LE REMPLACEMENT DE PIERRE LOTI À L'ACADÉMIE FRANÇAISE EN JUIN 1926.
Après la mort de Pierre Loti, le 10 juin 1923, à Hendaye, il est remplacé à l'Académie Française, au fauteuil N° 13, 3 ans plus tard, jour pour jour, le 10 juin 1926, par le peintre Albert Besnard.
M. Albert Besnard est élu à l'Académie française le 27 novembre 1924, devenant le premier
peintre à entrer dans cette institution, depuis 1760.
Son épée d'académicien est l'oeuvre d'Antoine Bourdelle.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Figaro, le 11 juin 1926, sous la plume de Ch.
Dauzats :
"A l'Académie Française.
M. Albert Besnard a été reçu hier par M. Louis Barthou.
L'un et l'autre ont dessiné d'émouvantes images de Pierre Loti.
Il était impossible que la solennité d'hier n'eût point un grand éclat, tempéré d'une rare élégance et d'une mélancolie très douce.
Pour entendre un nouvel hommage à la mémoire de l'auteur divin d'Aziyadé, de Pêcheur d'Islande, des Désenchantées, de tant de merveilleux poèmes, hommage rendu par un peintre illustre et par un maître du verbe, la foule se pressait sous la Coupole, une foule qui unissait l'élite des lettres et des arts à la fleur de la société parisienne.
M. Albert Besnard, élu par l'Académie française à la place vacante par la mort de Pierre Loti, venait prendre séance, et M. Louis Barthou l'accueillait au nom de la Compagnie.
Quand le récipiendaire parut entre les deux parrains, M. Marcel Prévost et M. Henri-Robert, on l'acclama ; et tout de suite, M. Barthou donna la parole au directeur de l'Ecole des beaux-arts, ancien directeur de l'Académie de France à Rome, grand-croix de la Légion d'honneur, pour son remerciement.
Ce remerciement fait, M. Albert Besnard dit :
"J'ai le devoir d'expliquer Pierre Loti. Mais ne dois-je pas vous avouer, dès le début, que ma façon de le présenter sera plutôt d'un peintre que d'un écrivain. Car j'eusse considéré comme inopportun de ma part, peut-être même sacrilège, d'en parler en critique, fût-ce pour le louanger."
Et c'est en peintre, en effet, qu'il esquisse l'enfance, la jeunesse, la vie du magicien Pierre Loti, mais en maître peintre qui sut donner à son esquisse toutes les valeurs du coloris et du dessin, tous les plus beaux effets de lumière et d'ombre.
Pourtant, au cours d'une brève analyse des romans du poète magnifique, M. Besnard se montra critique délicat et subtil.
D'abord, il nota que durant toute son existence, Pierre Loti fut poursuivi par la hantise de la mort, qui lui inspirait plus de haine que d'horreur véritable :
"Heureusement que l'artiste excelle à se servir de tout ce qui peut mettre en valeur son individualité ; ainsi Loti, haïssant la mort, s'en sert pourtant, mais il la punit en lui donnant dans ses livres, le rôle odieux... Je le comparerai aux peintres parce que, comme eux, il use de certaines préparations ; les uns ébauchent en bleu, les autres en noir. Loti ébauche en gris, et, grâce à cette méthode, il extériorise en les enlevant en clair sur un fond vigoureux, les luttes intérieures , les sursauts de l'âme, tout en leur offrant comme protagoniste un être idéal qui est lui-même, parlant toujours le même langage. A l'entendre, ses lecteurs gagnent l'illusion d'une présence continuelle qui leur est devenue chère. Ils le reconnaissent à la mélancolie de ses accents. Car avec un sens très avisé de la volupté humaine, il a compris vite que si les hommes aiment la joue, ils lui préfèrent la douleur. Non celle qui fait crier, mais l'autre, compagne plus discrète, qui est la tristesse. Et opportuniste subtil, il le partage avec eux."
Le premier livre de Pierre Loti, dit M. Besnard, c'est Aziyadé :
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| ROMAN AZIYADE DE PIERRE LOTI |




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