyens réduits, devint de plus en plus difficile : les bancs de morues se déplaçaient et remontaient vers le Nord. Les industries annexes ne pouvaient plus concurrencer leurs rivales canadiennes ou terre-neuvoises.
LE GRAND COLOMBIER 1938 |
Et lentement le déclin de la pêcherie amena son inexorable conséquence : la population décrut ; de 6 000 habitants, elle tomba à 4 000. On s'exilait. Des petits groupes de Saint-Pierrais vinrent se fixer à New-York et à Montréal. Les fabriques de doris fermèrent leurs portes et, pour comble de malheur, le poisson déserta les abords de l'île.
Les gangsters du rhum.
Mais la providence des insulaires sans travail et des marins inoccupés veillait : elle intervint en faveur de Saint-Pierre sous une forme inattendue. Un jour, on décréta en Amérique que l'usage de l'alcool était interdit. Le temps de l'Amérique sèche commençait ; celui de la misère de notre colonie prenait fin.
Les rum-runners. Ce furent les vrais sauveurs de l'archipel dont ils transformèrent les moindres logis en réserve clandestine. Pendant plusieurs années, Saint-Pierre fut le véritable entrepôt de l'alcool destiné, aux multiples organismes de la contrebande américaine.
RUM-RUNNER |
Les chalutiers avaient disparu et les trois-mâts ne venaient plus à Saint-Pierre que par accident, mais à leur place on vit accoster sur les quais depuis longtemps déserts des bateaux plus rapides, mieux équipés, non plus pour la pêche cette fois, mais pour le trafic des spiritueux. Les rum-runners avaient trouvé dans ce territoire français un lieu idéal pour y entreposer leur marchandise avant de la répartir aux divers ports américains.
Les barillets de rhum avaient pris la place des cargaisons de morue. Source d'énormes profits dont devaient bénéficier autant les Saint-Pierrais que l'administration de la colonie. Les bootleggers, non seulement venaient se ravitailler à Saint-Pierre et dépenser largement les dollars si facilement gagnés, mais les douanes prélevaient des droits fort élevés sur toutes les liqueurs entreposées. Malgré la concurrence forcenée que lui faisaient Cuba et la Jamaïque pour qui les gangsters du rhum constituaient une clientèle idéale, Saint-Pierre-et-Miquelon s'enrichit rapidement.
A trente francs de droits par caisse de douze bouteilles d'eau-de-vie, calculez ce qu'encaissa la colonie qui dut faire construire de nouveaux entrepôts devant l'importance croissante du trafic.
Cette époque bienheureuse marque la renaissance de la colonie. On fit des réparations urgentes aux maisons que l'on aménagea contre le froid. L'administration mit plus de vingt millions de côté. Elle fit draguer le port, construire des jetées, élever des entrepôts et de nouveaux magasins.
Puis, un jour, tout s'écroula : la loi sur l'interdiction de la consommation de l'alcool était abrogée.
Lorsque les Saint-Pierrais déposèrent à bord du dernier rum-runner leur dernière bouteille de spiritueux, ils se retrouvèrent dans une situation encore plus pénible qu'auparavant : depuis plusieurs années, on ne fabriquait plus de bateaux. Et d'ailleurs, même s'ils avaient voulu reprendre leur ancien métier, les pécheurs de Saint-Pierre se fussent heurtés à un nouvel obstacle : le contingentement avait été ordonné entre temps. Il fallait réduire le chiffre de la pêche à la morue.
Que pouvait-on faire pour donner à la colonie les ressources indispensables ? On ne trouva rien tout d'abord et, en attendant mieux, on inscrivit Saint-Pierre-et-Miquelon sur les listes de chômage.
MICHEL GEISTDOERFER DEPUTE DES CÔTES-DU-NORD |
M. Michel Geistdoerfer reprend ici la parole :
— L'équilibre budgétaire dans lequel se maintenait avant-guerre la colonie était assuré par deux activités : la grande pêche en goélette au large de Terre-Neuve et la pêche côtière, dans des pinasses.
"Aujourd'hui la métropole est obligée de rétablir cet équilibre en donnant dix millions de francs par an pour empêcher les Saint-Pierrais de mourir de faim, mais si l'on tient compte que 80 des denrées de première nécessité que doivent se procurer les habitants sont achetés aux Etats-Unis, on devine que la situation n'est guère brillante, dans ce pays où le coût de la vie est à peu près le double de celui que l'on connaît en France."
"Aimez-vous la crème d'oursin ?"
"Pour remédier à cet état de choses, trois projets ont été élaborés : ils portent sur les possibilités de l'archipel : pêche, industries annexes et, depuis peu, aviation.
En même temps, que l'on essaie de redonner à la pêche loin des îles un nouvel essor, nous fomentons la reprise des industries annexes. La pêche aux harengs que l'on avait délaissée pendant longtemps va recommencer à alimenter l'industrie de la farine de poisson.
Une nouvelle industrie est en pleine voie de formation : celle de la crème d'oursin. Un Saint-Pierrais, le docteur Lebolloc, a mis au point un procédé nouveau de conservation de la "pâte d'oursin". La crème d'oursin a fait depuis quelque temps son apparition dans les meilleurs restaurants new-yorkais où, assure-t-on dans les milieux astronomiques de la capitale américaine, elle ferait bientôt une sérieuse concurrence au caviar.
Les pouvoirs publics encouragent également la. renaissance de l'élevage du renard argenté. J'ai visité dans l'île Saint-Pierre deux ranches actuellement en pleine prospérité. De l'avis des connaisseurs, le renard argenté de Saint-Pierre est plus beau que les plus beaux spécimens canadiens.
RENARD ARGENTE ST-PIERRE ET MIQUELON |
Ce qu'il importe enfin de créer, c'est une atmosphère de sympathie à ces îles qu'une légende néfaste a toujours peintes arides et inhospitalières. Par la mélancolie de son ciel, ses vallées, ses sites pittoresques, Langlade rappelle la Bretagne. Pendant les trois mois de la belle saison, son climat est celui de la côte française et l'on s'y baigne en plein été."
Et puis, a-t-on songé que la France a envisagé la construction à New-York, pour l'Exposition Internationale de 1939, d'un village français ? Ne pourrait-on suggérer d'en construire une annexe à Langlade, terre française ? Un mouvement de curiosité pour notre archipel peut susciter l'organisation de croisières et faire connaître nos îles à de nombreux visiteurs qui trouveraient là, non pas des vestiges, mais une tradition admirablement conservée.
Mais ce qui doit donner à Saint-Pierre une importance énorme et une prospérité durable, c'est l'aviation commerciale.
St-Pierre-Et-Miquelon base idéale.
Vingt-cinq millions de francs. Telle est la somme qu'il faudrait envisager pour faire de Saint-Pierre une base aéronautique de premier ordre. Il y a quinze jours à peine que ce projet était déposé à la commission.
Contrairement à ce qu'a répandu une opinion mal informée, Saint-Pierre réunit toutes les conditions géographiques et météorologiques pour être une base idéale, bien supérieure à celle de Terre-Neuve.
— Au mois de juin dernier, poursuit M. Geistdoerfer, nous avons déjà posé, à Saint-Pierre et dans le Nord de Miquelon, des bouées qui permettent aux grands hydravions de s'amarrer. Actuellement, les ministères intéressés étudient l'équipement complet de notre archipel au point de vue aéronautique.
"Des essais ont déjà été faits : ceux du Clipper III américain et du Caledonia anglais qui ont fait quatre voyages avec succès l'été dernier par la ligne du Nord.
Pour la France, des essais devaient être tentés par le Lieutenant-de-Vaisseau-Paris. Vous savez les circonstances qui les ont fait remettre à une date ultérieure. Mais le Parlement a voté des crédits pour le matériel qui nous permettra de ne pas nous laisser distancer. Quant à la supériorité de Saint-Pierre sur les autres bases voisines, notamment sur Botwood, il nous suffit de savoir que, depuis deux siècles, jamais les environs de notre archipel n'ont été pris dans les glaces, alors que les bases de Terre-Neuve et du Canada le sont plusieurs mois par an.
HYDRAVION LIEUTENANT-DE-VAISSEAU-PARIS |
Merci ,le nom de mon mari est Hacala originaire aussi du pays basque !
RépondreSupprimerBonne continuation