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vendredi 6 juin 2025

LA PRISON DE SAINT-PALAIS EN BASSE-NAVARRE AU PAYS BASQUE EN 1933

LA PRISON DE SAINT-PALAIS EN 1933.


La Maison d'arrêt de Saint-Palais, en Basse-Navarre, a existé d'août 1790 à juin 1933.




pays basque autrefois prison basse-navarre
MAISON D'ARRÊT SAINT-PALAIS
BASSE-NAVARRE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin de la Société des Sciences, Arts & Lettres de Bayonne

le 1er juillet 1933, sous la plume de Jean Etchecoin :



"La prison de Saint-Palais.



Le chef-lieu judiciaire du 3ème arrondissement des Basses-Pyrénées — c'est Saint-Palais que je veux dire — vient de fermer définitivement sa prison, ou mieux, pour parler une langue plus administrative, sa maison d'arrêt.



Une prison qui se ferme ! Jadis, on eût auguré que l'âge d'or allait renaître (voyez Classiques) et, naguère, on en aurait induit qu'une école s'était ouverte : rappelez-vous l'axiome célèbre de Victor Hugo. Aujourd'hui, hélas ! il nous le faut interpréter autrement. Aucune école nouvelle ne s'est ouverte à Saint-Palais, et quant à l'âge d'or, il est si loin d'y renaître — pas plus à Saint-Palais, du reste, qu'ailleurs — que c'est, au contraire, l'âge de fer qui, à travers toutes ces suppressions, compressions et redistributions, nous arrive à pas lents, à pas lourds, à pas implacables, sous le signe paradoxal du franc-papier.



Donc, Saint-Palais a fermé sa prison ; mais quand l'avait-il ouverte ?



Ne datons, voulez-vous, mais pour cette fois seulement, que de 89. Saint-Palais ouvrit sa prison deux années tout juste avant l'an 1er de la Liberté. C'est en effet, le 24 Août 1790, qu'un décret de l'Assemblée Nationale lui avait attribué le Tribunal du district, et, par voie de conséquence, une maison d'arrêt. A vrai dire, cette attribution n'était que provisoire, et la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port, rivale évincée de Saint-Palais, se flatta qu'en en appelant de l'Assemblée mal informée à l'Assemblée mieux informée, elle pourrait faire revenir le législateur sur un choix que, d'après elle, rien ne justifiait. Le morceau, très tentant, était de taille, et Saint-Palais lui semblait avoir les yeux plus gros que le ventre. C'est fort bien de se charger des services judiciaires d'un district, faut-il encore pouvoir les loger ? Si, pour un tribunal, la question de savoir où il tiendra ses séances peut, depuis Saint-Louis, ne plus se poser (à l'extrême rigueur, s'entend), il n'en va pas de même pour une maison d'arrêt, il y faut nécessairement une maison tout court. Là-dessus, Saint-Jean était bien tranquille, il ne redoutait aucune compétition. Il avait, en effet, sur sa Place, une certaine maison de Fourré qui "ne laisse rien à désirer pour un établissement public quel qu'il soit.  Sa situation agréable, sa distribution et son étendue présentent toutes les commodités. Ses caves souterraines, mais saines, seraient même susceptibles de fournir des prisons".



Au besoin, d'ailleurs, n'avait-il pas sa "prison des évêques" cette fameuse prison qui a fait couler plus d'encre, espérons-le, que de larmes, et dont on ne saura jamais, grâce à l'irréductible équivoque du génitif français, si elle hébergea des évêques ou, seulement, leurs pensionnaires forcés ?



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PRISON DES EVÊQUES SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT
BASSE-NAVARRE D'ANTAN



En regard, je l'avoue, Saint-Palais faisait piètre mine. Loin de leur donner l'embarras du choix, il ne put offrir aux commissaires délégués par le Directoire départemental, MM. Félix Lafargue, de Bedous et Charles Guirail, d'Oloron, que les locaux vétustes de l'ancienne sénéchaussée.



"A l'extrémité du colidor (sic), est-il noté dans leur rapport, se trouve la salle d'audience ; elle forme un quarré assez considérable ; au-dessous de cette salle sont des basses fosses destinées à la détention des prévenus (criminels)... On trouve enfin au-dessus du greffe, des prisons pour les prisonniers civils". Le nécessaire et le suffisant, quoi ? Les commissaires durent en juger ainsi, car, ayant visité ensuite Saint-Jean et le bel immeuble que cette ville leur proposait, ils ne conclurent point à ce que l'affectation primitive fut modifiée et Saint-Palais dépouillé au profit de Saint-Jean : en quoi ces Messieurs firent preuve d'une méritoire impartialité. Songez que, à leur arrivée, Saint-Jean avait tiré le canon ! Il est vrai, tel une plaisanterie médiocre, ce canon fit long feu...



Ces "basses fosses" visitées, le 19 Janvier 1791, par les citoyens Lafargue et Guirail, elles existent toujours, seulement elles ont changé, sinon de forme, du moins de destination ; ce ne sont plus aujourd'hui que des celliers. On en peut voir les fenêtres, ouvrant sur la Bidouze, au sous-sol de la caserne de Gendarmerie. De toute évidence, ces ouvertures sont récentes et en remplacent d'autres qui devaient être plus petites, moins nombreuses et munies de barreaux de fer. Il est loisible à notre imagination d'y coller des faces hâtives de prisonniers ; yeux levés vers l'azur matinal que paraphe en 8 la traditionnelle "hirondelle du captif", ou bouches avides aspirant dans l'air du soir la bonne odeur des champs dont la clef est perdue... Comme au pied d'une tour, dans le classique décor de la romance "troubadour", la rivière coulait au bas du mur abrupt. Or, rien de tel que l'eau qui court — entre des joncs murmurants et perchés, ou deux quais de granit, peu importe —, pour rythmer irrésistiblement "l'Invitation au voyage" — et à la fuite.



Un soir de Vendémiaire an XI (octobre 1802) quelques détenus tentèrent de la prendre. Alerté par le geôlier, l'adjoint au maire, M. Dabadie-Sorhaburu, alerta à son tour les gendarmes et se rendit en toute hâte à la prison. Il descendit "aux cachots donnant sur la rivière" et, dans celui du milieu, découvrit "trois quarts de poudre fine à brûler ; plus huit couteaux dont deux "sont en forme de lime ; deux briquets à feu ; enfin, deux pierres à fusils" ; bref, tout ce qu'il fallait pour s'ouvrir un passage par le fer et par le feu...



Cet incident — dont j'ignore comment il fut clos — ne fut pas étranger, sans doute, à la détermination que prit ultérieurement l'Administration d'édifier, sur un autre point de la ville, une nouvelle Maison d'Arrêt. A quelle époque celle-ci fut-elle commencée ? à quelle autre, finie ? Aucun document local n'en a gardé le souvenir, mais ce qui est sûr, c'est qu'elle existait, dans ses dimensions actuelles, en 1826, puisqu'elle figure au plan cadastral de Saint-Palais dressé précisément cette année-là. Existait-elle avant cette date ? C'est très probable. Qu'elle ait même été construite sous l'Empire plutôt que sous la Restauration, j'en verrais volontiers la preuve dans ce fait qu'aucune chapelle n'y avait été prévue.



A cela près, la nouvelle prison réalisait l'idéal du genre. Ni avenante, ce qui eût été immoral, ni rébarbative, ce qui aurait démoralisé, sa façade allongée et trapue, aux lignes sobres, avait la banale indifférence de l'édifice administratif. Neuf fenêtres grillées en décoraient la nudité un peu monotone ; une seule porte, étroite naturellement, n'engageait pas à entrer, mais décourageait de sortir ; enfin, un perron y montait, un beau perron semi-circulaire de dix marches, amplement justifié, du reste, le Vice, comme chacun sait, ayant ses degrés ainsi que la Vertu.



Il n'est pas de prison heureuse, mais en serait-il, que celle de Saint-Palais eût été du nombre, ne fût-ce que, comme les peuples heureux, pour n'avoir pas d'histoire. Car elle n'a pas d'histoire, la prison de Saint-Palais, ou si peu ! Ah ! ce n'est pas elle qui pourrait se targuer d'avoir été une prison d'évêques, même schismatiques ! On n'y mettait à l'ombre que des hommes obscurs, ou bien les interchangeables sujets de la Reine des Bohémiens ou encore cette souveraine elle-même, son royaume qui est pourtant de ce monde ne lui conférant pas, hélas ! le privilège de l'exterritorialité.



En revanche, elle a sa légende, cette prison sans histoire, une légende à la fois gracieuse et magnanime. Elle a abrité, non le dernier jour, mais la dernière nuit d'un condamné ; car, contrairement à une opinion assez répandue, le fameux Brichquet — c'est de lui, en effet, que je veux parler — n'y fut jamais détenu et, par conséquent, n'a pas eu à tenter de s'en évader. Arrêté et incarcéré à Pau, c'est à Pau qu'il fut jugé et condamné à mort et c'est à Saint-Palais, où il était arrivé de la veille, qu'il subit la peine capitale, le vendredi 5 février 1841, à midi, au milieu d'un peuple immense qui, venu pour le maudire, ne pouvait que pleurer.



Cet homme, jeune encore, qui avait donné la mort — et férocement — sut l'affronter, pour son compte, sans faiblesse. C'est un fait : la presse de l'époque est unanime à le reconnaître. Mais la légende, toujours avide de merveilleux, ajoute à cette rare impavidité, trop muette à son gré probablement, un sang-froid, une présence d'esprit, une promptitude de répartie comme on n'en trouve de semblables que dans la si curieuse Histoire des grands hommes qui sont morts en plaisantant.



A l'aumônier, éperdu et balbutiant, qui ne sait que lui répéter : "Ce n'est rien !", Brichquet rétorque doucement : "Si ce n'est rien, qu'est-ce donc qui sera quelque chose ?" ; jaloux de montrer que son âme est toujours maîtresse du corps qu'elle anime encore, il franchit d'un seul bond le perron de dix marches ; enfin, il sollicite l'ultime faveur — et l'obtient — de donner un baiser à la fille du geôlier qui était belle, dit, cette fois, l'histoire, et non plus la légende, comme la Vierge des dernières amours !



Inoccupée et fermée depuis quelques années déjà, la paille humide des cachots jetée au vent et ses deux cours envahies d'herbes folles, l'ex-prison de Saint-Palais n'avait plus rien qui rappelait son ancienne destination, hormis un jeu de chaînes, si, toutefois, ces deux mots ne jurent pas d'être accouplés. Ces chaînes, à la vérité, semblent assez débonnaires ; elles n'ont ni les formes inquiétantes ni la rouille suspecte de celles que le fanatisme scella, jadis, aux murs des in-pace ; aussi n'émeuvent-elles que médiocrement. Néanmoins, telles quelles, ce sont des témoins d'un passé qui fut coupable, certes, mais que le temps a absous. "Le Temps, vieillard divin, honore et blanchit tout..."



Le Maire de Saint-Palais, jugeant avec raison que ces chaînes devaient être conservées, a eu l'heureuse idée de les offrir au Musée Basque, et le Musée Basque qui ne veut demeurer étranger à rien de ce qui est — ou fut — basque, les a très volontiers acceptées. En conséquence, ces chaines, chargeant — pour la première fois, sans doute — des mains innocentes, ont été enlevées, l'autre jour, mais si discrètement que nulle oreille amie des cadences lamartiniennes n'a entendu "le bruit joyeux d'une chaîne qui tombe, Au seuil libre d 'une prison."







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