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vendredi 7 novembre 2025

LES PASTORALES AU PAYS BASQUE EN JUILLET 1921 (deuxième partie)

LES PASTORALES EN JUILLET 1921.


La pastorale est un spectacle théâtral traditionnel du Pays de Soule, de plein air et amateur, rassemblant chaque année la population d'un village ou d'un groupe de villages.




soule autrefois pays basque theatre pastorale
PASTORALE DE MENDITTE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta à ce sujet Etienne Decrept, dans le quotidien La Gazette de Biarritz-

Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, le 13 juillet 1921 :



"Le Théâtre Basque et ses origines.

Les Pastorales.



Nous sommes, faute de documents directs, obligés de nous battre à coups d'hypothèses et je demande aux lecteurs de la Gazette la permission de leur faire connaître celles que j'ai opposées aux arguments de Monsieur Albert Léon.



D'abord, ce n'est pas la date de 1769 qui a déterminé ma conviction comme semblait le croire Monsieur Léon ; elle ne m'a procuré qu'un simple jalon chronologique.



Il y a bien des années que je prend les tragédies béarnaises et leur dérivées souletines pour de grossières imitations de la Tragédie française. C'est le mouvement rythmique des phrases et cette déclamation chantante où l'on a cru retrouver un écho de la mélopée antique qui ont tout d'abord attiré mon attention. Connaissant les procédés de nos bardes basques habitués à composer leurs poèmes sur des airs connus, je me rendis compte que les pastoraliers avaient voulu donner à leurs vers tragiques la cadence et la mesure de l'alexandrin : mais comme leur langue ne se prêtait pas complaisamment à ce jeu difficile, ils durent essayer d'un instrument qui, malgré sa souplesse, demeure cependant plus proche du mètre classique français que de l'octosyllalique familier aux auteurs des mystères. L'accent tonique souletin qui laisse tomber les désinences presque à l'italienne facilita singulièrement la tâche des imitateurs en leur permettant d'escamoter la dernière syllabe et à la césure et à la fin du vers. Ils obtinrent ainsi deux hémistiches scandés à sept syllabes qui donnent à l'audition une harmonie presque aussi pleine, que celle de l'alexandrin. Le passage à la ligne après le premier hémistiche, que l'on constate dans tous les manuscrits, n'est qu'un trompe-l'oeil dû à l'ignorance des écrivains et à leur désir de ne point gaspiller le papier en lui laissant trop de blancs marginaux. C'est par économie que Saffores, notamment, écrivit ses oeuvres sur trois colonnes.



Ainsi la contexture régulière des vers tragiques basques ne serait pas le quatrain, mais le distique dont on ne peut contester le classicisme.



Les techniques théâtrales rudimentaires et l'impersonnalité des personnages qui frappent au même degré dans les Mystères et les Pastorales n'ont nul besoin d'apparentement pour être expliquées. L'excellente formule employée par M. Léon lui-même suffit : Dans les produits de l'activité humaine des résultats semblables peuvent naître spontanément sous l'empire de circonstances semblables. Et je citais à l'appui de cette constatation un fait dont je fus le témoin, non pas dans un village perdu, mais à Paris, au théâtre des Poètes, où un groupe de jeunes et vieux porte-lyre présidés par François Coppée — n'ayant par conséquent aucune tendance révolutionnaire en littérature — nous présenta entre autres pièces : L'Empereur à la Barbe Fleurie. Dans cette pièce, aussi maladroitement construite que nos Jean de Calais et nos Hélène de Constantinople, on voyait paladins, traîtres et archevêques venir tour à tour à la rampe raconter leur petite histoire pendant que les autres acteurs faisaient tapisserie.



rois reines personnages celebres
CHARLEMAGNE

Cet exemple suffit à démontrer que paysans illettrés et hommes de lettres travaillent de la même façon lorsqu'ils ne sont pas astreints à étudier le métier d'auteur dramatique chez les bons faiseurs.



Ils découpent un récit en tranches qu'ils lieront plus ou moins entre elles ou qu'ils laisseront même dépourvues du moindre lien. C'est la technique du roman substituée à celle du théâtre, et il n'y a rien d'étonnant à ce qu'elle ressorte avec plus de franchise dans les Pastorales, puisque ces pièces sont, en général, empruntées à la librairie de colportage.



Quant au détail : batailles, chants, danses, musique, le souletin aime les combats, les ailes de pigeon, le zinkak que nous appelons ici irrintzinak, les chansons et, en un mot, le mouvement et le bruit. Les auteurs malins lui en ont fourré tant et plus, sans consulter d'autres modèles que leurs auditeurs.



soule autrefois pays basque theatre pastorale
PERSONNAGES PASTORALE SOULETINE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Les cérémonies du culte et les dissertations théologiques servent de contre-poids au reste et on les prodigua d'abord pour désarmer Monsieur le Curé quand ce ne fut pas sous son influence immédiate. C'est ce qui fait comprendre pourquoi le théâtre Basque, n'eût pas à vaincre les résistances que le théâtre Breton rencontra auprès du clergé.



Mais la raison profonde qui me fait dénoncer la nouveauté relative des Pastorales est la suivante : la langue basque n'a pas de mots, — même déformés, — pour désigner : théâtre, scène, acteur, pièce, personnage, — je dis, même des mots provenant du castillan et du français, or, le talent de déformateur du Basque est sans rival. Depuis le grand Axular qui fait "maradicino" et "ocasino" d'occasion jusqu'aux bonnes gens de Ciboure qui finirent par appeler Ttafla le Terre-Neuve de mon ami Colin baptisé Dauphin par son maître, il y a de la marge. Cependant on dit aujourd'hui : teatria, acturra, personnajia, etc., traduction indiscutablement récente.



En outre, aucun acteur même souletin, Tartas ou Oihenart, n'emploie ces images si fréquentes dans toutes les autres langues : théâtre de la guerre, scène du crime, acteurs du drame, etc...



Enfin, je n'ai jamais surpris dans les ouvrages des 16ème et 17ème siècles la moindre allusion à ces Pastorales si étrangement accaparées par une petite partie de ce pays basque où tous les autres genres de divertissement sont, à quelque détail près, identiques dans les sept provinces.




soule autrefois pays basque theatre pastorale
PASTORALE GARINDEIN 19 AVRIL 1936
COLL MUSEE BASQUE
PAYS BASQUE DANTAN

Il manque donc à ce spectacle le caractère général qui l'eût euskarisé au même titre que la pelote.



Je n'ai pas réussi à convertir M. Albert Léon à mes idées ; pas plus qu'il n'a réussi à me convertir aux siennes. Nous couchons sur nos positions, en attendant que la puissance persuasive d'un bienheureux manuscrit des années 1500 ou 1600 m'oblige d'abjurer ma conviction robuste.



Je note, en passant, qu'il est plus difficile de détruire une erreur qu'il n'est facile d'établir une vérité.



En admettant que je sois dans le vrai, comment le prouverais-je ?"


A suivre...







(Source : http://pastorala.erakusketa.bilketa.eus/index.php/fr)






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