ETIENNE PELLOT UN CORSAIRE BASQUE.
Parmi les nombreux marins et autres corsaires du Pays Basque d'Antan, le corsaire Pellot occupe une place importante.
Voici ce que rapporta à son sujet le journal Gringoire, le 18 juillet 1941, sous la plume de Rodney
Gallop :
"...En 1789, Pellot était de nouveau à la mer commandant Les Deux-Amis, avec lequel il fit cinq prises de navires anglais, et douze portugais. L'année suivante, il fut moins heureux. Le constructeur Balguerye, de Bordeaux, avait construit deux navires, le Révolutionnaire et le Bordelais, dont le premier avait été capturé par les Anglais, Pellot embarqua sur le second le 20 mars 1799. Avant qu'il ne levât l'ancre, Balguerye lui fit parvenir un dernier message : "Vous pouvez montrer les talons à n'importe quel navire de la marine anglaise à l'exception exclusive du Révolutionnaire. La prophétie se réalisa : le Bordelais fit une croisière pleine de succès, s'emparant de beaucoup de prises, et échappant à toutes les poursuites. Mais le 11 octobre il rencontra le seul navire qu'il lui fallait éviter, le Révolutionnaire, commandé par le capitaine Twysden. Après une chasse de 114 milles, il fut gagné de vitesse et Pellot se trouva prisonnier pour la troisième fois.
Pellot fut d'abord amené à Cork, et ensuite à Kinsals, où il fut emprisonné sur un ponton amarré au cœur d'une perfide tourbière. Comment il réussit encore une fois à sur passer en ruse ses geôliers, ceci est raconté par le biographe à qui, à l'âge mûr de 90 ans, il confia les exploits de sa jeunesse. Pellot n'était pas pressé par la hâte immédiate de s'enfuir. Avec un petit couteau, il prépara quatre minces planches de bois dur auxquelles il attacha des lanières de cuir. Et à l'heure propice, il les fixa à ses mains et à ses pieds et se lança à travers la tourbière. Plusieurs fois il faillit s'enliser dans ce dangereux voyage, mais sa force musculaire et son énergie l'amenèrent sur la terre ferme avant l'aube, et il gagna Dublin où il fut embarqué comme matelot sur un navire qui partait pour Porto, Au Portugal, il se déguisa en pèlerin se rendant à Saint-Jacques de Compostelle, avec bâton, besace et gourde (on ne nous dit pas par quels moyens il parvint à se procurer ces accessoires) ; et il chemina ainsi à travers un pays ennemi jusqu'à sa terre natale à la frontière franco-espagnole.
L'année suivante, voguant sur le Retour (10 canons, 46 hommes), il captura une petite corvette anglaise dont le capitaine prouva qu'il était un certain Wilson, de Jersey, frère du George Wilson qui avait arrangé la première évasion de Pellot, huit ans plus tôt. Pellot put alors tenir sa promesse en le libérant avec son équipage qui, en retour promit une assistance future si jamais il en avait besoin.
Il s'écoula quelques années avant que l'occasion se présentât. De 1802 à 1804, Pellot commanda le Général-Augereau et ensemble ils s'échappèrent de justesse plusieurs fois, en particulier une fois au capitaine Daniel Thompson, commandant une frégate anglaise ; ils eurent ainsi plusieurs succès, dont le plus frappant fut la capture du William-Scott, un trois-mâts goélette anglais armé en corsaire, Pellot, ramena jusqu'à Cork le corps de son capitaine mort, Kelly, enveloppé dans le pavillon du navire ; geste qui, selon le biographe, fut "noblement apprécié par la veuve de Kelly et les Anglais".
A son retour en août 1804, Pellot vit la mort de près. Ses blessures s'envenimèrent, et les "médecins de l'armée française" décidèrent de l'amputer d'une jambe. Pellot proclama qu'un corsaire pouvait se passer de n'importe quel membre sauf celui-là. Mais les chirurgiens passant outre à ses protestations poussèrent leurs préparatifs jusqu'à ce que Pellot, saisissant un de leurs instruments, se mît à le brandir avec fureur autour de la tête. Les chirurgiens s'enfuirent de la chambre, et le vieux loup de mer disparut comme un animal blessé, revenant quelque temps plus tard avec ses deux jambes intactes.
En 1805, il appareilla de nouveau avec le Retour, mais cette fois il eut la malchance d'être capturé dans la brume au large de Vigo par deux navires de guerre anglais qui l'amenèrent à Cork, prisonnier pour la quatrième fois. Il fut chaudement accueilli par les autorités, la population, et, enfin, par Mme Kelly qui se présenta à lui avec "un magnifique tapis, qu'elle avait brodé d'allégories..." ; quelque chose, en la circonstance, comme un éléphant blanc...
Ses blessures le faisant encore souffrir, il fut d'abord logé dans la maison d'un officier de la Garde Nationale d'où il s'évada à l'aide d'un drap noué. Il s'en alla alors vers Dublin, ayant mis ses souliers à l'envers pour confondre les poursuivants lances sur la trace de ses pas, une manière de déguisement à peine croyable. Un malencontreux accès de fièvre le retarda à Waterford, et il fut fortuitement pris par la police qui cherchait d'autres garnements, et ramené à Cork. Ensuite il soudoya un charretier pour l'amener, caché dans un chargement de choux, à Kilmalock. A nouveau en route pour Dublin, il fut dévalisé dans les montagnes de Leinster, et handicapé par la perte de son argent, il fut repris. Sa troisième tentative ne fut pas plus heureuse. Emprisonné sur un îlot, il nagea jusqu'au rivage, s'enfuit sur un bateau de pêche, et ne fut pris qu'à une lieue de Calais.
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Sa dernière évasion fut en tous points digne de lui. Il avait été amené à Plymouth, où, avec d'autres prisonniers français, il était sous la responsabilité d'un certain Adam Simler. Ce dernier était très vaniteux et affectait de ne rien penser de la réputation de l'insaisissable personnage. Il prit toutefois la précaution d'affecter à Pellot un geôlier sûr.
Avec son brillant esprit habituel, Pellot amusait son cerbère tandis qu'il posait des jalons pour entrer en contact avec ses vieux amis les Wilson. Ils réussirent à lui faire parvenir de l'argent, des vêtements, et la promesse d'un passage sur un navire s'il pouvait se libérer, ce qu'il fit facilement : mettant un narcotique dans la liqueur de son geôlier, il s'enfuit et toucha terre à l'île de Batz, au large de Roscoff en Bretagne.
Malheureusement le geôlier mourut, plus de peur que de l'effet de la drogue. Pellot fut accusé de l'avoir empoisonné et on dit qu'il fut pendu par contumace. Quand ces nouvelles l'atteignirent en France, craignant d'être pendu s'il était repris, il eut le courage de retourner à Plymouth et de faire face au jugement au cours duquel il se défendit lui-même, et il fut généreusement acquitté.
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Pellot avait maintenant quarante ans, et on pouvait s'attendre à ce qu'il ait encore de nombreuses années d'action et d'aventure devant lui. Mais précisément quand l'histoire de sa vie devrait approcher de son apogée, elle sombre dans l'obscurité.
En 1810 et 1811 il poursuivit la guerre de course sans grand succès à bord du Cupidon et du Général-Darmagnac. (C'est un signe des temps que les navires français portaient alors des noms de généraux plutôt que d'amiraux).
Sa dernière aventure date de 1812. Il était au mouillage au large de la côte des Asturies, attendant Nuestra Senora de Begona, qui amenait aux insurgés du Nord une grosse somme d'argent envoyée par leurs camarades d'Andalousie. Pellot s'empara de la prise, mais fut poursuivi par les Anglais qui le conduisirent à Berméo, port qui n'était plus aux mains des Français. "Le Renard, s'écrièrent ses ennemis, est pris dans la toile d'araignée !". Et ils firent un banquet pour célébrer l'événement. Au cours du banquet, une querelle éclata entre les Espagnols et les Anglais qui voulaient tous s'attribuer la gloire (et le profit) de cette capture. Dans la surexcitation générale, Pellot ne fut pas surveillé de trop près. Feignant une indisposition il se retira dans sa chambre d'où, dès la tombée de la nuit, il s'évada à l'aide d'une corde qu'il portait enroulée autour de sa poitrine à toutes fins utiles. Par une folle témérité, les alliés n'avaient débarqué l'équipage français, ni du corsaire, ni de sa prise. C'était un jeu d'enfant pour Pellot de rallier son bord, de mettre à la voile et d'amener les deux bateaux à bon port à Bayonne.
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Le commandant anglais, sir Daniel Jonas, fut relevé, le gouverneur espagnol de Berméo connut un sort pire. Dégradé, comme traître, de son rang de noble, il fut envoyé dans un pénitencier d'Afrique. Et c'est seulement après sa mort que sa famille, aidée des dépositions de Pellot put le réhabiliter et faire justice de l'accusation de complicité dans la fuite du corsaire.
Pellot ne reprit jamais la mer. Il était encore à Hendaye, se reposant sur ses lauriers, lorsque Wellington passa la Bidassoa en octobre 1813. La rencontre de ces deux grands hommes gagne à être rapportée avec les mots du chroniqueur à qui, 40 ans plus tard, Pellot raconta ses mémoires. Pour une raison assez obscure, le vieux loup de mer reçut le général victorieux dans les habits de son valet qui avait été tué dans la bataille. Le village était désert.
"Wellington arriva chez Pellot.
— Où sont l'armée, les douaniers, les habitants ? demande-t-il.
— L'armée s'est retirée sur les lignes de Saint-Jean-de-Luz, les douaniers l'ont suivie, et les habitants se sont enfuis à votre approche.
— Où est le capitaine Pellot ?
— Il est devant vous.
— Pas possible !
— L'habit ne fait pas le moine.
— Capitaine, je vous connais de réputation. Je vous offre au nom de l'Angleterre, un poste honorable et lucratif dans la marine royale.
— Je ne connais qu'un Dieu, qu'un pays, et mon honneur, que je transmettrai sans tache à mes descendants. Sans souiller mon honneur, je peux vous offrir cette maison, que votre pays a payée. Logez votre hôpital ici, et je payerai le chauffage, l'éclairage et le linge".
Ces mots, poursuit le récit, soulevèrent un tel enthousiasme chez Wellington et sa suite, qu'ils se pressèrent autour de Pellot, lui serrant chaleureusement la main.
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