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dimanche 9 novembre 2025

LE ROMAN "RAMUNTCHO" DE PIERRE LOTI JOUÉ EN LANGUE BASQUE À HENDAYE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN MARS 1922 (deuxième et dernière partie)

 

"RAMUNTCHO" À HENDAYE EN 1922.


Le 26 mars 1922, est joué à Hendaye, au Théâtre des Variétés, une adaptation théâtrale en langue Basque de "Ramuntcho", le roman de Pierre Loti.



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CINEMA LES VARIETES HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN




Voici ce que rapporta à ce sujet La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans 

diverses éditions :



  • le 28 mars 1922 :

"Un grand événement artistique et littéraire à Hendaye.

"Ramuntxo" est joué en langue basque.

M. Etienne Decrept nous parle de la belle adaptation de don Toribio de Alzaga.



Malgré le mauvais temps, un public assez nombreux assistait à la première représentation de Ramuntxo en France. Le traducteur et adaptateur du roman fameux de dirigeait lui-même sa phalange d'artistes-amateurs. Disons tout de suite que le succès a été considérable et bien mérité. L'adaptateur, don Toribio de Alzaga, directeur de l'Académie de Déclamation basque de San Sébastian, est presque un professionnel de l'art dramatique. Il a des oeuvres personnelles à son actif et sa réputation chez les eskualduns transpyrénéens est grande.



Aussi son habileté scénique lui a-t-elle permis de tirer d'un livre, d'où l'action est à peu près bannie, tout ce qu'il comportait d'intérêt théâtral. On sait qu'en général on fait du mauvais théâtre avec le roman.



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LIVRE RAMUNTCHO DE PIERRE LOTI


Les deux genres sont en quelque sorte deux frères ennemis, le roman analysant presque toujours des situations que le théâtre synthétise. A cause de cette raison profonde, toutes les tentatives faites pour extraire, des livres dont la partie dialoguée est la moins étendue, des pièces où toute vie s'exprime par le dialogue ont échoué lamentablement.



Cette mode n'est, d'ailleurs, pas ancienne et nous la devons à la période naturaliste de notre littérature : c'est entre tous ses lanceurs, Edmond de Goncourt, à l'outrecuidance sans bernes, qui crut plus particulièrement nous doter d'une dramaturgie nouvelle, appelée dans la conviction de son initiateur à supplanter les vieilles formes de notre théâtre classique ou romantique. Et ce fut alors Germinie Lacerteux aux innombrables tableaux défilant avec une rapidité cinématographique ! aux vices plus grands que les pleins ! — je veux dire que les entr'actes y duraient plus — que la pièce — et ce fut aussi l'effondrement !



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ROMAN GERMINIE LACERTEUX
PAR EDMOND ET JULES DE GONCOURT



Les auteurs faits pour le théâtre revinrent à la coupe en actes et si quelques-uns s'attardèrent dans la formule Goncurienne, c'est bien par hasard ou avec le désir d'être agréables à des directeurs pour qui tout l'art théâtral tient dans la mise en scène : J'ai nommé M. Antoine, le célèbre M. Antoine qui a — paraît-il — révolutionné le théâtre en France !...



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PHOTO D'ANDRE ANTOINE
PAR CHARLES REUTLINGER


C'est lui qui fit mettre Ramuntcho à la scène et ce ne fut pas un succès pour l'Odéon.

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M. Toribio de Alzaga ne s'est pas servi de la pièce française. Il a puisé directement dans le roman. Comme je l'ai dit plus haut, l'ouvrage de Loti n'ayant que peu de substance dramatique ne permettait pas au dramaturge de multiplier les épisodes sensationnels. Celui-ci, très respectueusement, a suivi presque toujours la trame du livre. A peine a-t-il guipuzcoanisé le deuxième acte en y produisant un "ttunttun" et en pourvoyant de chapeaux melon et de apes à l'espagnole les paysans sortant de l'églises. A mon voisin, qui s'effarait devant cet endimanchement inattendu, j'appris que les campagnards basques de là-bas arborent obligatoirement dans les cérémonies religieuses d'un certain ordre la cape et le chapeau haut, hérités de l'Aïeul. C'est ainsi que j'ai de mes yeux vu des Bolivars à soies longues de 1820 voisiner avec des tubes de tous calibres et de toutes silhouettes : Rétrécis par le haut, évasés, droits, à bords plats et à bords relevés. Mon père m'affirmait que vers 1850 il n'était pas rare de rencontrer des tricornes et des bicornes du XVIIe siècle et nul ne songeait à taxer cette exhibition de carnavalade.



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TORIBIO DE ALZAGA


Donc, M. de Alzaga a tout simplement fait de la couleur locale en habillant ainsi sa figuration et personne n'a le droit de lui adresser de reproches à ce sujet.



Ce deuxième acte est plein de mouvement ainsi que le troisième tableau, un peu court... et pour cause.



Par contre, dans le quatrième tableau il a fallu faire se succéder trop d'événements dans un laps de temps trop court, mais cet illogisme disparaît sur la scène quand l'action est vivement conduite, et c'est le cas.



Le cinquième tableau est nettement de transition. L'essentiel pourrait y être dit en deux minutes et j'estime que don Toribio de Alzaga pourrait s'arranger de façon à rattacher cet essentiel à la fin du quatrième tableau. Nous y gagnerions de ne pas avoir notre émotion coupée par un monologue de Florentino parfaitement inutile à la marche des événements et qui, du reste, n'est qu'une redite en prose de la chanson d'Elissamburu : Ikhusten duzu goizian. Cousez, don Toribio, cousez.



Le dernier tableau est parfait de composition et de sobriété.



La langue de l'auteur — car ici l'adaptation du drame est vraiment l'auteur de son expression — est d'une élégance et d'une pureté remarquables. Je ne connais rien d'aussi harmonieux que l'eskuarien débarrassé de ces successions d'assonances auxquelles nos baptisants n'attachent, semble-t-il, aucune importance fâcheuse. M. de Alzaga n'est point de ces trop faciles littérateurs, heureusement. Aussi, les belles tirades de Ramuntxo sont-elles un régal pour les oreilles délicates.



Mais, dont Toribio n'a pas mis que de la grâce et de la science linguistique dans ses dialogues. L'esprit, un esprit naturel, bien populaire y éclate spontanément, sans effort, quand la situation l'exige. Le public très compréhensif, accueillit chacune de ces boutades, vraiment de terroir, par des transports de joie.



Il est vrai que les deux artistes qui les lançaient sont exceptionnellement doués pour les rôles comiques : M. Eguilejor (Itxua) et M. Etxeberria (Monsieur le Curé) nous ont rappelé — mais à nous y tromper — des types rigoureusement basques et très souvent rencontrés dans nos promenades à travers Eskual-Herria.



M. Beorlegui a tenu sans défaillance le rôle difficile de Ramuntxo et, à la fin du quatrième tableau, il a su trouver des accents sincères et émouvants.



MM. Lasa et Muxika ont de bonnes figures d'Eskualduns bien sympathiques.



Les rôles de femmes ont moins d'importance que les rôles d'hommes, excepté toutefois celui de Pantxika, la mère de Ramuntxo. Mlle Olaso y fait ressortir de belles qualités de tendresse et de mélancolie.



Maritxo, la fiancée du principal protagoniste, a une interprète ingénue à point dans Mlle Arrieta ; Mlle Areitioaurtena est une Pilar basque à souhait et Mlle Iricoyen une mère religieuse enveloppante et melliflue comme celle de la réalité même. Car la scène finale du roman et de la pièce n'est pas due à l'imagination de Pierre Loti. Elle est authentique. L'un des jeunes gens qui la vécurent — le frère de la religieuse novice — la raconta à l'écrivain pour s'effarer plus tard naïvement de l'effet prodigieux que le récit dégage : Comment, demandait-il à l'un de ses meilleurs amis qui est également un intime de Loti, comment a-t-il pu si bien peindre les sentiments et les attitudes des gens qui prenaient part à cette courte discussion puisqu'il n'y assistât pas ? Ce bon Arroxko ignorait les ressources du génie. Alphonse Daudet, admirable artiste lui-même, aimait par dessus tout cette scène si sobrement tragique. Il la croyait inventée et faisait force compliments à Pierre Loti de cette délicieuse trouvaille : tu es un mage, lui disait-il !



Une vérité se dégage de cette audition théâtrale et, à mon sens, elle a une importance énorme : C'est que les personnages dessinés par Pierre Loti sont de vrais basques et non des fantoches. Si c'étaient là des être artificiels, sans nerfs ni âmes, ce n'est pas en les faisant parler "eskuaraz" que M. de Alzaga leur eût insufflé une vie qui leur manquait.



Ceci soit dit pour le bascophile M. Julien Vinson qui critiqua durement le roman Ramuntcho lors de sa parution.




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RAMUNTCHO DE PIERRE LOTI
PAYS BASQUE D'ANTAN



Pauvre pays basque ! Chaque étranger qui le découvre croit être le seul à l'avoir découvert et jalouse le nouveau "découvreur" — passez-moi ce vieux mot tombé en désuétude on ne sait pourquoi ; — les anglais plus pratiques l'ont conservé.

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L'Ecole de déclamation de San Sébastian devrait être chère à tous les bascophiles et susciter parmi ceux de ce côté des Pyrénées la volonté d'en créer une semblable. Mais le zèle du théâtre basque ne les dévore pas et l'on voit même l'unique revue littéraire de notre région se refuser à l'insertion de la non moins unique pièce basque que l'on y ait représentée — avec succès du reste. — Il n'y a pas de grande église eskuarienne... non... mais il y a une chapelle avec ses véritables desservants. Soyons gais, mes frères et ne nous frappons pas.

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Je ne veux pas terminer cet article sans adresser mes compliments aux audacieux entrepreneurs de ce spectacle exceptionnel. Ils recommenceront, je l'espère, si le beau temps les favorise, leur théâtre sera trop petit pour contenir la foule accourue."


(Source : Wikipédia)





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