Dès 1943, le Gouvernement Basque en exil tente de regrouper tous les Basques luttant dans les maquis, en particulier dans le Sud-Ouest de la France.
Le but est de former une unité militaire intégrant des combattants de la Guerre Civile Espagnole et d'autres jeunes n'ayant pas participé à cette guerre.
Avant de commencer à vous parler du bataillon Gernika, je dédie cet article à un de ses
combattants : Florencio Virto, hélàs disparu, père d'Edouard, un de mes meilleurs amis...
Dès le début, le Gouvernement Basque décide de confier le commandement de l'unité à Kepa
Ordoki, valeureux officier de l'armée basque durant la guerre civile.
C'est dans les Landes, à Aire-sur-Adour que Eliodoro de la Torre y Larrinaga, Conseiller des
Finances du Gouvernement d'Euzkadi explique le plan à Kepa Ordoki.
Celui-ci consistait à regrouper un certain nombre de combattants Basques, à les constituer en
unité autonome et à continuer la lutter contre les Allemands.
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BATAILLON GERNIKA JANVIER 1945 |
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ELIODORO DE LA TORRE CONSEILLER DES FINANCES GOUVERNEMENT D EUZKADI |
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KEPA ORDOKI COMMANDANT DU BATAILLON GERNIKA |
Lors de la libération des départements du Sud de la France, fin août 1944, les tensions entre les
Espagnols de l'U.N.E. (Union Nationale Espagnole) et Kepa Ordoki s'aggravèrent.
En effet, ce que voulaient les guérilleros de l'U.N.E. (30 000 hommes), c'était franchir la
frontière pyrénéenne par la Navarre, traverser en se camouflant toute la Péninsule Ibérique et
prendre contact avec des combattants Républicains qui se battaient en Andalousie.
Pour le Gouvernement Basque, qui connaissait la situation en Espagne grâce à ses réseaux
d'information, c'était suicidaire à cause du plan de défense frontalier terriblement efficace mis
en place par Franco.
Le Bataillon Basque fut d'abord cantonné à Pau, à la caserne Bernadotte, pendant une
quinzaine de jours, puis une douzaine de jours à la Négresse à Biarritz.
A l'automne 1944, il fut regroupé dans un petit village béarnais, à Carresse, avant de s'établir à
Sauveterre-de-Béarn.
C'est là que survint la rupture.
Successivement, un haut dirigeant de l'U.N.E. et Kepa Ordoki exposèrent leurs plans.
Ce dernier insista sur sa fidélité aux ordres du Gouvernement Basque et expliqua que la guerre
contre les allemands n'était pas terminée et que les conditions pour passer en Espagne n'étaient
pas favorables.
Sur plus de 200 hommes, 7 seulement ne furent pas convaincus par Ordoki et rejoignirent
l'U.N.E.
Le Général Caillié, chef militaire de la frontière, entre Hendaye et Portbou, officialisa la
scission le 14 décembre 1944.
Il convenait alors de transférer le groupe d'Ordoki à Bordeaux avant le 1er janvier 1945, car
après cette date tous les groupes de guérilleros devaient être dissous.
C'est en train depuis Salies-de-Béarn qu'Ordoki et ses hommes furent transférés dans les
premiers jours du mois de janvier 1945 vers Bordeaux, pour être cantonnés au Bouscat, au
Camp d'Ausone.
Fin janvier 1945, alors que des discussions ont lieu à Paris entre le Gouvernement Français et
le Gouvernement Basque en exil, la situation du groupe d'Ordoki était la suivante :
les hommes étaient payés, ils disposaient de chaussures et d'armement, étaient logés dans des
baraquements en bois de bonne construction et chauffés; cependant les uniformes manquaient
toujours et le linge était très insuffisant.
Les jeunes qui n'avaient pas fait la guerre civile représentaient 60% de l'effectif; ils étaient
bien encadrés par les vétérans, au moral d'acier.
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CARTE D IDENTITE F.F.I. JEAN BARANDIARAN
BATAILLON GERNIKA |
La composition politique du groupe était diverse : la majorité appartenait au Parti Nationaliste
Basque, quelques socialistes, quelques communistes, un ou autre anarchiste et une quinzaine de
membres de l'Action Nationaliste Basque.
Le Gouvernement Basque était proche de ses combattants : Juan Manuel Epalza fut nommé le
10 janvier 1945, délégué du Gouvernement d'Euzkadi auprès du Bataillon Basque et à la
Délégation de Paris, José Antonio de Duranona suivat de près la situation.
Le 3 mars 1945, Eliodoro de la Torre (Conseiller Basque des Finances et un peu moment de la
Santé également) rendit visite aux gudaris (combattants en Basque) au Bouscat et les
encouragea.
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VISITE DU BATAILLON GERNIKA PAR DE LA TORRE ET D EPALZA
EN AVRIL 1945 |
Les soldats reçurent du linge, des uniformes et des fusils-mitrailleurs.
Quelques jours auparavant, le 26 février 1945, ils avaient signé leur "acte d'engagement
provisoire et volontaire" dans les F.F.I. (Forces Françaises de l'Intérieur) ; sur la fiche de
renseignements, en face de la rubrique "Nature du contrat sollicité", ils avaient tous écrit :
"Celui contracté par le Gouvernement d'Euzkadi avec le Gouvernement Français".
Ce fut dans son nouveau de cantonnement de Macau, au Nord de Bordeaux, que le Bataillon
Gernika reçut le 21 mars 1945, l'ordre de procéder à la relève du 2ème Bataillon du 2ème R.I.
du Lot.
Le Bataillon Gernika, sous les ordres du Commandant Kepa Ordoki fut intégré dans le
Régiment Mixte Marocains et Etrangers (R.M.M.E.) commandé par le chef de bataillon
Chodzko, authentique descendant des rois de Pologne, titulaire de 40 décorations et célèbre
baroudeur de la Légion Etrangère.
Le R.M.M.E. créé le 25 mars 1945 était composé de 3 bataillons. Voici la composition du
premier bataillon :
- Etat-Major : Chef de Bataillon Rascl, commandant
- Bataillon Basque Gernika : commandant Kepa Ordoki
- Bataillon Espagnol Libertad : commandant Santos.
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DANS LE MEDOC AVANT L ATTAQUE
BATAILLON GERNIKA AVRIL 1945 |
Le bataillon Gernika fut engagé dans les combats de la Pointe-de-Grave, où 4 000 soldats
allemands étaient retranchés dans 110 blockaus et un système défensif impressionnant.
L'assaut devait être donné le 14 avril 1945 à 15 heures 35.
Le matin avant l'assaut, l'abbé Louis Souilly donna la communion à tous ceux qui le désiraient,
l'aumônier Basque Inaki de Aspiazu n'ayant pu arriver que le lundi 16 avril 1945.
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COMMUNION AVANT LE COMBAT 14 AVRIL 1945
POUR LE BATAILLON GERNIKA |
Avant d'attaquer, le commandant Ordoki s'adressa à ses hommes :
"L'heure est arrivée de combattre ; de vaincre l'ennemi ; de faire savoir au peuple de France
que les Basques savent lutter et mourir pour la Liberté. Vous les vétérans, amenez les jeunes
jusqu'à la victoire. Vengez les morts d'Euzkadi. Ce sont les mêmes allemands qui causèrent la
mort à Durango et Gernika ; n'oubliez pas que la France sera fière de votre exemple. Gora
Euzkadi Askatuta !"
Les Basques durent progresser sous le feu ennemi dans une largeur d'environ 500 mètres.
Le bilan humain pour le Bataillon Gernika fut lourd le premier jour avec 35 blessés et 4 morts.
Devant la très forte résistance allemande, l'ordre de stopper l'attaque fut donné par le
commandement, et une nouvelle attaque eut lieu le lendemain de nouveau.
Montalivet fut pris le 16 avril 1945.
Les combats durèrent 7 jours, avec des pertes côté allié de 400 morts ou disparus et 1000
blessés, et du côté allemand 600 tués et 80 disparus, et 3 320 prisonniers dont 80 officiers.
Au final, le Bataillon Gernika s'acquitta brillamment des tâches qui lui furent confiées :
- enlever la côte 40, la route de Montalivet et les lisières au nord et à l'est de cette dernière
- progresser, après avoir pris Montalivet
- enlever le 19 avril l'important blockaus Y 33.
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REPOS SUR LA PLAGE DE SOULAC DE GUDARIS
DU BATAILLON GERNIKA AVRIL 1945 |
Les 4 gudaris morts au combat furent :
- Le soldat Antonio Mugica Arrizabalaga, de Saint-Sébastien (Guipuscoa) célibataire, qui
n'avait pas encore 20 ans.
- Le sergent Juan José Jausoro Sasia, de Alonsotegui (Biscaye),célibataire, âgé de 29 ans.
- Le caporal Antonio Lizarralde Garamendi, de Durango (Biscaye), âgé de 37 ans.
- Le soldat Prudencio Orbiz Uranga (mort le 2 avril 1945), de Villabona (Guipuzcoa),
marié, un enfant.
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FIN DES COMBATS A SOULAC AVRIL 1945
POUR LE BATAILLON GERNIKA |
Le dimanche 22 avril 1945, le Général de Gaulle passa les troupes en revue et s'arrêtant devant
le drapeau Basque (Ikurriña), porté par le lieutenant Carlos Iguiniz, il le salua longuement.
Il déclara peu après au chef du Bataillon Gernika, Kepa Ordoki :
"Commandant, la France n'oubliera jamais les efforts et les sacrifices accomplis par les
Basques pour la libération de notre sol."
Le drapeau Basque reçut la Croix de Guerre.
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22 AVRIL 1945 LE GENERAL DE GAULLE SALUE L IKURINA
DU BATAILLON GERNIKA |
Le 26 avril 1945, 8 ans jour pour jour après le bombardement de Gernika, la Brigade Carnot
et son Bataillon Gernika défilèrent triomphalement dans les rues de Bordeaux, l'Ikurrina en
tête.
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BATAILLON GERNIKA A BORDEAUX 26 AVRIL 1945
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Quelques jours après, le 1er mai, c'est le Président Antonio Aguirre qui leur rendit visite et qui
les félicita.
Le commandant Chodzko embrassa sa Croix de Guerre et la remit au Président Aguirre en
disant :
"Quand nous irons libérer votre pays, vous me la rendrez sous l'arbre de Gernika."
Ensuite, le Bataillon Gernika se rendit à Bayonne et goûta quelques jours de repos au Country-
Club de Chiberta à Anglet.
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LE BATAILLON GERNIKA AVEC LE PRESIDENT AGUIRRE
A ANGLET EN MAI 1945 |
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BLESSES DU BATAILLON GERNIKA
EN CONVALESCENCE A BIARRITZ 1945 |
Avant leur démobilisation le 30 septembre 1945, 10 Croix de Guerre vinrent récompenser les
blessés.
Kepa Ordoki fut cité à l'ordre de la Division, avec attribution de la Croix de Guerre avec étoile
d'argent.
Après le 8 mai 1945, le problème de la démobilisation se posa pour toutes les troupes
combattantes en France, mais pour les Basques, il restait encore un objectif : renverser le
régime de Franco.
Le 7 juin 1945, le Bataillon Gernika revint en région Bordelaise.
Courant juillet, de nombreux Basques intégrèrent le Bataillon, dont les effectifs s'élevèrent à
260 hommes, mais la date de la démobilisation générale au 30 septembre 1945 est toujours
d'actualité.
Malgré l'intervention amicale en faveur des Basques du sénateur Ernest Pezet auprès des
autorités françaises et d'une ultime tentative du Vice-Président d'Euzakdi, Jésus Maria de
Leizaola auprès de De Gaulle lui-même, rien n'y fit et le Bataillon Gernika fut démobilisé.
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INAUGURATION EN AVRIL 1962 DU MEMORIAL A
SOULAC AVEC LES ANCIENS GUDARI DU BATAILLON GERNIKA
ET JESUS MARIA DE LEIZAOLA ET JOSEBA ELOSEGI |
(Source : le bataillon Gernika aux éditions Bidasoa)
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