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jeudi 13 mars 2025

L'ÉMIGRATION BASQUE EN AMÉRIQUE DU SUD EN 1867 (deuxième et dernière partie)

 

L'ÉMIGRATION BASQUE EN 1867.


En 1867, les autorités Françaises s'inquiètent du nombre de Basques cherchant à émigrer, en particulier en Amérique du Sud.



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BATEAU URAL MONTEVIDEO
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce qu'en rapporta à ce sujet le quotidien La Gironde, le 3 septembre 1867, sous la plume de 

John Le Long :



"... Cette note du 6 octobre 1863 explique suffisamment la nature des nouveaux renseignements que je lui avais demandés :


"La personne qui, pour la première fois, vient faire un dépôt à la Banque, se présente à la comptabilité. Si elle ne sait pas écrire, on prend son signalement de la manière la plus exacte ; si elle sait écrire, elle donne, en faisant son dépôt, sa signature et son adresse. Elle reçoit alors un livret qu'elle présente chaque fois qu'elle fait un nouveau dépôt, ou qu'elle touche soit les intérêts, soit le capital déposé.


Les neuf dixièmes des déposants ne savent pas écrire, un dixième sait signer. Ceux-ci seuls peuvent se dispenser de paraître en personne ; tous les autres sont obligés de se présenter à la Banque. Rarement les ouvriers viennent recevoir les intérêts échus, sans faire le dépôt de ces mêmes intérêts auxquels, en général, ils ajoutent une nouvelle somme."



Lors même qu'il n'existerait pas d'autres preuves quant à la classe des déposants, cette note ne démontre-t-elle pas, avec la dernière évidence, que la grande majorité d'entre eux se compose uniquement de travailleurs ?



Je ne connais le rapport de M. consul de France à Buenos-Ayres que par les passages indiqués dans votre circulaire du 15 avril dernier.



Je me bornerai à reproduire ici les accusations les plus graves qu'on a voulu en faire ressortir, parce que je tiens à y répondre :


"A leur arrivée dans cette contrée, dit M. le consul, la plupart des émigrants se font gardiens de moutons pour le compte des grands propriétaires du pays, qui leur confient des troupeaux de 1 500 à 2 000 têtes.



L'isolement dans lequel ils vivent dans les pampas les rend sauvages et leur inspire le goût des boissons alcooliques, en sorte que les quelques petites économies que les émigrants pourraient faire sont dépensées en provisions de rhum, dont l'usage prolongé conduit la plupart d'entre eux à une triste fin.



Bon nombre de ces émigrants, ajoute M. le consul, ne sont pas allés spontanément en Amérique ; ils y ont été poussés par des courtiers d'émigration. C'est ce que déclarent ceux qui, désillusionnés, vont journellement solliciter la charité du consulat."



Quatre mois se sont écoulés, monsieur le préfet, depuis le jour où parut votre circulaire. Sans doute, j'aurais pu y répondre tout de suite, citer les faits que je viens d'énumérer et y joindre, au besoin, d'autres encore.



Mais, dès 1866, j'avais quitté le Rio de la Plata.



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SALUT DU RIO DE LA PLATA
ARGENTINE D'ANTAN



Ne devais-je pas d'abord résoudre cette question, à savoir si, dans votre département, si sur les rives de la Plata, il se serait produit, depuis 1866, quelques plaintes plus ou moins fondées ?



De ce côté comme de l'autre côté de l'Atlantique, rien n'est changé, m'assure-t-on ; l'émigration continue à augmenter, et la prospérité du pays s'accroît chaque jour.



L'émigration basque, affirment mes dernières correspondances de Buenos-Ayres et de Montevideo, se fait toujours aux mêmes époques, dans les mêmes proportions, et de la même manière que les années précédentes.



A Buenos-Ayres surtout, dont la rade peu profonde ne permet aux bâtiments d'outre-mer de fort tonnage de jeter l'ancre qu'à 8 kilomètres du port, le débarquement présente une animation et un intérêt tout particulier. Vous le comprendrez facilement, monsieur le préfet, quand vous saurez que vos administrés, qui se rendent depuis 20 ans sur les rives de la Plata, y sont tous appelés par leurs parents et amis.



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SALUT DU RIO DE LA PLATA
ARGENTINE D'ANTAN



Tous ceux qui ont habité le Rio de la Plata ne connaissent, pour l'émigration basque, d'autres courtiers que ceux-là ; mais ceux que l'on veut bien qualifier de courtiers occupent déjà une certaine position.



Ce qui importe le plus aux nouveaux venus, c'est d'avoir à faire à des personnes qui connaissent parfaitement les ressources que présente le pays. Singuliers courtiers d'émigration : les uns paient à l'avance le passage de leurs concitoyens qu'ils ont appelés ; les autres donnent leur garantie pour ce paiement !



Ce qu'il faut surtout dans les républiques de la Plata, c'est le travail de l'homme, et de tous les travailleurs, aucun n'est plus recherché que le basque.



Il suffit d'être Basque pour être placé avant même d'avoir quitté le bâtiment qui le conduit sur les rives de la Plata.



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JOURNAL LE COURRIER DE LA PLATA LE FRANCAIS



Aussi n'a-t-on jamais vu un seul Basque dans les salles d'asile de Montevideo et de Buenos-Ayres. On y reçoit cependant gratuitement, pendant les premiers jours qui suivent leur arrivée, les émigrants, et l'on s'occupe de les placer convenablement.



Ceux-là seuls sont désillusionés qui se figurent qu'il ne faut peu ou même point travailler, et qu'il suffit d'aller en Amérique pour faire fortune ! Ce sont encore ces jeunes gens qui, munis d'un diplôme de quelques unes de nos Facultés, croient qu'ils n'ont besoin que de présenter ces titres pour obtenir une position ! "Erreur profonde ! n'ai-je cessé de leur répéter pour ma part. Je ne manquais jamais d'ajouter : "Ce qu'il faut ici, ce sont des bras, rien que des bras."



Je ne doute pas que notre consul aussi n'ait pu voir quelques-uns de ces jeunes désillusionnés qui s'étaient fait trop d'illusions.



Si j'ai rapporté les principaux passages du rapport de notre consul, c'est afin que vous puissiez vérifier vous-même, monsieur le préfet, leur complète inexactitude.



D'abord, tous les faits que j'invoque et ceux que j'invoquerai encore sont tellement de notoriété publique, qu'au besoin les populations tout entières de Buenos Ayres et de Montevideo pourraient les attester.



A l'occasion de l'Exposition universelle de 1867, un grand nombre de négociants et autres habitants des rives de la Plata sont venus à Paris.



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EXPOSITION UNIVERSELLE 1867






Comment pourrai-je vous rendre, monsieur le préfet, les impressions fâcheuses produites parmi eux, en prenant connaissance de cette circulaire ?



Je ne puis me dispenser de vous parler de l'un de ces commerçants, dont j'ai été assez heureux de pouvoir depuis longtemps apprécier les éminentes qualités.



Après un séjour de 40 ans dans ce pays, cet honoré compatriote ne s'est pas contenté de faire fortune, il a fait mieux encore ; il a conquis dans ces contrées l'estime générale.



Chimiste distingué, il sut, au début, introduire d'importantes améliorations dans l'exploitation des saladeros. Ses procédés, qu'il serait trop long d'énumérer ici, furent promptement employés par tous.



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SALADERO URUGUAY 1904


C'est ainsi que la plupart des produits du pays se rattachant à cette industrie doublèrent bientôt de valeur.



Ces quelques lignes suffiront, je l'espère, pour vous aider à juger ce respectable Français qui, à la lecture de la circulaire préfectorale que je lui apportais, s'est exprimé dans les termes suivants :


"Dites à M. le préfet des Basses-Pyrénées que chaque année, pendant 6 mois, j'occupe plus de deux cents ouvriers qui, la plupart, sont des Basques. Parmi ceux-ci, les uns gagnent de 35 à 40 fr. par jour, d'autres 30 fr. ; mais il n'en est aucun dont la journée de soit au moins de 25 fr."



Notre consul vous induit encore en erreur, en affirmant que la plupart des Basques se font gardiens de moutons et vivent dans les pampas.



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MOUTON DANS PAMPA
ARGENTINE D'ANTAN





Il n'est donc évidemment question que de ceux qui sont établis dans la provinces de Buenos-Ayres. Il s'agit donc d'indiquer ici les états exercés par les Basques dans cette seule province.



Voici quelle était la situation il y a à peine 4 ans :


1° — Saladeristes et ouvriers occupés dans les saladeros : 500

2° — Estancieros ou propriétaires de troupeaux de moutons, soit seuls, soit en communauté, par exemple par 1/2 ou par 1/3 avec le possesseur du sol ; les ouvriers occupés comme bergers ou gardeurs de troupeaux : 1 200

3° — Charretiers et porteurs d'eau : 1/2 des charretiers à la campagne : 2 000

4° — Boulangers, maîtres et ouvriers : 1 000

5° — Cordonniers, id.  id. : 3 000

6° — Fours à briques et à chaux, maîtres et ouvriers : 3 000

7° — Marchands de lait : 1 200

8° — Petite culture, légumes, luzerne, etc., maîtres et ouvriers : 1 800

9° — Etats divers, tels qu'aubergistes, maçons et pulperias à la campagne : 800

Total : 14 600



Il faut dire que non seulement à Buenos-Ayres, mais dans toute l'étendue du Rio de la Plata où, il y a 20 ans, l'exploitation des saladeros se faisait uniquement par les gens du pays, ceux-ci sont aujourd'hui remplacés par les Basques.



En se livrant à ce pénible travail, un Basque parvient, en 3 ou 4 années, à réunir de 10 à 12 000 fr. Ordinairement, une fois possesseur de ce capital, il change d'état, et un certain nombre de Basques se sont déjà livrés aussi à l'industrie du mouton, qui, jusqu'à présent, de toutes les industries, est la plus lucrative.



Ce n'est sans doute pas de ces derniers travailleurs, devenus bergers, que M. le préfet a fait un portrait si peu séduisant, où il nous les montre sauvages et ivrognes.



Et cependant, sur l'une et l'autre rive de la Plata, un Basque ivrogne est tout aussi inconnu qu'un Basque paresseux.



Quoi qu'il en soit, j'en ai assez dit pour prouver que, dans la province qui s'occupe le plus d'élever du mouton, c'est à peine un douzième de la population basque qui se livre à cette occupation, patrons et ouvriers compris.


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MOUTONS 1911
ARGENTINE D'ANTAN



J'ai l'honneur, etc..."



Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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