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vendredi 25 janvier 2019

LE ROI ÉDOUARD VII À SARE - SARA EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN MARS 1906


LE ROI ÉDOUARD VII À SARE EN 1906.


Le Roi d'Angleterre, Edouard VII, aimait beaucoup le Pays Basque et le village de Sare, en particulier.


pays basque 1900
EDOUARD VII ET CHIQUITO DE CAMBO A SARE 1907
PAYS BASQUE D'ANTAN



Je vous ai parlé dans un article précédent de l'attachement  du Roi Edouard VII pour le village 

de Sare, voici ci-après un article du Journal des débats politiques et littéraires du 30 mars 1906, 

sous la plume de Jacques Bardoux,  qui nous en apprend un peu plus :


"Une visite d'Edouard VII au village de "Ramuntcho".




Isolé par delà les contreforts de la Rhune, Sarre "le vieux village", conserve dans son cadre et dans ses rues, tous les caractères de la patrie basque. 


pays basque autrefois
EDOUARD VII SARE 1907
PAYS BASQUE D'ANTAN


Au-dessous des arêtes nues de rocs gris, au pied des assises de terre rouge, parsemées, en avril, des fleurs d'or des ashtacarlua, des corolles bleues des nignola, s'étend une baie fertile, taillée jadis dans la masse des Pyrénées. Le cercle des montagnes est si proche, si complet, que Sarre est un des centres de la chasse des Palombes. On les prend au filet. Sur les sommets, les enfants armés de drapeaux et de clairons, effraient les vols d'oiseaux, les dirigent vers un col barré par des réseaux. La plaine n'est point unie ; une houle de mamelons l'anime de ses lentes oscillations ; la troupe dispersée des métairies, aux charpentes brunes et aux murs crépis, l'étoile de points blancs. Aujourd'hui l'éclat des semis, l'ardeur des premières pousses étendent sur cette large baie le voile d'une éclatante verdure, tachetée, çà et là, par les fleurs nacrées des arbres à fruits. Au sommet d'un des replis, dominé par son église mauresque, se dresse le village de Sarre. La majeure partie de ses habitants sont disséminés dans les fermes éparses dans la plaine et nichées sur les contreforts. Une minorité, seule, occupe les quelques maisons qui se serrent frileusement, les unes contre les autres, sur le mamelon isolé. Deux rues suffisent à la population du village. Bordées de quelques larges demeures, vieilles d'un siècle ou deux, rachetées par des Basques enrichis aux Amériques, elles convergent vers la place unique, centre de la vie collective. 




Face au Fronton, au jeu de Paume, long de cent cinquante mètres, inondé de lumière, bordé de gradins rustiques et moussus, se dresse la Maison Commune, la Mairie. Ses arcades aux colonnes noircies, ses escaliers aux dalles usées, ses murs, aux inscriptions commémoratives, disent l'attachement pour les libertés municipales de ces Basques, jadis ardemment rebelles aux monarchies centralisatrices. Si cette vieille maison évoque ces souvenirs des petites Républiques, des "Nations" autonomes, l'église et le cimetière, leur caractère mauresque, précisent les origines de cette race mystérieuse. Au-dessus des tiges droites des cyprès, l'église dresse son blanc campanile, ses murs crépis, percés de fenêtres rares et étroites, de portes basses et arrondies. Dans la nef sombre, encerclée de trois étages de tribunes en bois, sous le plafond peint, brillent, çà et là, les dorures de l'Orient. Autour des murs, en files régulières, se pressent les tombes : sur les dalles nues, serrées étroitement, se lisent des noms étranges. Sur les plus anciennes, ni croix ni dessins, un seul mot, le nom du mort, dont la sonorité lointaine résonne étrangement aux oreilles surprises. Et sur ce village, relié aux métairies éparses par des routes rapides, aux platanes tordus et noueux, et par des sentiers, aux larges escaliers, bordés de hautes pierres plates ; sur le campanile, flanqué de cyprès ; sur la pillota plassa, ses gradins moussus et sa solitude dallée, les arêtes rocheuses de la Rhune jettent, quand vient le soir, leur ombre sinistre. 



sare autrefois
PARTIE DE PELOTE SARE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Emu par la beauté de Sarre, P. Loti le choisit pour cadre de Ramuntcho. Il modifia légèrement le nom, Etchegar ; atténua peut-être la gravité farouche du cadre, de même qu'il affaiblit la force de la race féconde et aventureuse ; mais l'artiste respecta les détails du village, la place ombragée par la Rhune, le cimetière aux dalles nues, le sentier aux escaliers rapides, par où les contrebandiers gagnent là frontière toute proche. D'Ascain, où il habitait, le romancier, par le col de Saint-Ignace gagnait Sarre. La route était bordée des fleurs bleues que Loti a aimées. Du haut du vieil ermitage, il apercevait le cadre où devait se dérouler la tragique histoire dont Ascain lui fournit les personnages. Gracieuse vit toujours, mais elle n'est plus au couvent ; sous le proconsulat de M. Combes, pour sauver la République, elle en fut chassée Par les gendarmes. Arrokhoa, le frère de Gracieuse, est connu de tout le pays basque comme un pillotari redouté. Otharre eut l'honneur de jouer, récemment, à Sarre, devant Edouard VII, avec un autre des personnages de Ramuntcho, habile à la fois dans le maniement de la Chistera et l'organisation de la contrebande



labourd autrefois
PARTIE DE PELOTE SARE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Seule, l'indiscrétion d'un pillotari permit à quelques curieux d'assister à une excursion, dont on avait caché la date et l'heure, sur l'ordre exprès du roi. Ni les étrangers, ni les automobiles, ni les gendarmes, ne venaient affaiblir l'originalité de la fête et de son décor. Souriant et heureux, appuyé sur sa canne, le roi, dont la ressemblance avec la reine Victoria s'accentue avec les années, parcourut à pied les rues de Sarre. M. de Leremboure, le distingué conseiller général, lui servait de guide. Le royal visiteur jeta un coup d'œil à la Maison commune, contempla le panorama sur la frontière espagnole, regarda le sentier dallé, par où descendait Gracieuse pour venir à Etchegar. Après avoir déjeuné dans une des salles de l'Ecole communale, revêtue de cartes géographiques et d'affiches civiques, avec M. de Leremboure, lord et lady Dudley, la duchesse de Manchester, le général sir Clarke, Edouard VII gagna la Pillota plassa. Elle n'était plus déserte. Curieux pour une fois, et infidèles à des traditions séculaires, les paysans basques étaient descendus à Sarre, bien que ce ne fût point dimanche. Leurs prêtres les avaient accompagnés. Les femmes, dont la présence est toujours rare sur la place, étaient restées au logis. La présence d'un roi n'aurait point suffi pour justifier une pareille infraction aux usages. Salué respectueusement par le public silencieux, le roi est accueilli par une aubade du Tamburil municipal. La flûte ou Chirola aux lèvres, le tambourin, rond et allongé, suspendu au bras gauche, les deux musiciens jouent quelques airs, dont le rythme lent, la monotone gravité, la sonorité aiguë, évoquent invinciblement des souvenirs d'Orient. Aux danses de caractère, aux arin-arin, succèdent les danses d'amour, les fandango. Et la partie de longue paume, d'errebutian commence. Les deux Borze et cinq joueurs, armés de courts gants d'acier ou de cuir, se rejettent, à tour de rôle, par dessus une limite convenue, la lourde balle. Lancée du haut d'un trépied, avec la main nue, contre le fronton, par l'un des camps, elle est rejetée par l'autre, à une distance de cent cinquante mètres. Reprise de volée, elle doit être rejetée et renvoyée de nouveau, jusqu'à ce qu'un des joueurs l'ait manquée. Quand un camp a plus de quatre fautes marque un jeu (ihicia), il change de côté. La foule applaudit surtout les coups à longue portée de Lemoine et Goïech, le sacristain et l'aubergiste de Sarre, de Otharre, le frère de Gracieuse et le joueur d'Ascain, les coups d'arrêt, au gant de cuir, de Chilar, aujourd'hui un vieillard, jadis une des gloires de la pelote. Après la fin de la première manche, Rotschild d'Ascain, qui avait "chanté" les points de la partie, s'est approché de la tribune royale, et le béret rouge à la main, a salué Edouard VII dans une de ces "improvisations" ou perchua, dont la tradition n'est point encore perdue. Rien ne manquait à la fête : tous les usages du pays basque avaient été évoqués devant les yeux du souverain anglais. 


PELOTE BASQUE AUTREFOIS
ROTSCHILD D'ASCAIN ET PELOTARIS
PAYS BASQUE D'ANTAN


Le vent du Nord vint troubler la seconde manche de l'errebutian. Les joueurs étaient aveuglés par les tourbillons de poussière. La trajectoire de la balle était troublée par les rafales. Le roi disparut. Les spectateurs, glacés, l'imitèrent. La neige se mit à tomber. Et le village de Sarre, qui, pour faire honneur à Edouard VII, avait revêtu un instant sa parure de printemps, reprit son aspect d'hiver. La place se vide. Le silence s'établit. La Rhune étend sur Sarre son ombre agrandie."






Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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